Intervention de Frédéric Petit

Réunion du mercredi 21 octobre 2020 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Petit, rapporteur pour avis :

Je remercie l'ensemble de mes collègues pour la qualité de leurs questions – cela change de celles un peu surréalistes, à l'emporte-pièce et plutôt émotives que j'avais dû traiter la première fois que j'ai été rapporteur.

Cette année encore, j'avais prévu de montrer un graphique, mais on m'a expliqué que si je le projetais cela coupait la visioconférence.

Je confirme la résistance et la résilience de nos réseaux. Si on nous avait dit qu'on aurait fait une rentrée pareille au mois de mars, on aurait signé des deux mains.

Un rapport budgétaire est aussi un exercice de contrôle parlementaire ; on n'y parle pas que d'argent. Il est tout aussi intéressant de savoir qu'on a été résilients sur les opérations que de vérifier que les familles allaient payer. J'ai vu des évolutions, et la résolution de conflits par le haut. On a fait comprendre aux parents que ce n'est pas parce qu'il n'y avait pas de vidéo vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour les enfants de maternelle qu'il n'y a pas d'école à distance. Tous ces sujets ont été petit à petit repris dans beaucoup d'endroits. Aussi la résilience n'était-elle pas uniquement financière.

Une vigilance post-covid, c'est ce qu'a demandé la présidente de la commission, comme nous tous ici. Nous voulons que les ambassadeurs, dans chaque pays, chaque région du monde, écrivent maintenant non pas un plan école ou un plan enseignement, mais des plans de diplomatie d'influence post-covid. J'espère en tout cas que ce sera fait.

Les événements culturels dans les alliances françaises font très peu l'objet d'un financement public de l'État français. Effectivement, certains crédits sont en baisse à cause des reports. Je confirme que le sommet Africa 2020 est seulement reporté. Les équipes travaillent pour savoir sous quelle forme et à quelle échéance il se tiendra. Mais ce budget ne disparaît pas.

Effectivement, les alliances françaises sont en révolution, en cours de réorganisation. Les alliances françaises sont fédérées dans la Fédération des alliances françaises, qui est une petite structure très légère mais une vraie tête de réseau. Avec très peu d'argent public, 8 millions, elle a effectué un énorme travail de réorganisation, de définition des présidents de région pour une bonne adaptation à chaque région. La même chose n'a pas été faite en Amérique latine, où les alliances françaises ont une présence et une histoire complètement différente, et ailleurs. Il ne s'agit pas de décisions prises au Quai d'Orsay.

Par contre, dans les instituts français, un nouveau métier a été inventé par le terrain, qui a été pris en compte par le Quai d'Orsay : le directeur de cours. Bien souvent, cette fonction est exercée par une personne bilingue sous contrat local, qui réfléchit à la façon d'augmenter la fréquentation des cours de français, sous forme de cours individuels pour les entreprises ou en négociant avec l'État local. Dans ma circonscription, en Slovénie, l'Institut français forme tout un ministère au français, parce que la Slovénie, en entrant dans l'Union européenne, a souhaité que les gens parlent français.

Les alliances françaises en France sont des associations loi de 1901. Elles font partie de la Fédération et sont très indirectement soutenues par le ministère des affaires étrangères. L'alliance de Vichy, le CAVILAM, Centre d'approches vivantes des langues et des médias, est un institut associatif qui fait de la formation, y compris de professeurs de français à l'étranger. Il n'a pas perdu sur son activité française en France, mais sur la formation des professeurs de français qui ne peuvent plus venir de l'étranger. Il a été quelque peu mis de côté en matière d'aides parce que c'est une association française. Aussi est-on en train de voir dans quel système il pourrait être intégré pour être soutenu en cas de crise.

Je pense que la fonction de tête de réseau n'est pas encore bien comprise par l'administration. Ce sujet est transversal dans toutes vos questions. Je maintiens qu'on peut faire des politiques publiques qui ne soient pas intégralement payées par des fonds publics. Lorsque je suis agressé sur ce sujet dans ma circonscription, je prends l'exemple du football qu'on peut considérer comme une politique publique en France, mais dont seule une petite partie est soutenue par l'État. Sur les 522 lycées français à l'étranger, 460 sont des structures locales exactement de la même façon, et c'est très bien. Cela donne un maillage, une osmose extrêmement bénéfique. Si certains ont résisté, c'est grâce à cela.

Le budget ne serait pas compatible avec les grands projets sur la langue française. Aujourd'hui, ce qu'on gère c'est la destination de l'argent quand il arrivera, c'est-à-dire le contrôle sur les opérations. Je dis souvent qu'il ne sert à rien de mettre de l'essence dans un moteur qui n'est pas encore réparé. Comme vous l'avez vu dans ma contribution personnelle sur le réseau d'enseignement, des rééquilibrages sont nécessaires pour que l'argent public arrive et participe à l'élan qu'on veut donner.

Je trouve Michel Herbillon assez sévère sur l'anticipation, mais il a le droit de ne pas être d'accord, c'est même parfois un devoir.

L'augmentation de 3 millions des crédits du programme 185 est plus significative encore si l'on considère qu'on part de ce qui a été budgété l'an dernier, moins ce qui a été complètement annulé à cause de la crise du covid-19.

Je dis que le statu quo n'est pas viable, parce que je prétends qu'il faut continuer à réformer nos réseaux en ce sens que notre administration doit cesser de considérer qu'un réseau de partenaires dans la francophonie est un mode dégradé de l'administration centralisée ; c'est une autre manière de travailler avec des gens. Les ambassadeurs et les numéros deux d'ambassade ont compris, depuis le discours du Président de la République l'an dernier, qu'ils sont devenus des chefs d'orchestre qui font jouer des partenaires ensemble. Le raisonnement qui veut que celui qui finance est responsable, ou alors il ne s'occupe de rien, n'est plus valable.

Parmi les 700 millions de locuteurs espérés, une partie sera naturellement francophone. Le travail de la francophonie sera plutôt de leur apprendre à habiter le français. On ne peut pas se contenter d'avoir des locuteurs français par naissance et avec lesquels on ne travaille pas : il faudra faire un travail d'inclusion. L'archétype, ce sont les normes. Il faut que les normes soient françaises et non chinoises. La croissance ne se fera pas avec des gens qui auront passé le diplôme d'études en langue française (DELF). Elle sera naturelle dans les pays qui sont déjà francophones.

Il se passe effectivement de belles choses en Égypte puisqu'on y construit un campus. J'ai vu renaître l'université française dans une bonne stratégie. Lorsque je l'ai quittée, en 2014, on était en train de l'euthanasier parce qu'elle était vide. Depuis, un effort politique, qui ne s'appuie pas que sur des fonds publics, a permis d'entrer dans une démarche qui profite de la francophilie de l'Égypte.

J'ai oublié de dire que c'est l'éducation nationale qui organise, le mois prochain, les états généraux du numérique éducatif auquel tout le monde participera, y compris les réseaux étrangers. Je tire mon chapeau à ce ministère pour sa capacité de réaction et d'organisation dans ce domaine. Un effort important de réorganisation des opérateurs a été réalisé. C'est une équipe et tout le monde travaille ensemble, le CNED, le réseau Canopé, France éducation international, anciennement le centre international d'études pédagogiques (CIEP). Ils ont regroupé leurs forces pour avoir un seul outil d'État d'école à distance qui ne soit pas uniquement une roue de secours quand on ne peut pas faire autrement, mais qui transforme les pratiques durablement. On peut imaginer que lorsque la crise sera dernière nous, le mode hybride sera choisi par certains enseignants qui préféreront avoir quatre élèves en classe et quatre qui regardent. Ce système, impulsé de manière pertinente par l'éducation nationale, aura une répercussion sur nos réseaux. Je vous invite d'ailleurs à participer – on peut bien sûr y assister à distance – à un colloque de trois jours sur le numérique dans l'éducation.

Nous allons devoir travailler sur quelque chose qui est aujourd'hui plus ou moins l'éléphant dans la salle dont personne ne parle dans le monde enseignant : la formation entre pairs. L'éducation nationale a élaboré, il y a trois ans, l'Observatoire des ruptures de laïcité, dont le rapport annuel, rendu il y a trois semaines, regrette que les interventions s'arrêtent à la porte de la classe. On sait tous pourquoi. Le numérique va nécessairement demander à des enseignants d'être formés par leurs pairs, c'est-à-dire que des enseignants pourront venir voir ce que je fais et que je pourrai aller voir ce qu'ils font numériquement. Ce système n'est pas encore dans la culture de l'éducation nationale.

Je suis favorable à l'évolution du rôle des ambassadeurs thématiques. Il devrait y avoir un ambassadeur sur l'éducation française dans le monde comme il en existe un sur l'environnement. Et son rôle devra être beaucoup plus politique que celui d'un technicien de la diplomatie. Si l'on veut faire travailler ensemble des acteurs du privé, des acteurs associatifs, des élus locaux, avec un ambassadeur, un consulat, on aura besoin d'une sorte de médiateur politique. On ne peut pas laisser le conseiller de coopération et d'action culturelle (COCAC) se disputer avec le président de l'association qui gère le lycée et l'ONG qui fait les objectifs de développement durable dans la ville. Un ambassadeur thématique pourrait avoir ce rôle de liant, de ciment.

Le budget de l'AEFE est passé de 383 à 418 millions d'euros en deux ans. Pour ma part, je considère qu'il est plutôt en augmentation que stable.

Il se passe, avec l'Institut français, quelque chose de très intéressant et de très nouveau. Il doit assumer son rôle de tête de réseau, ce qu'il ne fait pas aujourd'hui. Il doit reconstruire une relation qui s'était arrêtée au milieu du gué à cause de la réforme Fabius, il y a six ans. Là, il y a des crédits à récupérer qui n'ont pas été utilisés.

Je crois effectivement qu'on est timide. L'absence de timidité, c'est une compétence qu'il faut chercher, recruter, organiser. Il manque peut-être des compétences de leadership à certains endroits de notre architecture administrative à l'étranger.

J'aime beaucoup que l'on dise que la francophonie c'est le plurilinguisme. Parmi les quatre-vingt-trois pays de la francophonie, il y a un seul malheureux pays où on ne parle qu'une seule langue : la France. Notre action publique et notre argent public doivent servir à aider des projets dont les objectifs sont importants.

Les UMIFRE n'ont pas beaucoup souffert. Elles sont très peu financées par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et surtout soutenues par le CNRS. Je m'impose, depuis trois ans, à la conférence annuelle des UMIFRE au sein du CNRS. J'ai utilisé la nouvelle réglementation de l'Assemblée nationale pour faire une communication lors de la discussion du projet de loi de programmation de la recherche, afin qu'il y ait une recherche française dans le monde et non une recherche française en France avec un saupoudrage à l'étranger.

Si les bourses ont été décalées, c'est parce que les gens n'ont pas pu voyager à cause de la crise du covid-19. Il faut savoir que le système des bourses octroyées aux étudiants étrangers qui viennent en France est une usine à gaz. En fait, on vote un budget qui part ensuite dans un sac qui s'appelle la dotation à l'ambassadeur. Et c'est l'ambassadeur qui décide s'il octroie une bourse ou s'il donne à l'Institut français. Campus France ne fait que consolider les informations qu'on lui transmet. Quand on connaît bien le mécanisme, on voit qu'il n'est pas contradictoire. J'ajoute que la conférence des présidents d'université est très investie en ce qui concerne l'invitation des étudiants étrangers à venir en France.

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