Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du mercredi 14 octobre 2020 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges :

Le groupe du Mouvement démocrate et Démocrates apparentés salue, lui aussi, la grande mutation qui s'est produite au cours du printemps dans les affaires budgétaires européennes, puisque nous avons assisté à un saut à la fois quantitatif et qualitatif. Un saut quantitatif, d'abord, avec l'augmentation assez massive des sommes liées au plan de relance, qui trouvent leurs retombées dans les dispositions budgétaires et le prélèvement sur recettes. Un saut qualitatif, ensuite, puisque nous sommes passés pour la première fois d'un système de solidarité dans l'endettement à un système de solidarité budgétaire. C'est un fait très important, dont nous mesurons pleinement les potentialités.

Cela dit, plusieurs choses ne vont pas dans ce système.

Premièrement, les incertitudes sont nombreuses, et elles pèsent fortement sur nos comptes. Nul ne sait comment va se résoudre la question du Brexit, et nous ne connaissons ni le rythme, ni les modalités de mise en œuvre du plan de relance. Alors qu'une décision politique a été prise au mois de juillet, elle tarde à se concrétiser sur le plan pratique : ce retard à l'allumage est très inquiétant. Cela dit, il ne nous surprend guère, car nous savions que le principe de l'unanimité pouvait paralyser le système institutionnel : nous étions nombreux à prévoir des difficultés – ce fut le cas de l'Institut Jacques Delors, dès le mois de juillet.

Ma deuxième inquiétude, c'est qu'il soit fait un usage abusif du principe des vases communicants : on met dans le plan de relance un certain nombre de choses, mais on en retire d'autres ! On diminue par exemple les investissements dans le programme spatial ou dans les projets susceptibles de muscler notre défense. Or ce sont des domaines régaliens qui sont extrêmement importants pour un pays comme le nôtre. L'Union européenne doit passer au stade politique, elle doit avoir les moyens de peser dans le concert international. Or on réduit les dépenses qui lui permettraient de le faire : c'est un procédé pervers, qui a été imposé par les États dit « frugaux ». Le Parlement européen a certes réagi, en appelant à accroître certaines dépenses, mais il a surtout plaidé pour des dépenses sociales – par exemple pour Erasmus – et a été beaucoup plus circonspect sur les dépenses régaliennes. Notre commission doit se soucier de ces questions, car elles sont essentielles.

S'agissant, troisièmement, des dépenses, je note un autre élément très pervers : l'augmentation des rabais. Cela fait des années que nous disons que les rabais sont la verrue sur le visage de l'Europe. Ce sont les séquelles de la politique de Margaret Thatcher et de son fameux : « I want my money back », l'idée étant que chacun devait recevoir de l'Union européenne à peu près ce qu'il lui donnait. Avec un tel raisonnement, on n'a pas besoin d'Union européenne : chacun peut dépenser directement chez lui ce dont il a besoin ! Or les pays « frugaux » ont non seulement refusé d'aller dans le sens que nous proposions, mais ils ont organisé un recul : c'est fort dommage ! Et c'est lié à un autre problème, celui des ressources propres. Il faut passer à un système de ressources propres : c'est la seule manière de transformer le système et de sortir de cette comptabilité diabolique imposée par Margaret Thatcher. Il nous faut des ressources communes et solides !

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