Intervention de Aina Kuric

Réunion du mercredi 16 décembre 2020 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAina Kuric :

Je me joins évidement à mes collègues pour saluer le travail de notre présidente madame Marielle de Sarnez. La pandémie de la covid-19 marquera indéniablement le XXIe siècle, en accélérant les tensions déjà présentes un peu partout dans le monde. À la crise sanitaire, sont venues s'agréger des tensions économiques, sécuritaires et géopolitiques. Très vite, la commission des affaires étrangères a pris la mesure de l'exceptionnalité d'un contexte qui a vu se confiner les trois quarts de la population mondiale, en mettant en place un groupe de travail sur les réseaux diplomatiques, consulaires et culturels, un deuxième sur l'aide publique au développement et l'action humanitaire et un troisième sur l'action économique extérieure de notre pays. Elle a ainsi auditionné plus d'une centaine de diplomates français et internationaux, de chefs d'entreprises, de responsables d'organisations internationales ou non gouvernementales, d'intellectuels, de directeurs d'opérateurs publics ou encore d'associations représentant les Français vivant à l'étranger.

Au demeurant cette crise aura permis de mettre en lumière, la capacité d'adaptation des réseaux consulaire et diplomatique de notre pays, qui contrairement à d'autres pays n'a fermé aucun poste à l'étranger pendant le confinement et aura été sur tous les fronts, soit pour permettre le retour en France de plus de 370 000 de nos compatriotes bloqués du jour au lendemain à l'étranger, soit pour porter assistance aux communautés françaises expatriées. Alors, que le budget du Quai d'Orsay était en baisse constante jusqu'à « être à l'os » selon les mots de son ministre, Jean-Yves Le Drian, ce dernier est enfin stabilisé pour l'exercice 2021. Toutefois, une réflexion sur la gestion des ressources humaines qui intégrerait une plus grande diversité des parcours et des compétences dans les processus de recrutement dans les ambassades et au Département permettrait de répondre au plus près aux enjeux nouveaux de notre diplomatie. Il importe pour cela de concrétiser les nombreuses recommandations préconisées dans le rapport, par un strict suivi, pour qu'elles ne restent pas lettres mortes.

En effet, les défis qui attendent le monde post-covid sont nombreux et encore insaisissables. La crise sanitaire se combine à l'amplification des effets des dérèglements climatiques (pénuries agricoles, réduction des importations, tensions alimentaires, etc.) ainsi qu'à des déstabilisations politiques aggravées par ces situations de « poly-crises ». Plusieurs États pourraient profiter de la situation d'instabilité mondiale et du repli des gouvernements occidentaux sur leur environnement proche, pour étendre leurs zones d'influence.

De fait, les enjeux susceptibles de voir leur importance grandir en post-crise sont essentiellement écologiques, amenant à repenser la production et l'utilisation des énergies, du secteur agro-alimentaire, du développement durable et de la mondialisation. Cela passera très probablement par des avancées scientifiques et surtout technologiques. En ce sens, l'Union européenne, qui pourrait connaître des difficultés durant cette crise, aurait un intérêt certain à donner une plus forte impulsion encore dans ces domaines de pointe qui puissent lui permettre alors de développer ses ambitions géopolitiques, stratégiques et son influence scientifique ou technologique. Ici, il est question de compétitivité internationale en matière de système de santé. Quel gouvernement sera à même d'investir les plus grosses sommes dans la gestion de la crise et quel pays aura démontré sa capacité d'adaptation face au virus ?

Par ailleurs, la diversité des situations sanitaires pourrait entraîner un phénomène de « stop and go » où pays et régions mondiales pourraient fermer à intervalles irrégulier leurs frontières. Le « passeport d'immunité » pourrait devenir prochainement la norme pour pouvoir voyager avec toutes les conséquences que cela aura sur l'industrie du tourisme et du voyage d'affaire. De fait, la capacité d'un pays à gérer la pandémie est un enjeu international. Chaque pays souhaite en effet non seulement sortir de cette crise le moins affaibli possible, mais également se positionner comme figure de proue de la lutte contre le virus par une « diplomatie du masque » ou une « diplomatie du vaccin ». La solution tant attendue viendra-t-elle des campagnes de vaccinations annoncées ?

172 pays ont signé et participent au « Mécanisme pour un accès mondial au vaccin » dont 80 pays parmi les plus riches qui envisagent de participer au financement de l'accès coordonnée par l'Alliance du vaccin (GAVI) et 92 à revenu faible ou intermédiaire qui remplissent les conditions pour bénéficier du système. Dans ce contexte, l'OMS fixe l'horizon d'une sortie de crise mondiale à la fin 2022, selon les scénarios les plus optimistes. C'est pour répondre à ces défis que notre Groupe a fait voter le 26 novembre dernier une proposition de résolution visant un accès universel, rapide et équitable du vaccin contre la Covid-19. C'est également tout le sens de notre proposition de résolution votée le même jour, relative à l'évolution de la Constitution afin de permettre l'intégration des Objectifs de Développement Durable dans le processus législatif.

Le Groupe Agir Ensemble remercie ainsi la Présidente de la commission des affaires étrangères pour la qualité de ce rapport d'information sur les dimensions européenne et internationale de la crise liée à la pandémie de covid-19, en approuve bien entendu la publication et formule le souhait qu'il puisse servir de base de travail concrète pour la diplomatie française dans toutes ses dimensions.

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