. Du fait de sa taille limitée, le groupe FMM peut en effet apparaître comme le parent pauvre du service audiovisuel public ; c'est pourtant « la voix de la France » à l'étranger. L'essentiel des problèmes provient de sa double tutelle. Les ministères de la culture et des affaires étrangère mesurent bien l'intérêt de la vitrine culturelle à l'étranger, de l'instrument de transmission de valeurs et de la contribution du groupe à notre diplomatie. Mais ils sont aussi tous deux confrontés à des impératifs d'économies, qui limitent leurs capacités respectives de contribution.
Le budget de la Deutsche Welle doit s'élever à près de 400 millions d'euros par an à horizon 2022 et celui de la BBC à 350 millions, contre 254 millions pour FMM, avec des modes de fonctionnement qui sont totalement différents. En Afrique, RT, les médias chinois et Al Jazeera disposent de moyens importants. Le groupe FMM ne deviendra efficace que lorsqu'on aura pris conscience de la nécessité d'injecter des fonds supplémentaires pour son fonctionnement.
Concernant le personnel, FMM est arrivé à l'os. Après les licenciements qui se sont succédé depuis quelques années, une nouvelle demande de réduction d'effectif de 30 personnes va rendre difficile sa présence dans certains pays et donc sa capacité à y mener à bien ses actions. Il faut enrayer rapidement ce processus afin de garantir la compétitivité et la présence de l'outil FMM dans le monde entier.
S'agissant de l'indépendance du groupe, pour démentir l'un de nos collègues je prendrai l'exemple de sa présence en Tunisie pendant la révolution. Al Jazeera voulait alors dominer l'information en Afrique du Nord mais, grâce à ses informations loyales et indépendantes, FMM a été adopté par les Tunisiens et reconnu comme le média le plus objectif. Il en est ainsi dans beaucoup de pays du monde.
FMM a des ambitions en Afrique, en particulier au Sahel. Dans beaucoup de pays, il est la « voix de la France », au sens où il transmet les valeurs de notre République et contribue à la formation de journalistes. Au-delà de l'information, le groupe véhicule un certain nombre de valeurs.
Mais ses moyens ne sont pas à la hauteur de ses ambitions. Monsieur le président, vous avez raison de nous inciter à la vigilance. Si le ministère des affaires étrangères a compris l'intérêt diplomatique de l'audiovisuel extérieur, faire percevoir au ministère de la culture l'intérêt du développement de cette action est notre plus grande tâche pour les mois à venir. Face à nos partenaires et concurrents, les moyens financiers du groupe ne sont pas adaptés à la poursuite du développement de son activité.
Il a ainsi un rôle à jouer au Sahel. La faim, les difficultés sociales et surtout l'ignorance conduisent des jeunes de la région à adhérer à des mouvements terroristes davantage par nécessité que par conviction. Le rôle de notre média extérieur est primordial en matière de communication, de formation et de transmission des valeurs ; c'est un apport essentiel dans le combat que nous menons pour la liberté et la lutte contre le terrorisme dans ces pays.
Il est regrettable que FMM ne figure pas sur le bouquet de la TNT, mais la raison en est uniquement financière. Des choix ont dû être faits. Les médias ne rendent pas toujours suffisamment compte de la situation à l'étranger. France 24, par exemple, réalise des reportages de grande qualité, mais là encore leur diffusion est une question de moyens.
La stratégie numérique est indispensable pour atteindre la population africaine, avec des projets de développement nécessitant des enveloppes financières importantes. Ce travail de longue haleine est indispensable : dans les vingt prochaines années, l'Afrique va connaître des bouleversements et des évolutions considérables, et il faut y maintenir une présence forte. La présence de la Chine y est énorme, s'appuyant sur la puissance de ses plateformes. L'expansion de la puissance chinoise dans le monde est vertigineuse et elle s'exerce au profit de ses entreprises nationales, avec des mécanismes de garantie publique très étendues. Si on ne le stoppe pas, ce mouvement sera prodigieux et aura vocation à dominer le monde. En Afrique, les Chinois s'inscrivent dans cette perspective.
Concernant l'éducation et la francophonie, des programmes pour la formation de la jeunesse sont lancés en coopération avec un certain nombre d'États africains, souvent en liaison avec d'autres intervenants, en particulier la Deutsche Welle. J'ai rencontré sa direction qui est tout à fait disposée à travailler en partenariat avec la France, y compris au Sahel.
En conclusion, j'appelle votre attention sur la nécessité de contribuer suffisamment aux besoins financiers de FMM. C'est essentiel à la fois pour garder une présence significative à l'étranger et pour que la voix de la France reste forte dans un certain nombre de pays où elle demeure un exemple.