Intervention de Franck Riester

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Franck Riester, ministre délégué :

Nous nous concentrons sur la politique de l'Union européenne, quel que soit le choix des Américains à l'élection présidentielle. Compte tenu des difficultés de déplacement provoquées par la crise du covid-19, j'ai tenu à me rendre virtuellement aux États-Unis en enchaînant pendant une journée des visioconférences avec la Team France Export, les chefs d'entreprise de l'US Chamber et des chefs d'entreprise souhaitant investir en France. Les États-Unis restent le premier investisseur étranger en France, et l'envie de travailler ensemble est grande. Les investisseurs étrangers en France sont particulièrement intéressés par la transition écologique, la santé, la biotech. Ils savent que la France est un pays d'innovation, un pays qui investit dans les filières d'avenir que sont la transition écologique et la révolution numérique. Nous avons travaillé dans un bon climat, réaffirmant notre volonté de désescalade dans les tarifs douaniers. Toutefois, nous voulons faire respecter nos droits : nous imposerons des droits de douane aux États-Unis – la liste des produits concernés est en cours de discussion avec la Commission – tant qu'ils n'auront pas retiré les leurs. Tel est l'état d'esprit dans l'Union européenne et en France.

Nous n'avons pas la possibilité d'imposer des sanctions en cas de non-respect des engagements en matière de développement durable. Le dialogue politique peut être efficace – nous l'avons vu avec la Corée concernant la ratification des conventions de l'Organisation internationale du travail – mais nous souhaitons à l'avenir pouvoir appliquer des sanctions commerciales en pareille hypothèse. Nous n'y sommes pas encore : nous faisons un travail de conviction auprès de la Commission et de nos partenaires. L'état d'esprit évolue, comme le démontre le non-papier de la France et des Pays-Bas sur le commerce, ses conséquences en matière socioéconomique et de développement durable, qui a reçu un écho très favorable. Des avancées ont été obtenues : la Commission s'est approprié la question de l'accord de Paris comme clause essentielle des traités de libre-échange ; un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières devrait être prochainement instauré, espérons-le – nous attendons les contributions de la Commission, qui négocie actuellement avec un certain nombre d'États membres en ce sens. Il reste du travail à accomplir mais les choses avancent bien.

La question des paradis fiscaux, qui ne relève pas directement de ma compétence, est importante. L'OCDE procède à une évaluation des pratiques fiscales des États pour vérifier qu'elles ne sont pas dommageables. L'Union européenne met très régulièrement à jour la liste noire des juridictions fiscales non coopératives. Cet outil est objectivement très efficace pour faire évoluer les pratiques de nos partenaires : ainsi, l'Arménie et le Vietnam ont été retirés de la liste en février 2020.

Les règles relatives aux aides d'État ont été assouplies en raison de la crise. Elles n'ont toutefois pas été abolies car cela aurait causé des distorsions de concurrence préjudiciables aux entreprises. Nous avons mobilisé des moyens sans précédent dans le plan de relance et dans le plan de soutien aux entreprises exportatrices, avec l'accord de la Commission. La solidarité européenne s'est exprimée avec le plan de relance européen, fruit de l'initiative franco-allemande du mois de mai. Il permettra un financement partiel des plans de relance par l'Europe ainsi qu'une coordination de nos efforts en matière de transition numérique et de transition verte.

La Commission européenne a lancé deux stratégies, l'une en faveur de la biodiversité, l'autre en faveur d'une alimentation respectueuse de l'environnement, baptisée « de la ferme à la table » ou encore « de la fourche à la fourchette ». Elles ont pour objectif de mieux prendre en compte le développement durable dans la production agricole. De même, la lutte contre la déforestation est au cœur du débat sur la ratification du traité de libre-échange avec le Mercosur.

Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières vise à appliquer aux produits importés les mêmes standards de production et de protection de l'environnement que dans l'Union, notamment les normes phytosanitaires. Dans ce but, il convient d'instaurer des mesures miroir à chaque fois que cela est nécessaire, dans le respect de nos engagements internationaux.

Concernant les pesticides, notre objectif est de renoncer à la tolérance à l'importation. La France défendra ce message dans les discussions sur la stratégie « de la fourche à la fourchette ». Ces mesures miroir sont soutenues dès qu'elles sont justifiées scientifiquement, comme l'interdiction de l'utilisation d'antibiotiques comme activateurs de croissance, dans le cadre de la lutte contre l'antibiorésistance.

S'agissant du Brexit, il est important de souligner que, avec ou sans deal, il y aura des changements pour les entreprises, avec plus de démarches, de formalités et de contrôle – nous le regrettons mais c'est ainsi. L'absence d'un deal aurait beaucoup plus de conséquences économiques pour la Grande-Bretagne que pour l'Europe. Nous voulons absolument un accord, mais pas à n'importe quel prix.

Il faut préparer nos entreprises en les accompagnant dans l'ensemble des champs de l'économie. J'ai mobilisé la Team France Export pour délivrer les informations en temps réel, répondre aux interrogations réglementaires concernant les exportations et couvrir les exportations contre les risques accrus, notamment de change – Bpifrance a développé une action spécifique pour sécuriser davantage nos exportateurs contre le risque de change. Voilà quelques exemples concrets de ce que nous faisons pour préparer nos entreprises au Brexit.

Les chèques relance export sont utilisables par toutes les entreprises : les opérateurs spécialisés du commerce international (OSCI) peuvent en bénéficier, tout comme les entreprises sous-traitantes travaillant à l'exportation. Le chèque relance export permet de prendre en charge le coût de la participation d'une entreprise à une place de marché numérique ; son utilisation n'est absolument pas circonscrite aux services de Business France. Quant au chèque relance export « agro », je vais regarder ce qu'il en est ; je vous remercie de m'avoir signalé ce problème.

Ce dispositif, cumulable avec les aides des régions, pourra être adapté aux besoins des entreprises. Les 247 millions consacrés au commerce extérieur dans le plan de relance doivent être accessibles aux entreprises, principalement les primo exportatrices, qui en ont davantage besoin que celles ayant déjà trouvé un marché à l'étranger. Le site de Business France fournit des informations économiques secteur par secteur, pays par pays, d'autant plus utiles en cette période de perturbation des marchés. Nous devons inciter bien plus d'entreprises à tenter leur chance à l'export : beaucoup pourraient le faire mais n'osent pas, craignant que les coûts soient importants et l'aventure trop complexe. Le rôle de tous les partenaires est donc essentiel : c'est là qu'il faut mettre le maximum d'argent pour inciter les entreprises à tenter l'expérience, à franchir le premier pas. C'est ainsi que fonctionne le mécanisme de l'assurance prospection : une partie du coût du déploiement à l'international est prise en charge et l'entreprise ne commence à rembourser que si elle obtient des résultats : c'est un cercle vertueux.

Les entreprises qui ont joué le jeu pendant le confinement ont fait preuve de leur engagement citoyen en mobilisant leurs équipes et en transformant leur outil de production au service de la production des biens nécessaires pour soigner nos compatriotes. Ces entreprises doivent être au cœur de la réflexion sur l'autonomie stratégique au niveau européen et sur la relocalisation des chaînes de valeur.

Divers outils peuvent être utilisés, comme la politique commerciale et les marchés publics. La réglementation des marchés publics est importante parce qu'elle contribue à lutter contre la corruption, mais elle pose un certain nombre de limites, notamment en ce qui concerne les circuits courts et la proximité géographique des entreprises. Les seuils de marchés publics ont été relevés pour desserrer la contrainte sur les collectivités territoriales et leur permettre de conclure plus rapidement avec les entreprises avec lesquelles elles ont l'habitude de travailler.

Nous devons assurer notre indépendance concernant les produits stratégiques en garantissant notre sécurité d'approvisionnement, en diversifiant nos fournisseurs, en créant des stocks stratégiques et en relocalisant un certain nombre de productions. La mobilisation des entreprises qui fournissent ces produits stratégiques doit être confortée car c'est un levier important pour la relocalisation des chaînes de valeur.

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