Effectivement ça fait un peu « Modem sur Modem », sur un rapport initié par une présidente Modem, mais n'y voyez pas une démarche impérialiste de notre part, nous communions dans l'unité de cette commission.
J'ai quatre remarques. Premièrement, ce rapport, qui a été rédigé avec une autorité précise et ferme par quelqu'un qui était absente de nos travaux pour raisons de santé, est en vérité l'expression de tout ce qu'a été sa présidence de la commission des affaires étrangères. Ce rapport n'aurait pu être ni rédigé, ni accueilli dans les conditions où il l'a été s'il ne régnait pas au sein de notre commission une atmosphère de compréhension mutuelle, de coopération, qui n'exclut pas les oppositions politiques. Nous exprimons nos différents messages dans une volonté de convergence intellectuelle, de réflexion commune et de respect mutuel qui porte les travaux de la commission depuis que Marielle de Sarnez la préside, et baigne complètement ce rapport. Ce rapport, c'est le rapport de la présidente, de toute la commission, et du rapport entre la présidente et la commission.
Deuxièmement, je crois que ça nous guérit d'un grand défaut. Ce rapport nous prémunit contre un risque qu'on voit tous les jours, la tentation paranoïaque, ou de culpabilisation. On passe notre vie à faire des procès d'intention, à nous accuser les uns les autres de ce que nous n'avons pas fait ou de ce que nous aurions pu faire. Quand on lit ce rapport, on voit la part de la fatalité dont tous les pays ont été frappés. Tous ont eu des difficultés à réagir, avec des armes différentes, des degrés d'expérience différents, des cultures différentes et des appareils administratifs inégalement performants. Nous avons tous nos défauts, nos limites, nous avons tous subi cette affaire et nous réagissons du mieux que nous pouvons avec nos faibles armes. Cette relativisation est tout à fait nécessaire si nous voulons aborder les étapes suivantes dans un climat de concorde.
Troisièmement, ce rapport distingue nettement deux choses, et donne deux coups d'éclairage ; il éclaire les responsabilités de nos États, des uns et des autres. En France, on voit nos défauts, ils tiennent aux défauts de l'État. Je ne suis pas pour préconiser le libéralisme ou l'antilibéralisme, mais l'État est ankylosé, il a du mal à réagir. Les deux grands défauts de l'État sont sa lenteur de réaction et son cloisonnement, l'État a du mal à créer des coopérations entre les acteurs publics et privés et les différents pans de l'action publique. Tout cela nous a profondément handicapés. Il y a une pathologie française à laquelle nous devons faire face sans ressusciter la querelle du libéralisme. On a besoin d'un mieux d'État.
Enfin, Marielle de Sarnez éclaire très profondément la dimension internationale du problème. En réalité, elle montre bien les défaillances du système multilatéral. Là où je me distinguerais de mon collègue Hutin, je crois que c'est l'insuffisance du multilatéralisme, et non pas son excès, dont nous souffrons. Il disait que le temps lui donnerait raison, mais comme disait Keynes, à long terme, nous sommes tous morts.