Intervention de Damien Larrouqué

Réunion du jeudi 25 juin 2020 à 15h00
Commission des affaires étrangères

Damien Larrouqué, chercheur à l'Institut des affaires publiques de l'Université du Chili :

Le Chili a été touché le 3 mars. La réponse apportée par le gouvernement a été celle d'un confinement sélectif. Mais il y eu des tensions au sein du gouvernement entre le ministère de la santé d'un côté, et le ministère de la recherche, de l'autre. Le ministre de la recherche, qui soutenait l'association des médecins, demandait un confinement drastique dès le départ. Le ministre de la santé a choisi un confinement sélectif sur des critères plus ou moins obscurs, en fonction de la capacité de lits, d'un certain seuil de malades, etc.

On a donc eu un confinement sélectif accompagné d'un test obligatoire. Le Chili a insisté sur les tests. S'il apparaît comme l'un des pays les plus touchés, c'est aussi parce qu'il a testé massivement. Au départ, les tests étaient payants, même très chers, jusqu'à 300 dollars. Les autorités ont décidé de les rendre gratuits pour les plus de 60 ans et pour les plus pauvres. Pour les autres, les prix ont été plafonnés, aux alentours d'une quarantaine d'euros. Dès lors que vous êtes malades, vous êtes systématiquement testés à votre charge sous peine d'amende.

Le confinement sélectif a finalement échoué car il est venu se télescoper avec des considérations administratives. La métropole de Santiago est une ville de sept millions d'habitants, mais si l'on prend Santiago intramuros, la superficie est de 27 kilomètres carrés, c'est-à-dire trois arrondissements parisiens. Personnellement, je vis près du palais présidentiel. J'ai été confiné à titre obligatoire dès le 17 mars. Mais mes collègues qui vivent dans l'équivalent de Bagnolet ou de Neuilly ne l'ont été qu'il y a un mois. Compte tenu de ce décalage, les gens ont continué à circuler et cela a permis la diffusion de l'épidémie. Le Chili est un pays assez transparent sur les chiffres, mais il y aurait eu des mensonges, un écart entre les chiffres officiellement annoncés par la presse et les chiffres qui ont été présentés à l'OMS.

Il y a eu des tensions avec le collège des médecins. Cela a coûté sa place au ministre, qui a présenté sa démission il y a deux semaines. Il semblerait qu'aujourd'hui il y ait de meilleures relations avec le collège des médecins, ce qui explique que les conditions de déplacement sont ici drastiques : on risque même la prison. Il y a des contrôles systématiques. Le Chili a pris des mesures assez draconiennes.

Il manque une réelle solidarité au plan sanitaire entre l'Union européenne et l'Amérique latine. Encore une fois, l'Amérique latine souffre de cette fragmentation du système de santé et d'énormes différences dans la solvabilisation des patients. Le prix des médicaments au Chili est trente à quarante fois plus élevé que celui des pays comme le Brésil ou l'Argentine, dans la mesure où la santé est largement privatisée au Chili. J'ai en tête une initiative prise par l'ancien ministre de la santé Philippe Douste-Blazy qui avait créé un fonds international pour essayer, avec l'accord des grandes entreprises du secteur pharmaceutique, de faciliter l'accès à certains traitements de type rétroviraux. Par ailleurs, est-ce qu'il ne serait pas possible que l'Europe appuie les initiatives régionales comme l'OPS, trouve des moyens pour renforcer la coopération sanitaire et créer des économies d'échelle dans l'achat d'équipements médicaux ?

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