Monsieur le président, mes chers collègues, après avoir mené une série d'auditions, je vous présente le projet de COM 2020-2022 conclu entre l'État et FMM, société de programmes en charge de l'audiovisuel extérieur, sur lequel notre commission avait la possibilité de rendre un avis en vue de l'élaboration du document final. Malgré quelques réserves, mon avis sur ce document est positif.
Tout d'abord, il ne vous aura pas échappé que ce COM, qui nous a été soumis à la fin du mois de décembre 2020, porte sur une période entamée. En tant que parlementaires, nous avons déjà été confrontés à cette situation et regrettons de voir de nouveau la pertinence de la présentation des COM au Parlement limitée pour des raisons de calendrier. Je le déplore d'autant plus que ce contrat s'étend sur une période relativement courte de trois ans. Il s'agit, certes, du délai minimum imposé par la loi mais, en pratique, ce choix va limiter la visibilité du COM pour la direction et les personnels de FMM. Si la durée du contrat correspond à l'horizon politique prévisible pour le gouvernement actuel et respecte la trajectoire financière arrêtée à l'été 2018 pour l'audiovisuel public, elle laisse planer de nombreuses incertitudes sur l'avenir des sociétés, notamment en matière financière.
J'ajouterai que ce COM s'inscrit dans un nouveau cadre temporel, partagé par l'ensemble des cinq sociétés de l'audiovisuel public, à savoir France Télévisions, Radio France, l'Institut national de l'audiovisuel (INA) et Arte. Tous les projets de COM ont été soumis au même moment au Parlement et comprennent une partie commune, composée par la moitié des dix objectifs assignés à chacune des sociétés.
Les COM s'accompagnent d'une feuille de route commune de l'audiovisuel public, qui compte parmi ses priorités l'Europe et les actions extérieures. Pour la première fois, la dimension européenne et internationale de l'ensemble du secteur audiovisuel public est mise en avant. On peut se féliciter de cette évolution allant dans le sens des recommandations formulées par notre commission lors de ses travaux sur la réforme de l'audiovisuel public, il y a un peu plus d'un an. Toutefois, comme nous l'avions alors souligné, il faudra veiller à la cohérence entre les développements à l'international de ces sociétés.
Ce cadre commun à l'ensemble du secteur de l'audiovisuel public se traduit par un objectif de développement des synergies et partenariats entre les sociétés, ainsi que par une liste de projets de coopération prioritaires, figurant en annexe. Si certains d'entre eux correspondent à la poursuite ou au renforcement de coopérations en cours, comme la contribution au développement de la plateforme francophone TV5MONDEplus, il est aussi prévu que les sociétés de l'audiovisuel public concluent des pactes portant respectivement sur la mise en valeur de la culture et de la musique, sur la jeunesse et sur la visibilité des Outre-mer. À ce jour, ces sociétés disposent encore de très peu d'informations sur ces pactes.
Si des objectifs partagés ont été définis, les indicateurs de suivi de ceux-ci demeurent personnalisés lorsque c'est nécessaire, afin de répondre aux spécificités de chacune des sociétés. Ce cadre commun à l'audiovisuel public me semble ainsi plus respectueux des caractéristiques propres à l'audiovisuel extérieur que ne l'aurait été la création d'une holding de l'audiovisuel public – projet un temps souhaité par le Gouvernement mais suscitant de nombreuses réserves au sein de notre commission. En effet, s'il est pertinent de développer des synergies et coopérations entre les sociétés de l'audiovisuel public, la comparaison systématique entre leurs objectifs et performances présente des limites.
Je vais désormais revenir plus en détails sur les objectifs assignés à France Médias Monde. Ils reflètent pour l'essentiel les priorités fixées par le groupe à la fin de 2019, dans le cadre du projet stratégique « horizon 2022 ». Ils réaffirment les missions essentielles qui caractérisent notre audiovisuel extérieur et définissent son rôle crucial dans le rayonnement de la France à l'étranger. Je pense notamment à la transmission des valeurs démocratiques dans le monde et à la diffusion de la vision singulière de la France, sur des sujets aussi cruciaux que l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ou le respect des droits humains. Cet objectif est étroitement lié au renforcement de la lutte contre une désinformation qui fait rage et prend souvent un aspect géopolitique. Les médias de FMM sont devenus une référence pour contrer les fausses informations, grâce à des programmes comme « Info ou intox » ou « Les dessous de l'infox », ainsi qu'à la mobilisation constante des journalistes.
Parmi les objectifs du COM figure aussi la promotion de la francophonie dans un monde plurilingue. Cet objectif est étroitement lié à l'axe de maintien d'une présence mondiale couplé au développement d'une stratégie régionalisée. Sont ainsi réaffirmées les priorités constituées par l'Afrique subsaharienne, le Proche et Moyen-Orient et l'Europe ; mais aussi par l'Amérique latine où France 24 connaît un important développement depuis le lancement de sa déclinaison en espagnol. Le développement éditorial du groupe a également été marqué par l'inauguration récente d'une implantation locale de la radio RFI à Dakar ainsi que par le lancement, en décembre 2020, d'une offre enrichie en mandingue, peul, haoussa et swahili, dans le cadre du projet Afri'Kibaaru cofinancé par l'Agence française de développement (AFD).
S'il faut saluer la poursuite de cette stratégie de développement éditorial, on ne peut que regretter les récents replis effectués par le groupe faute de moyens suffisants, par exemple aux États-Unis et en Scandinavie.
À ces objectifs éditoriaux s'ajoutent des objectifs transversaux visant la transformation numérique et le développement de l'innovation numérique, ainsi que l'exemplarité attendue des entreprises de l'audiovisuel public en matière d'égalité entre les femmes et les hommes, de diversité, d'inclusion des personnes handicapées et de durabilité. S'ils sont communs, ces objectifs illustrent bien l'importance du respect des spécificités de chacune des sociétés. Par exemple, la maîtrise de l'empreinte carbone des médias de FMM est un enjeu de premier plan. Mais elle est soumise à des contraintes plus fortes que celles des médias à vocation nationale, ses équipes devant davantage se déplacer à l'étranger pour fournir une information fiable et de qualité.
Enfin, ce COM comporte des objectifs de gestion et de rationalisation des moyens. Le dernier objectif porte sur l'optimisation de la gestion de l'entreprise et s'inspire des recommandations formulées par la Cour des comptes dans le cadre d'une mission effectuée entre novembre 2018 et janvier 2021, mais dont les conclusions détaillées n'ont pas encore été rendues publiques.
Le groupe FMM, comme l'ensemble du secteur de l'audiovisuel public, est appelé à la maîtrise de sa masse salariale. L'entreprise a ainsi élaboré un plan de départs volontaires qui devrait porter sur 30 personnes. Il est important de rappeler une nouvelle fois l'une des spécificités de ce groupe : ses médias produisent la majorité de leurs programmes en interne. Dès lors, tout objectif de réduction de la masse salariale, qui représente 55 % des charges du groupe, doit tenir compte de cette spécificité. D'autant que ce plan de départs volontaires et l'ensemble des objectifs dits de soutenabilité économique font suite à des coups de rabots budgétaires qui se sont déjà traduits par la mise en œuvre d'un plan d'économie. Je rappelle que la trajectoire financière arrêtée par le précédent COM a été revue à la baisse par le Gouvernement à mi-parcours, à l'été 2018. Cette révision s'est traduite par une baisse de 3,5 millions d'euros des ressources publiques allouées à FMM pour la période 2018-2022. Pour rappel, la dotation pour 2021 s'élève à 254,70 millions d'euros.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, c'est peu à côté du budget de nos voisins européens comme la Deutsche Welle dont la dotation, en croissance continue, s'élevait à 365,5 millions d'euros en 2020. Dans le même temps, des concurrents redoutables comme la chaîne russe RT ou les médias extérieurs chinois CGTN connaissent une très forte expansion.
La trajectoire fixée par ce nouveau COM, détaillée en annexe dans le plan d'affaires, reprend la trajectoire fixée à l'été 2018. Toutefois, le contrat mentionne la possibilité d'une remise en cause en raison de la crise sanitaire ou de tout autre nouvel élément qui pourrait être identifié dans le cadre du processus budgétaire pour 2021. J'ai interrogé les représentants du ministère de la culture sur ce point et il m'a été assuré qu'en cas de déviation significative de cette trajectoire, le COM ferait l'objet d'un avenant. Nous devrons donc rester vigilants.
Surtout, la question des moyens de FMM renvoie à celle plus générale du financement de l'audiovisuel public. Sur ce point, on peut regretter que le COM n'esquisse aucune piste, alors même que la taxe d'habitation, vecteur de la contribution à l'audiovisuel public – la fameuse redevance –, est en cours de suppression. Cela s'ajoute à l'inadéquation de ce prélèvement au regard de l'évolution des usages, en raison de la part croissante occupée par le numérique vis-à-vis du linéaire. Si la réflexion technique est engagée sur le sujet, il est indispensable que la dimension politique du financement de l'audiovisuel public ne soit pas délaissée. En effet, il est essentiel de conserver une ressource non seulement pérenne mais aussi et surtout affectée, afin de garantir l'indépendance de l'audiovisuel public – là où une budgétisation créerait un lien direct entre le Gouvernement et l'attribution de crédits à l'audiovisuel public. Pour FMM ce gage d'indépendance est crucial car il engage la crédibilité des médias du groupe à l'étranger, le risque d'y être perçu comme un média d'État pouvant susciter des instrumentalisations politiques.
Pour conclure, je rappellerai que la question des moyens alloués à FMM est d'autant plus importante que l'objectif de progression des ressources propres du groupe, figurant dans le COM, reste incertain. D'une part, le dynamisme des recettes publicitaires est limité par la conjoncture. D'autre part, les financements sur projets, notamment par l'AFD ou par la Commission européenne pour les projets franco-allemands comme InfosMigrants ou Enter!, sont attribués à ce stade pour des durées limitées et doivent être renouvelés régulièrement. Soutenu par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, FMM travaille actuellement à la pérennisation pour sept ans des financements européens, point sur lequel il faudra rester mobilisés.
Malgré quelques réserves, je vous invite donc à émettre un avis favorable sur ce projet de contrat d'objectifs et de moyens, qui a le mérite de mettre en avant le rôle clef joué par notre audiovisuel extérieur pour fournir une information fiable et de qualité tout en contribuant au rayonnement de nos valeurs à l'étranger, et ce malgré un cadre budgétaire contraint.