En ce qui concerne les professionnels de santé, nous avons des chiffres contestés. Au Brésil, les chiffres officiels disent que, le 14 mai, nous avions 150 000 professionnels de santé soupçonnés d'avoir la covid-19, dont 31 000 cas confirmés et 150 morts. D'après le gouvernement fédéral, plus de la moitié seraient des infirmiers ou des auxiliaires et 13 % seraient des médecins. Mais ces chiffres sont contestés, par exemple par le Conseil national des infirmiers au Brésil, qui dit compter trois fois ce nombre de morts. Aujourd'hui, au Brésil, on aurait officiellement 157 infirmiers décédés, ce qui dépasse les chiffres des États-Unis par exemple (148 infirmiers), et même du Royaume-Uni, où la crise est déjà dans une autre phase, avec 67 infirmiers décédés. On ne peut pas nier que les professionnels de santé sont très touchés dans toute la région, et surtout au Brésil.
Cela a un lien avec le niveau de protection des personnels de santé, qui est très différent entre le secteur privé et le secteur public. Nous avons des niveaux excellents dans le secteur privé, par exemple au Brésil mais dans d'autres pays également, mais nous avons un manque d'équipements chronique dans le système public, y compris durant la pandémie. Il y a même une lutte entre les États fédérés pour les ventilateurs et les masques. Et on a un boycott, par le gouvernement fédéral, des gouvernements locaux, sur l'achat de ces produits. Cela fait partie de cette « guerre » dont j'ai parlé, et ce n'est pas moi qui utilise cette expression, mais le Président lui-même qui a déclaré la « guerre » aux gouverneurs. Parce que le Président Bolsonaro croit que ce n'est qu'une « petite grippe », qui est un prétexte pour dépenser de l'argent public. D'ailleurs, c'est un discours très contradictoire parce que parfois il avance des éléments qui soutiennent le constat de la gravité de la crise, mais on ne peut pas s'attendre à un discours cohérent, parce que lorsqu'on parle de l'extrême-droite, l'incohérence est un élément important. La propagande est l'essence de son ascension politique, et en matière de fake news, il sait très bien manipuler les informations.
Aucun doute, donc, sur le fait que les professionnels de santé sont très touchés, mais nous n'avons pas de données fiables, les données officielles étant contestées un peu partout en Amérique latine.
Je vous recommande le travail de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, qui a créé un service spécialement dédié au suivi de la crise de la covid-19, et qui a même émis une résolution sur les droits à la santé dans la région, une résolution sur la pandémie en Amérique avec plusieurs recommandations pour les États. Nous avons déjà plusieurs pétitions et demandes qui proviennent de tous les pays de la région pour pointer la responsabilité des gouvernements et les défaillances dans la réponse à la pandémie.
J'aimerais dire aujourd'hui que le Mercosur est vraiment un « souvenir ». On a essayé de créer le PROSUR, qui est surtout une entité déclaratoire, qui révèle soi-disant cette convergence politique entre des pays qui sont plus conservateurs, mais qui n'a pas d'action sur les politiques publiques.
Ce dont nous aurions besoin maintenant, c'est de ce que faisait l'Institut sud-américain de gouvernement en santé de l'UNASUR, qui avait son siège à Rio de Janeiro. L'UNASUR créait des enceintes pour permettre des échanges entre techniciens et gouvernements et a essayé de lancer des initiatives de vigilance sanitaire en Amérique du Sud. Nous en sommes aujourd'hui très loin, je n'ai aucun espoir par rapport au Mercosur.