Intervention de Didier Quentin

Réunion du mardi 7 juillet 2020 à 15h05
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Quentin, co-rapporteur :

Cette mission a été créée il y a dix jours, ce qui nous a conduit à travailler à un bon rythme, je dirais même à marche forcée, afin de rendre nos conclusions avant la fin des travaux de la commission des affaires étrangères. L'appellation de mission « flash » est donc pleinement justifiée.

Alors, pourquoi cette mission ? Vous l'avez déjà indiqué à grands traits, Madame la présidente : plusieurs Français de l'étranger ont alerté leur député, dont mon co-rapporteur Alexandre Holroyd, et même certains députés métropolitains et ultramarins, sur la difficulté d'obtenir un passeport depuis le début de la pandémie de covid-19. Or cette situation leur est préjudiciable, d'abord parce qu'il est compliqué de ne pas avoir de passeport valide à l'étranger, mais aussi parce qu'un grand nombre de nos compatriotes envisagent de rentrer en France durant l'été. Sans passeport, il leur est impossible de concrétiser ce projet, puis de retourner ensuite dans leur pays de résidence.

L'objectif de cette mission était donc triple : premièrement, évaluer la gravité et l'origine exacte du problème ; deuxièmement, identifier les obstacles principaux à un retour au fonctionnement normal ; troisièmement, faire des propositions pour résoudre rapidement les difficultés constatées et d'améliorer, peut-être aussi à plus long terme, la délivrance des passeports à l'étranger.

Pour commencer, voici quelques éléments de rappel du cadre de la délivrance des passeports à l'étranger. Chaque année, les consulats français délivrent 350 000 titres d'identité et de voyage, dont 230 000 passeports ordinaires, ce qui représente un nombre conséquent de titres. Ces titres sont délivrés dans les mêmes conditions qu'en métropole, sous réserve d'un certain nombre de souplesses, destinées à tenir compte de la contrainte que représente la « double comparution personnelle » des demandeurs. Cette expression reviendra souvent dans notre rapport. Cette double comparution personnelle des demandeurs comprend une première comparution au moment du dépôt de la demande, et une autre lors du retrait du titre. Or, les Français de l'étranger sont parfois très éloignés de leur consulat, parfois de plusieurs milliers de kilomètres, si on pense aux très grands pays-continents.

La délivrance de passeports à l'étranger se décompose en quatre phases : premièrement, le dépôt de la demande, au guichet des consulats ou, pour les plus grands pays, lors des tournées consulaires, par l'intermédiaire de dispositifs mobiles de recueil des demandes. Deuxièmement, la production du titre, sur laquelle l'Imprimerie nationale dispose d'un monopole. Troisièmement, l'acheminement du titre vers le poste consulaire, en principe par la valise diplomatique mais, aujourd'hui, de façon majoritaire, par livraison directe via Chronopost. Enfin quatrièmement, la remise du titre. Il y a plusieurs formules : soit au guichet du consulat, soit à l'occasion d'une tournée consulaire, soit par un consul honoraire spécialement habilité, soit enfin par envoi à domicile sous pli sécurisé.

Je précise que l'envoi sous pli sécurisé a constitué une « petite révolution » qui date de 2017, et est donc assez récente. Cet envoi est limité à trente-six pays et soumis à plusieurs conditions, dont la demande expresse de bénéficier de cette modalité de remise dès le dépôt de la demande et de fournir, à cette occasion, une enveloppe pré-affranchie. Cela représente une des lourdeurs de ce dispositif parce qu'il faut le faire, je le répète, dès le dépôt de la demande.

La pandémie mondiale de covid-19 a, de fait, mis en tension toute la chaîne de délivrance des passeports à l'étranger. Pourquoi cette mise en tension ? D'abord parce que les consulats ont été nombreux à fermer leurs portes. Ensuite, parce que la valise diplomatique a dû se réorganiser à cause de l'interruption des liaisons aériennes. Et enfin car l'Imprimerie nationale a dû reconfigurer son outil industriel pour honorer les commandes dans le respect des délais. Au total, nous estimons qu'il existe un retard dans la délivrance de 50 000 passeports par rapport à une année normale. C'est donc considérable.

Aujourd'hui, les consulats, puisque c'est à leur niveau que la tension est la plus forte, reprennent progressivement leur activité avec, bien sûr, des pertes de temps et des délais supplémentaires dus notamment à la distanciation physique. En 2019, les cinq plus grands postes consulaires sont Londres, avec 29 812 livraisons de passeports, Genève, avec 12 744 livraisons, Bruxelles, avec 11 139 livraisons, Montréal, avec 8 931 livraisons, et enfin New York, avec 4 150 livraisons. Dans ces cinq plus grands postes consulaires, un retour à la normale n'est pas envisageable avant trois à neuf mois, et dépend de l'évolution de la situation sanitaire.

En attendant, les consulats semblent condamnés à donner la priorité à certaines demandes, naturellement au détriment d'autres demandes, et les Français de l'étranger sont obligés de patienter. Cela explique les interventions que ces derniers peuvent faire auprès des députés des Français établis hors de France, ou même des députés métropolitains et ultramarins.

De notre point de vue, cette situation n'est pas une fatalité. Mais la pandémie mondiale révèle un certain nombre de rigidités dans la procédure de délivrance des passeports qui empêchent les consulats de faire preuve de l'agilité nécessaire à la résolution rapide du problème. Ces rigidités sont principalement de deux ordres : tout d'abord l'obsolescence des outils et des applications informatiques utilisés par les consulats, qui nuit à la productivité des agents comme au vécu des usagers, qui ne comprennent pas toujours ces délais. Ensuite, la comparution personnelle du demandeur au moment du retrait du titre, qui reste la norme dans l'immense majorité des cas, alors que, de notre point de vue, elle ne se justifie ni au regard de la lutte contre la fraude, ni au regard de la qualité du service rendu.

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