Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du mardi 2 février 2021 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges, président :

Nous avions constaté avec satisfaction la grande convergence des réactions de l'État français, par votre intermédiaire, et de l'Union européenne, monsieur Borrell ayant publié un communiqué qui recueille notre approbation.

Nous allons revenir au projet de loi « Berville », monsieur le rapporteur ! Ce projet de loi est très attendu par notre commission. À l'initiative de Marielle de Sarnez, dès la fin de l'année 2018, nous nous sommes organisés pour suivre l'élaboration de ce texte et préparer son examen. Un groupe de travail, au sein duquel tous les groupes politiques étaient représentés, a mené de nombreuses auditions en 2019 et 2020.

Nous nous sommes également – c'est une innovation intéressante – rapprochés de nos homologues du Sénat pour dégager des positions communes. Marielle de Sarnez et Christian Cambon vous ont écrit le 13 février 2019 pour vous présenter les propositions communes aux deux commissions parlementaires.

Je vous remercie d'avoir réuni à deux reprises autour de vous les parlementaires de la majorité, comme de l'opposition, de l'Assemblée nationale, comme du Sénat, pour discuter des axes stratégiques du projet de loi et répondre aux préoccupations des parlementaires. Cette consultation, en amont du dépôt du projet de loi, est également innovante et ne peut qu'être appréciée par les membres de la commission.

Notre première demande visait à clarifier la stratégie française d'aide au développement. Le rapporteur y reviendra, mais le projet de loi décline avec précision les objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités dans le monde. Il reste que ces objectifs et ces priorités sont formulés non dans le projet de loi au sens strict du terme, mais dans son annexe relative au cadre du partenariat global, qui s'apparente plus à un cahier des charges qu'à des dispositions législatives à proprement parler, c'est-à-dire normatives et contraignantes.

Nous vous donnons toutefois acte que cette stratégie a le mérite d'être clairement formalisée et de bénéficier de la sanction du législateur. Elle repose sur deux arbitrages légitimes et qui correspondent aux préoccupations de la commission parlementaire susmentionnée : un arbitrage sectoriel et un arbitrage géographique. L'arbitrage sectoriel, c'est l'affirmation d'une priorité claire en faveur des pays les plus pauvres et de ceux – ce sont souvent les mêmes – qui sont en crise. Priorité ne signifiant pas monopole, cela n'exclut pas la poursuite d'une politique de partenariat au développement avec les pays à revenus intermédiaires.

Géographiquement, la stratégie de la France continue de privilégier l'Afrique. C'est un choix logique car c'est là que se situent les besoins les plus criants, mais également là que se sont développés les partenariats les plus éprouvés. Une relative concentration géographique est garante d'efficacité et rien ne serait pire qu'une politique de saupoudrage, compte tenu de la modestie relative de nos moyens.

Le second mérite du projet de loi est de présenter clairement et précisément la trajectoire amenant la France à consacrer 0,55 % de son revenu national brut à l'aide publique au développement (APD), dans la perspective d'atteindre ensuite 0,7 %. Mais à quand ces 0,7 % ? Il vous est sans doute difficile de répondre à la question, mais cette trajectoire doit être traduite dans les lois de finances successives – notre commission y veillera tout particulièrement. Des engagements ont été pris au cours des débats sur le projet de loi de finances, mais – vous sentez bien que c'est une frustration pour la commission – la force contraignante des engagements financiers est annuelle. Nous craignons donc que les engagements pluriannuels soient insuffisamment consolidés.

Notre commission a souhaité que les financements bilatéraux et multilatéraux soient mieux articulés et fassent l'objet d'évaluations précises. Elle a également estimé nécessaire de renforcer le pilotage politique de l'aide au développement. Nous savons que vous partagez cette préoccupation. La France semble être le seul pays à confier la définition de ses interventions d'aide au développement à un établissement public industriel et commercial (EPIC) que ni ses tutelles ministérielles, distantes, ni les instances de gouvernance multiples n'ont protégé jusqu'à présent d'un risque de dérive – d'une bienveillante et nécessaire autonomie vers une autodétermination parfois abusive.

C'est le mérite de ce projet de loi que de s'attacher à combattre ces dérives. Le pilotage politique de cet EPIC doit être renforcé – si ce n'est restauré – au plan national. Notre rapporteur fera des propositions et la commission est très attachée au renforcement du conseil d'administration de l'Agence française de développement (AFD), au sein duquel les parlementaires doivent prendre toute leur place, dans le respect de la diversité des sensibilités politiques.

Ne doit-on pas s'interroger sur la multitude des instances de pilotage de la politique de développement ? L'annexe du projet de loi décrit leurs fonctions respectives. Le projet de loi en ajoute une – le conseil national du développement et de la solidarité internationale. Sur le terrain, nous sommes très désireux que le rôle des ambassadeurs soit conforté dans la coordination des aides. Dans le passé, c'est paradoxalement au niveau des postes que s'incarnait le mieux l'exigence de cohérence qui faisait parfois défaut au niveau national.

Notre commission souhaite également que les partenariats avec les entreprises privées et les collectivités territoriales soient consolidés, et les acteurs de la société civile mieux associés. En outre, il est indispensable de mieux sensibiliser et associer les citoyens aux actions d'aide au développement.

Enfin, une véritable culture du résultat doit être mise en place, par le contrôle et l'évaluation. Avec le rapporteur, nous nous interrogeons sur les choix effectués pour que cette instance ait à la fois la compétence et l'autorité nécessaires pour formuler les analyses critiques qui s'imposent et des propositions qui ne soient pas négligées par ceux auxquels elles s'adressent. C'est dans cet esprit que nous auditionnerons demain après-midi le premier président de la Cour des comptes.

Je retranscris ici, monsieur le ministre, le message de ma prédécesseure et des instances qu'elle avait réunies, dont le rapporteur est le porte-parole compétent. Nous sommes heureux de pouvoir débattre de ce projet de loi cardinal, car nous sommes plus habitués à voter des accords et des traités.

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