Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du mardi 2 février 2021 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales aurait pu être intéressant et plus que bienvenu en 2018 ou, à la rigueur, en 2019. En 2021, les députés communistes peinent à lui trouver un intérêt extraordinaire… C'est une charte de principes non contraignants : tout l'intérêt, Clémentine Autain vient de le dire, réside dans le préambule et dans l'annexe. Il y aura tout un travail à faire pour donner à ce texte – je ne sais pas s'il faut parler d'un projet de loi de Jean-Yves Le Drian ou d'une proposition de loi d'Hervé Berville – la force que vous souhaitez. J'y reviendrai lorsque nous examinerons les articles en commission et en séance.

Afin de mettre le texte à l'épreuve des réalités, je me concentrerai sur l'aide publique au développement là où notre pays est présent par l'intermédiaire de ses entreprises privées – même s'il n'y a pas grand-chose dans le projet de loi à ce sujet.

Total s'est implanté au Mozambique, par exemple, pour exploiter de gigantesques réserves de gaz situées au large des côtes du nord du pays, dans une zone où sévit une rébellion islamique soutenue par Daesh et attisée par le ressentiment que suscitent les multinationales au sein de populations démunies, notamment en raison d'expropriations violentes et du chantier catastrophique auquel je fais référence.

Pour redresser la barre au Mozambique et pour éviter que ce genre de scénarios se reproduise, il faudrait faire en sorte que les multinationales françaises suivent les prescriptions inscrites dans le projet de loi. L'image de la France pourrait ainsi être respectée – et respectable – partout où nous sommes présents, au travers d'opérateurs publics, d'ONG ou d'entreprises privées. La diplomatie française est-elle en contact avec Total afin qu'il y ait une redistribution des richesses en faveur des habitants qui ont été expropriés ou qui n'ont plus le droit de pêcher alors que c'était leur seule source de revenu ? La France travaille-t-elle avec le gouvernement mozambicain pour reconstruire des services publics locaux – des écoles, des hôpitaux et des routes – dans la région concernée ? La France va-t-elle surveiller la situation ? Il existe un devoir de vigilance que vous connaissez bien, monsieur le ministre. La France va-t-elle demander des comptes sur les agissements des sous-traitants, au premier rang desquels figurent de nombreuses compagnies de sécurité privées ? Il faudrait que ces entreprises forment des salariés mozambicains – souvenez-vous du proverbe : plutôt que de distribuer du poisson, apprenez – aussi – aux gens à pêcher, pour qu'ils puissent être autonomes – et qu'elles paient des impôts à la hauteur des enjeux. Je rappelle aussi qu'il y a des accusations d'exactions de la part de soldats mozambicains qui sembleraient être payés, indirectement, par les multinationales. La France peut-elle prendre une position ?

L'implantation d'une base arrière de Total à Mayotte m'inquiète aussi. Vous connaissez ma position s'agissant de ce territoire et du respect du droit international.

En tant que président du groupe d'amitié avec le Mozambique, je souhaite également savoir si la France va envoyer de l'aide humanitaire pour aider les populations touchées par le passage – il y a une semaine – du cyclone Éloïse, qui a fait plus de 250 000 déplacés.

Le projet de loi devrait être modifié sur plusieurs points si on veut qu'il ait une réelle utilité. On doit faire en sorte que tous les relais, privés ou publics, de la présence française soient soumis aux mêmes exigences en matière d'exemplarité, qu'ils contribuent au développement solidaire et qu'ils luttent contre les inégalités mondiales. La France doit respecter et faire respecter les droits humains – ceux des femmes, des enfants et sur le plan environnemental – partout où elle est présente. On doit aussi faire en sorte que la France respecte absolument toutes les résolutions des Nations unies, en particulier celle qui demande de consacrer 0,7 % du PIB à l'APD. Une de mes premières interventions, il y a trois ans, consistait à expliquer que le pourcentage pouvait augmenter parce que le PIB diminuait. On m'avait dit à l'époque que cela ne risquait pas d'arriver, mais vous voyez bien que si ! Pourtant, je n'avais pas prévu la crise actuelle.

Mon groupe sera attentif. Je vous proposerai, en son nom, une multitude d'amendements. L'un d'entre eux, je le dis tout de suite, tendra à intégrer le CPG dans les articles du projet de loi. Cela permettra de répondre à de nombreuses attentes formulées par les ONG lors des auditions – je le dis en regardant le rapporteur. Le fondement de la loi doit être dans la loi elle-même.

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