La situation internationale est très instable ; elle se complexifie et la crise sanitaire ne participe pas à l'apaisement international, bien au contraire. De plus, les moyens d'attaque et de défense évoluent rapidement, les théâtres d'opérations engendrant un besoin croissant de s'adapter au plus vite à ces nouvelles situations. Pour faire face à tous ces défis, le budget de la mission « Défense » continue d'augmenter en respectant la trajectoire de la loi de programmation militaire 2019-2025 : on ne peut donc que le saluer.
Il est important de souligner l'augmentation conséquente des crédits alloués à certaines actions, qui était indispensable. C'est le cas notamment de l'action « Prospective de défense », qui augmente de 8,28 % par rapport à 2020, action indispensable pour appréhender les nouveaux enjeux internationaux. Mais nous regrettons fortement la stagnation du budget destiné à la sous-action « Actions civilo-militaires », qui figure dans l'action « Surcoûts liés aux opérations extérieures ».
Dans le même esprit, nous pourrions nous réjouir de l'augmentation de 20,8 % de l'opération budgétaire « Activités et entraînement des forces » dans la sous-action « Emploi des forces » de l'action « Planification des moyens et conduite des opérations ». Cependant, cette augmentation s'explique principalement par une augmentation des activités de coopération et d'entraînement menées par les forces de présence et de souveraineté. Or les actions civiles et militaires ont pour but de participer à la réalisation des objectifs civils du plan de paix dans le domaine sécuritaire, culturel, économique et social. Dans ce budget, elles stagnent. L'idée est pourtant que les forces armées passent progressivement le relais aux organismes civils au fur et à mesure de la sortie de crise – au Sahel, on en est très loin ! Cela nous paraît donc être une faute majeure d'analyse.
Le chef d'état-major des armées (CEMA) a indiqué à plusieurs reprises que la guerre serait très longue au Sahel, sans doute plus de vingt ans – autant dire sans fin. De plus, les opérations militaires ne permettront jamais, à elles seules, de gagner le soutien des populations. Ce qui vient de se passer récemment au Mali, avec la libération de 200 prisonniers, ou encore au Niger, avec l'exécution de six jeunes bénévoles, nous le démontre cruellement. La politique dite du scalp, celle de l'élimination des chefs de guerre, si elle permet de communiquer, ne résout aucun problème structurel : les chefs sont immédiatement remplacés par d'autres chefs, des représailles sont menées, nécessitant l'engagement de moyens toujours plus coûteux pour parvenir à ces éliminations. Cela fait peser des menaces de plus en plus fortes sur nos militaires et sur nos ressortissants. Enfin, au Mali, parmi les prisonniers, il n'y avait que quelques djihadistes terroristes combattants ; tous les autres étaient des villageois, qui avaient aidé ponctuellement en fournissant de l'eau, de l'essence, une moto ou un service. Ils l'ont fait, la plupart du temps, pour vivre en sécurité : en effet, sans réponse aux besoins des populations, sans protection des populations, nous restons impuissants face à ceux qui défendent un autre modèle de société que le nôtre, mais qui apportent des réponses aux besoins essentiels et vitaux des populations sur le terrain.
Il est par ailleurs inquiétant que le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales ait totalement disparu de l'agenda, même virtuel, du Gouvernement. À travers ce budget, on peut s'interroger sur la répartition des dépenses : quelles interventions doit-on vraiment mener dans les pays du Sahel pour sortir de la crise ?