Intervention de Pierre Cordier

Réunion du mercredi 4 novembre 2020 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Cordier, rapporteur :

Nous sommes aujourd'hui réunis afin d'étudier le protocole qui modifie la convention de Tokyo de 1963, plus simplement appelée « protocole de Montréal de 2014 ». Ce protocole complète l'édifice juridique international en matière de sûreté aérienne, sur lequel il me parait nécessaire de revenir.

Pour éviter toute confusion, je rappelle que la « sûreté aérienne » vise à prévenir les atteintes volontaires à la sûreté de l'aviation civile. Elle se distingue de la « sécurité aérienne », qui concerne les risques à caractère accidentel.

Le cadre juridique international en matière de sûreté aérienne s'est développé au tournant des années 1970 alors que le nombre d'attentats contre l'aviation civile grandissait. A titre d'exemple, entre 1968 et 1970 le nombre de détournements d'avions était passé de 32 à plus de 90.

Ce contexte est lié à l'internationalisation des mouvements terroristes et mène à la négociation d'une première convention générale dite de Tokyo de 1963. Par la suite, deux autres conventions sont négociées, les conventions de Montréal et de La Haye. Ces dernières imposent aux États parties d'ériger en infractions pénales les actes les plus graves, comme les détournements d'avions.

La piraterie aérienne devient plus meurtrière et développe de nouvelles formes, avec notamment l'apparition et le renforcement du risque nucléaire, bactériologique et chimique. À la suite des attentats du 11 septembre 2001, qui marquent une nouvelle progression de la piraterie aérienne, les conventions de Montréal et de La Haye ont été révisées. Le présent protocole permet une remise à niveau de la convention de Tokyo.

La convention de Tokyo a été signée en 1963 et est entrée en vigueur en 1969. Il s'agit du premier traité en matière de droit pénal aérien. Avec 186 États parties, la convention de Tokyo est également l'une des conventions les plus ratifiées au monde. Sur le fond, ses dispositions sont de trois ordres : réprimer les infractions à bord des aéronefs ; établir des règles de compétence étatique au sujet des infractions à bord des aéronefs, compte tenu du fait que le transport aérien se traduit par le franchissement, souvent rapide, de multiples frontières ; donner au commandant de bord les moyens juridiques de faire cesser les actes ayant un impact sur la discipline et l'ordre à bord.

La convention de Tokyo a contribué à la sûreté de l'aviation civile internationale. Mais elle est aujourd'hui mise à l'épreuve par la montée en puissance du phénomène des passagers indisciplinés ou perturbateurs à bord des aéronefs. L'allongement de la durée des vols, la démocratisation du transport aérien et le formidable essor sur le plan mondial de ce mode de transport sont autant de facteurs qui ont contribué à la hausse de ces phénomènes.

Sur ce sujet, il faut distinguer, d'une part, l'augmentation du nombre d'actes perturbateurs : à titre d'illustration, nous sommes passé d'un incident tous les 1 282 vols en 2014 à un incident tous les 1 053 vols en 2017. D'autre part, nous observons également une augmentation de la part des incidents les plus graves : autrement dit, nous connaissons proportionnellement plus d'agressions physiques qu'auparavant, avec parfois pour conséquence le déroutement de l'avion pour débarquer le passager fauteur de troubles.

Tout l'objet du protocole de Montréal est de lutter contre ce phénomène et de rétablir l'ordre et la discipline à bord des aéronefs.

La convention de Tokyo prévoit la compétence générale de l'État d'immatriculation de l'aéronef. Elle reconnait par ailleurs la compétence de l'État contractant lorsque l'infraction a été commise sur son territoire ou par un de ses ressortissants. Le protocole de Montréal vient, en quelque sorte, « combler les trous dans la raquette », en imposant la compétence de l'État d'atterrissage, qui est le mieux placé pour recueillir les premiers témoignages sur les agissements reprochés. En outre, le protocole impose également la compétence de l'État de l'exploitant, lorsqu'il se distingue de l'État d'immatriculation. Cette disposition se justifie par le recours croissant à la location et l'affrètement d'aéronefs. En contrepartie, le protocole prévoit plusieurs garanties pour le justiciable afin de contrebalancer l'extension des compétences obligatoires des États.

La convention de Tokyo reconnait une compétence au commandant de bord afin de pouvoir prendre les mesures de contrainte qui s'imposent et solliciter, pour cela, l'assistance des membres de l'équipage ou des passagers. Le protocole de Montréal conforte le commandant de bord dans sa capacité à assurer la discipline à bord en développant la possibilité de solliciter l'assistance d'agents de sûreté en vol. L'appréciation de ce qui constitue une infraction peut désormais justifier la remise d'un passager aux autorités et n'est par ailleurs plus liée aux seules lois pénales de l'État d'immatriculation. La France a émis une réserve sur cette disposition nouvelle qui élargit l'autonomie du commandant de bord.

Enfin, le protocole permet de faciliter les poursuites contre les passagers fautifs. Ceci signifie, d'une part, que les États contractants sont encouragés à engager des procédures pénales et administratives. D'autre part, les transporteurs aériens pourront demander des dommages et intérêts auprès des passagers qui leur ont causé un préjudice du fait de leur comportement à bord. Les négociateurs sont parvenus à s'entendre sur une liste minimale d'infractions pouvant justifier des poursuites. La mention des sanctions administratives est aussi la bienvenue car elles sont souvent, pour les infractions les moins graves qui relèvent de l'incivilité, plus efficaces et plus rapides que les sanctions pénales.

Compte tenu de l'ensemble de ces avancées, j'appelle notre commission à autoriser la ratification du protocole de Montréal.

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