J'ai appris lors d'une audition que 80 % des vols de denrées alimentaires et de matériel médical – notamment de masques – constatés pendant le confinement dans les aéroports, s'agissant de liaisons vers la France, avaient eu lieu à l'étranger. Les professionnels du chargement nous avaient informés du problème, mais, sauf erreur de ma part, celui-ci n'avait pas été évoqué ici jusqu'à présent. Il faut remédier à cet état de fait : non seulement il y va de notre souveraineté, mais cela coûte cher. J'en fais la remarque car il est possible que nous ayons de nouveau des problèmes d'approvisionnement dans la période qui s'annonce.
Les principes que vous avez énoncés en matière de commerce et de développement durable doivent être appliqués dans le domaine qui nous semble le plus actuel et le plus sensible, à savoir le projet d'accord avec le Marché du Sud (Mercosur). Lors de votre précédente audition devant notre commission, je vous avais demandé que le rapport de la commission Ambec soit rendu public. Je vous remercie d'avoir fait passer le message au Premier ministre : le rapport a été publié quelques jours plus tard.
Or cet excellent rapport confirme nos craintes : il conclut que l'accord « représente une occasion manquée pour l'UE d'utiliser son pouvoir de négociation pour obtenir des garanties solides répondant aux attentes environnementales, sanitaires, et plus généralement sociétales de ses concitoyens ». Il pointe également des garanties juridiques fragiles. Par ailleurs, le surcroît d'importations pourrait fragiliser les producteurs agricoles, tout en permettant une accélération de la déforestation de 5 % par an.
L'état des discussions au Conseil nous pose en outre un problème de principe : alors que le diagnostic posé par le rapport Ambec conforte d'une certaine façon vos positions, se dégage l'idée selon laquelle l'opposition à l'accord serait due à l'impossibilité de régler le problème de la déforestation. Autrement dit, si on avait trouvé un mécanisme bilatéral sur ce point, l'accord aurait pu aboutir. Or, selon nous, il n'est pas possible de se limiter à ce simple ajustement de la politique nationale brésilienne. D'abord, quand bien même le Brésil modifierait sa politique – ce que M. Bolsonaro ne semble pas prêt à faire –, qu'est-ce qui nous garantirait que nous aurions les moyens de pression suffisants pour faire en sorte que cette politique ne soit pas remise en cause par un autre gouvernement, dès lors que rien ne serait inscrit dans le texte de l'accord lui-même ? Ensuite, cet accord pose d'autres problèmes très importants qui dépassent largement la question de la déforestation.
Nous vous proposons d'avoir la même approche que pour le CETA, c'est-à-dire de travailler avec nous sur plusieurs chantiers. L'un d'entre eux consiste à renforcer les mécanismes et les clauses de sauvegarde : sans une conditionnalité accrue en matière de traçabilité et de contrôle, l'accord ne saurait entrer en vigueur. Il faut également renforcer les clauses miroir, à l'image de ce qui a été fait pour les antibiotiques. Nous avons affaire à un pays qui a introduit 66 demandes de dérogation concernant les pesticides. Depuis trois ans, tout ce qui concerne les normes sanitaires et internationales est revu à la baisse.
La France est moteur. La question est de savoir si nos partenaires sont prêts à nous suivre, au-delà de la déforestation.