Intervention de Frédéric Petit

Réunion du mercredi 21 octobre 2020 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Petit, rapporteur pour avis :

Comme les années précédentes, ma présentation liminaire ne suivra pas mon rapport, que vous avez eu tardivement et je le regrette. Je me concentrerai plutôt sur trois points qui permettent de lancer un débat entre nous, avant, bien évidemment, de répondre aux questions que pose mon rapport et à celles issues du débat.

Le premier point concerne l'impact de la crise du covid-19 et du numérique dans le réseau. En la matière, je dois dire que nous partons de très loin. L'année dernière, j'avais recensé dix-sept plateformes – et j'en ai encore découvert une cette année – dont chaque opérateur était très fier, mais qui faisaient la même chose : soit de la formation de professeurs de français, soit de l'enseignement à l'étranger. Il est important de ne pas papillonner. Une révolution informatique ne commence pas par les informaticiens mais par les managers qui doivent se poser les bonnes questions. Ce n'est qu'une fois qu'on sait ce qu'on va leur demander qu'on invite les informaticiens. Par exemple, la commission des affaires étrangères leur demanderait d'abord qu'on puisse voter à distance avant de savoir quelle caméra ou micro utiliser.

Le bouillonnement était normal durant toutes ces années, beaucoup de gens se posant des questions et cherchant de nouveaux moyens. Maintenant, il faut veiller à ce que ce bouillonnement se coordonne.

Le numérique va changer l'enseignement, non pas comme un enseignement dégradé, non pas comme un enseignement de crise, non pas pour préparer la prochaine crise, non pas pour renforcer le Centre national d'enseignement à distance (CNED). Il va révolutionner l'enseignement de tout le monde, de même qu'il va révolutionner le Parlement. Si on ne pose pas les bonnes questions, on en sera réduit à coller des rustines qui nous empêcheront de régler les problèmes. Cette adaptation au choc numérique qui a été provoquée par la crise doit commencer non par une réflexion technologique et informatique, mais par une réflexion pédagogique sur les évolutions à apporter pour les enfants qui sont dans les lycées français mais aussi pour ceux qui sont dans d'autres dispositifs, pour les adultes qui fréquentent les alliances françaises, pour la diffusion de la culture, du cinéma français, pour les centres scientifiques à l'étranger.

Mon deuxième point porte sur la nécessaire poursuite des réformes engagées dans le réseau. Certaines voix officielles ont été tentées de dire que la crise du covid-19 devait nous conduire à les arrêter, mais je suis persuadé du contraire. L'enseignement du français à l'étranger, par exemple, a été envisagé sur une trajectoire à dix ans, et il ne faut pas l'interrompre.

Certaines choses ont été accélérées par le covid-19. Ainsi, à l'Institut français de Paris, le nouveau directeur a, dès le début de la crise, engagé un travail remarquable d'analyse. Il n'a pas encore débouché sur une révolution, mais des choses intéressantes ont été entreprises. Certaines alliances françaises en ont profité pour récupérer le logiciel qu'elles avaient acheté il y a quelques années et pour se sont numériser.

Dans mon rapport, je reviens aussi sur la mission que j'ai effectuée au lycée d'Alexandrie que je connais bien puisque j'ai passé cinq ans en Égypte. Lorsque j'avais quitté ce lycée de 300 élèves, en 2015, il était derrière les barricades et on ne pouvait plus y accéder. Aujourd'hui, il compte 1 000 élèves et il vient d'acheter un terrain parce que 3 000 élèves y seront attendus dans trois ans.

Ce qui me soucie, c'est que l'administration n'a toujours pas réussi à construire un rapport avec les non-administratifs. C'est le grand débat entre le préfet et le maire, le grand débat sur la place des parents au sein des écoles publiques à l'étranger. M. di Pompeo a salué l'ensemble des aides exceptionnelles, mais, sans qu'on sache pourquoi, les procédures habituelles qui fonctionnent très bien avec les élus n'ont pas été suivies pendant la crise, ce qui fait que les élus consulaires n'ont pas participé à l'attribution des bourses aux étrangers ni à l'aide sociale. On a été contraint de construire d'autres instances. Je suis inquiet de la tournure d'esprit de notre administration en direction de ses élus, d'autant que va s'ouvrir une année électorale. Il est vrai que notre administration a du mal à se projeter à cinq ou dix ans sur certains opérateurs et pas uniquement à faire fonctionner ce qui existe aujourd'hui.

Enfin, j'ai intégré dans mon rapport une contribution personnelle que j'ai faite au printemps, car je voulais montrer qu'une projection à dix ans était possible. Le réseau d'enseignement français à l'étranger a un très bon financement public, contrairement aux autres réseaux concurrents qui ne sont pas soutenus publiquement par leurs États et qui sont privés, à l'exception du réseau chinois qui est en train de se développer et qu'on ne connaît pas encore très bien. Je ne dis pas que ma réflexion prospective est la bonne, mais il faut éviter de dire que ce n'est pas possible.

J'ajoute que nous sommes quasiment les seuls sur notre créneau. L'une de mes grandes craintes est de perdre le contact avec la sociologie de notre réseau, qui est très particulière. L'enseignement français aux élèves étrangers ne s'adresse pas aux très riches – pour cela, il y a le lycée américain qui est trois fois plus cher que nous –, il s'adresse aux classes moyennes supérieures en train d'émerger. Je crains que certains lycées qui seront contraints, du fait de la crise, d'augmenter leurs tarifs, perdent le contact avec cette sociologie importante.

Aucune raison ne justifierait que nous soyons timorés et que nous refusions de nous projeter à dix ans. Notre réseau peut voir le nombre d'élève doubler en dix ans s'il prend les bons outils, s'il profite de cette aide qui a encore augmenté cette année après une forte hausse l'année dernière. J'ajoute qu'il est soutenu par le dispositif de bourses que l'on a rappelé tout à l'heure ainsi que par un dispositif exceptionnel de bourses aux étrangers instauré pendant la crise du covid-19 et qui sera certainement reconduit l'an prochain.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.