Je voudrais évoquer, pour commencer, le retard avec lequel ce texte arrive : il aurait dû être soumis à notre assemblée en 2018 ou 2019. C'est une marque de non-respect à l'égard de la représentation nationale et de l'aide publique au développement, qui mérite mieux qu'un projet de loi aussi tardif.
Certains passages sont presque d'un autre temps : ils sont bien antérieurs à la pandémie que nous sommes en train de traverser – le texte n'en porte pas la trace. Or, selon la Banque mondiale, entre 88 et 115 millions de personnes supplémentaires se trouvent désormais en situation d'extrême pauvreté – elles ont moins de 1,90 dollar par jour pour vivre ; elles pourraient être 150 millions en 2022. Cette question n'est pas prise en considération alors qu'elle est tout à fait centrale.
Je tiens néanmoins à citer un progrès qui me tient à cœur : la suppression de la conditionnalité des aides aux politiques migratoires. Je trouve qu'il est bon d'y renoncer – c'est d'ailleurs salué par les ONG.
Autre progrès – très relatif –, la part de l'APD doit être portée à 0,55 % du PIB dans un premier temps puis, mais ce n'est très sécurisé dans le texte qui nous est présenté, à 0,7 %. Malgré l'engagement pris par Emmanuel Macron, on a du mal à être dans les clous, budget après budget, et nous aimerions que la trajectoire soit sécurisée plus durablement, au-delà du mandat du Président de la République. Vous connaissez notre position : le groupe La France insoumise est pour qu'on atteigne 0,7 % du PIB tout de suite, durant cette législature. C'est un point de désaccord entre nous.
Le projet de loi souffre, en outre, de problèmes structurels.
Le premier est que le cœur des objectifs de l'APD se trouve dans le préambule ou en annexe, et non dans le texte en tant que tel, c'est-à-dire, demain, dans le marbre de la loi.
Il y a aussi la question du pilotage. Nous débattons très souvent, dans cette commission, de la place de l'AFD et du fait que la tutelle du ministère des affaires étrangères est très relative. C'est plutôt l'Élysée qui s'occupe de l'AFD, et surtout l'autonomie de cette dernière pose un problème. À cela s'ajoutent toutes les critiques dont l'AFD a pu faire l'objet, mais je n'y reviens pas.
Plus fondamentalement encore, on ne sort pas des politiques néolibérales qui sont menées depuis que vous êtes là et, au-delà, depuis des décennies. Il existe une incohérence : on ne peut pas afficher les objectifs figurant dans le texte et mener des politiques néolibérales qui vont dans le sens contraire. L'accord avec le Mercosur est un exemple typique de contradiction totale entre les objectifs concernant l'aide publique au développement et la réalité de la politique de la France : elle est capable de nouer un accord de cette nature, qui est une catastrophe environnementale et un drame pour les politiques indigènes. Il faudrait éviter ce type de contradictions mais le projet de loi n'en donne aucune garantie.