Intervention de Clément Beaune

Réunion du mercredi 13 janvier 2021 à 15h00
Commission des affaires étrangères

Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes :

J'ai tout d'abord une pensée amicale pour la présidente de la commission, Marielle de Sarnez, qui ne peut être parmi nous.

Je suis heureux et honoré, juste après le conseil des ministres qui vient d'adopter le projet de loi visant à ratifier de la décision ressources propres de l'Union européenne, de pouvoir sans délai l'expliquer et échanger avec vous à son sujet.

Ce texte comporte un article unique visant à autoriser le Gouvernement à ratifier cette décision qui a été adoptée le 14 décembre par le Conseil de l'Union européenne – elle a vocation à se substituer, selon une mécanique habituelle, à la décision existante, qui date de 2014 et qui avait bien entendu été soumise à votre assemblée – afin de couvrir la nouvelle période budgétaire ouverte au 1er janvier 2021 et qui sera close le 31 décembre 2027.

Comme c'est l'usage, elle aura un effet rétroactif au 1er janvier 2021. Si elle est ratifiée à la suite de l'autorisation parlementaire, elle écrasera le mécanisme de financement existant du budget européen et se substituera donc à lui.

Les traités européens prévoient que cette décision relative aux ressources propres ne puisse précisément entrer en vigueur qu'après ratification par l'ensemble des 27 États membres selon leurs procédures nationales respectives. En France, nous nous situons dans le cadre de l'article 53 de la Constitution qui prévoit un débat parlementaire et un vote législatif.

Sur le fond, ce texte évidemment essentiel est inhabituel car, au-delà de la reconduction d'un certain nombre de mécanismes de financement du budget de l'Union européenne, et alors que d'autres seront je l'espère renforcés dans les années à venir, il traduit une innovation fondamentale : la diversification et l'amplification des financements de ce budget.

Il concrétise, et c'est très important car il s'inscrit dans ce paquet budgétaire dont nous avons discuté et dont la décision ressources propres est le seul élément législatif, les résultats historiques obtenus récemment, notamment par la France, dans les négociations européennes.

Il permet plus spécifiquement la mise en œuvre du volet relatif à l'ensemble des recettes du budget européen qui sera notre cadre commun pour les sept prochaines années.

Concrètement, ce paquet budgétaire est pour l'essentiel constitué de trois éléments, le premier étant les dépenses du budget lui-même, sur lesquelles nous avons obtenu des avancées importantes ou des garanties essentielles, comme la stabilisation du budget de la politique agricole commune (PAC), l'augmentation du budget de la politique régionale et le renforcement très significatif de programmes européens prioritaires comme Erasmus+ ou « Horizon Europe », consacré au financement de la recherche et dont les moyens augmentent au total de plus de 50 %.

Le budget 2021-2027 est doté au total de 1 074 milliards, soit une augmentation de 12 % en euros constants par rapport à la période précédente, alors même qu'un État membre, le Royaume-Uni, a quitté l'Union de manière effective et complète au 1er janvier.

Particulièrement d'actualité, deux autres éléments de ce paquet marquent, au-delà des programmes budgétaires que nous connaissons, des innovations importantes, signes d'une ambition de puissance et de souveraineté européennes et de réponse coordonnée aux crises.

C'est le cas de l'augmentation significative – un tiers – des moyens du programme spatial, même si nous aurions aimé aller plus loin. Le Président de la République a d'ailleurs rappelé hier encore les ambitions de la France et de l'Union européenne en la matière.

C'est également le cas de l'Europe de la santé à laquelle plus de 5 milliards seront consacrés au travers d'un nouveau programme spécifique : c'est une innovation fondamentale.

Nous avons commencé à mettre en application le volet ordinaire mais ô combien ambitieux des dépenses du budget européen pour les années 2021-2027.

Face à elles, la décision ressources propres constitue un deuxième volet, le troisième, sans doute le plus ambitieux, le plus innovant et le plus historique, étant évidemment le plan de relance lui-même, soit 750 milliards d'euros.

Il se décompose en subventions, à hauteur de 390 milliards, et en prêts à disposition des États membres pouvant compléter leur réponse à la crise, à hauteur de 360 milliards.

Ce plan est issu d'une initiative franco-allemande prise le 18 mai 2020 par le Président de la République et par la chancelière Angela Merkel qui a ensuite fait l'objet d'une proposition de la Commission européenne en date du 27 mai. En dépit des tensions et des difficultés, les chefs d'État et de gouvernement sont parvenus, le 21 juillet, à un accord européen unanime et complet sur ces 750 milliards du plan de relance, avec une innovation non seulement technique mais historique, au-delà de ce montant : le recours à l'endettement commun.

C'est ce volet consacré au plan de relance que la décision sur les ressources propres rend possible, c'est sans doute la novation la plus grande du projet de décision soumis au débat et à votre vote.

Au total, ce plan financera 40 %, et probablement un peu plus, du plan de relance français présenté au début du mois de septembre par le Premier ministre et qui a commencé d'être mis en œuvre, notamment dans le cadre de la loi de finances pour 2021 que votre assemblée a votée, en soutenant des initiatives dans divers domaines, en fonction de ses priorités : rénovation énergétique, soutien aux entreprises, accompagnement des jeunes, formation professionnelle.

Au niveau européen, ce plan inédit par son ampleur et très ambitieux par son contenu permet également de mieux coordonner nos réponses à la crise et de financer, au-delà des mesures d'urgence prises par tous les États membres, la relance elle-même.

En matière de transition écologique et numérique comme de lutte contre le changement climatique, la France, soutenue par la Commission européenne, a fixé des objectifs communs : tous les plans nationaux de relance cofinancés par les fonds européens devront, conformément à l'accord du 21 juillet, lui consacrer au moins 30 % des dépenses d'investissement. La Commission a même relevé cet objectif à 37 % de ces dépenses en y ajoutant un autre : 20 % de dépenses consacrées au numérique.

Acquis qui reste un combat, cette décision relative aux ressources propres acte le début de la rénovation du système de ces ressources de l'Union européenne, avec la création dès 2021 d'une contribution des États membres assise sur la quantité de plastique non recyclé.

Il ne s'agit pas littéralement d'une nouvelle ressource mais d'un mode de calcul des contributions nationales qui prend en compte les efforts en matière de recyclage, ce qui va dans le sens d'un verdissement du financement du budget de l'Union. Cette évolution a été renforcée par les travaux du Parlement européen tout au long des mois ayant suivi l'accord intervenu cet été et visant à établir un calendrier précis de mise en place des ressources propres.

Pour être tout à fait clair sur ce sujet, une percée fondamentale a eu lieu : pour la première fois, les 27 chefs d'État et de gouvernement ont tous, à la fin du mois de juillet, acté le principe de nouvelles ressources propres. Aucune nouvelle ressource propre au sens strict n'avait été créée depuis les années soixante-dix. Il s'agit donc d'une avancée considérable : l'accord du 21 juillet liste en effet un certain nombre de possibilités, de l'ajustement du prix du carbone aux frontières à une taxation commune du numérique et à la taxation des transactions financières. C'est la première fois qu'un accord politique complet, commun et unanime est trouvé s'agissant de ces nouvelles ressources.

Le Parlement européen a, comme je l'ai dit, renforcé cette dynamique en exigeant un calendrier précis de propositions par la Commission et d'adoption par le législateur européen – Conseil et Parlement – de nouvelles ressources, avec quelques jalons précis, comme l'obligation faite à la Commission de proposer, dès le premier semestre 2021, des actes législatifs portant sur la taxation du numérique et sur le mécanisme d'ajustement carbone à nos frontières.

Est-ce à dire que ce sujet est clos ? À l'évidence non, puisque sur la base de ces propositions législatives s'engagera un débat national et européen, les engagements pris me semblant tout à fait significatifs, ce qui n'est pas sans lien avec le plan de relance. En effet, cette dette commune permettra d'enclencher l'approbation de la décision relative aux ressources propres puisque les nouvelles ressources permettront de rembourser à partir de 2028 l'emprunt européen commun contracté pour financer ce même plan également commun.

Toutes ces importantes avancées se sont faites dans le plein respect de nos valeurs car dans ce paquet budgétaire figure également un règlement sensible qui renforce la protection de l'État de droit en liant le versement de certains fonds européens au respect de valeurs fondamentales, sous le contrôle de la Commission européenne et de la Cour de justice. Le débat qui a eu lieu avec la Pologne et la Hongrie, qui y étaient opposées, s'est réglé par un accord politique intervenu lors du Conseil européen des 10 et 11 décembre.

S'agissant enfin du calendrier de nos partenaires européens, trois États membres ont finalisé la ratification de la décision ressources propres : Chypre, la Croatie et l'Italie, cette dernière l'ayant intégrée en fin d'année dans sa loi de finances.

Si le Parlement y donne suite, la France pourrait, après le vote de l'Assemblée nationale et le débat prévu au Sénat au tout début du mois de février, figurer dans les cinq ou six premiers pays à ratifier cette même décision, donc à assurer le financement du plan de relance.

Selon les éléments provisoires dont nous disposons concernant les calendriers parlementaires de nos partenaires, l'ensemble des États membres devraient avoir procédé à sa ratification d'ici le début du mois de mai.

Si l'on aimerait qu'elle intervienne plus rapidement encore, rappelons que, lors de l'exercice précédent, plus de deux ans avaient été nécessaires pour ratifier la décision de 2014 que j'ai évoquée.

L'urgence et la priorité donnée à cette ambition et au plan de relance européen ont donc un sens et sont importantes et remarquables. Je veux d'ailleurs saluer l'engagement de votre assemblée en particulier pour pousser à cette accélération : il s'est manifesté au cours des dernières semaines dans le soutien à l'action du Gouvernement, il se traduira désormais, je l'espère, dans les débats que nous entamons aujourd'hui.

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