La question que vous évoquez, madame la députée Sylla, est très importante, mais je ne peux nourrir ma réponse de faits qui aient été attestés ou jugés par la Cour des comptes en quoi que ce soit.
Madame la députée Poletti, le taux de suivi de nos recommandations est présenté chaque année dans le rapport public. Quantitativement, il est plutôt bon, puisque 72 % de nos recommandations seraient suivies d'effets, mais je ne m'en contente pas. Une analyse plus qualitative permettrait d'apprécier l'importance des recommandations suivies ou non. Dans le projet de juridiction financière 2025 que je dois présenter demain, je proposerai la constitution d'une banque de recommandations qui soit ouverte aux citoyens.
Je tiens à la réaffirmer : je ne confonds pas le contrôle et l'évaluation. Hormis les notes d'exécution budgétaire, les contrôles effectués par la Cour des comptes ne sont pas purement budgétaires et financiers. La Cour mène des contrôles budgétaires, juridictionnels et organiques, des contrôles à portée évaluative et des évaluations de politiques publiques. Nous savons mener ces évaluations et je souhaite que nous en fassions davantage.
Nous disposons d'atouts très importants pour conforter notre positionnement. Par exemple, personne ne peut porter mieux que nous l'indépendance. Le lien que nous entretenons avec le parlement est régulier et fréquent. Depuis que je suis premier président, je suis davantage venu devant les commissions plus que lorsque j'étais commissaire européen. Nous avons établi une tradition de travail avec le parlement. Étant une institution constitutionnelle, nous pouvons contribuer au débat public et développer l'adhésion des citoyens à nos initiatives. Je souhaite mettre le respect dû à l'institution au service du travail que nous pourrions mener ensemble. Par ailleurs, il est fondamental de respecter la diversité démocratique. La commission ne peut être partisane et je souhaite à cet égard lever l'ambiguïté : vous ne confieriez pas cette mission à la Cour des comptes, mais à une commission indépendante dont la présidence est assurée par le premier président de la Cour des comptes. En d'autres termes, il ne s'agit pas d'une mise sous tutelle de la commission par la Cour des comptes. La nuance me semble très importante.
Il est exact qu'on observe un déséquilibre entre bilatéral et multilatéral au détriment du bilatéral. La Cour a par conséquent recommandé que les fonds multilatéraux n'oublient pas les priorités de l'aide publique au développement française. Vos questions, madame la députée Lenne, trouvent réponse dans notre rapport sur le pilotage des opérateurs par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Nous avons plaidé pour un pilotage qui tienne compte de la puissance et de l'autonomie de l'Agence française de développement.
En réponse à l'intervention de monsieur le député Maire, il me semble que la commission devrait plutôt être présidée par un ressortissant français. Par ailleurs, il serait pertinent que les acteurs locaux soient des co-évaluateurs. Il appartient aux organismes qui interviennent pour accorder l'aide publique au développement de faire procéder à des évaluations par les acteurs locaux. Les services diplomatiques français pourront jouer un rôle d'intermédiaire pour transmettre le ressenti des bénéficiaires. En règle générale, une évaluation de politique publique associe obligatoirement les stakeholders, les décideurs et les bénéficiaires via les groupes d'usagers. Il appartiendra à la future commission d'évaluation de l'APD de définir le cadre dans lequel les bénéficiaires de l'aide seront associés aux évaluations. La Cour des comptes pourrait également apporter son aide sur ce point, car elle est insérée dans un réseau d'institutions supérieures de contrôle qui sont souvent des évaluateurs au plan local. Par exemple, je suis aussi le secrétaire général et l'opérateur de l'association des institutions supérieures de contrôle de la francophonie. À ce titre, nous menons aussi une politique de relations internationales. La dimension de la francophonie est très présente dans notre aide publique au développement. Nous pouvons tout à fait jouer un rôle d'intermédiaire.
Enfin, s'agissant de la contribution de la France à l'APD dans le domaine de la santé, une enquête est en cours. Ce contrôle d'ensemble est le premier. La France s'est engagée en octobre 2019 à augmenter sa contribution de 20 %. Face à la pandémie de covid-19, elle a adopté l'initiative santé en commun et levé à ce titre 1,7 milliard d'euros sur les marchés financiers en 2020. L'enquête comporte trois volets : les acteurs de la politique d'APD santé, les moyens mis en œuvre et l'analyse de la performance et les résultats des actions financées. Comme vous le voyez, ces travaux s'étendent bien au-delà du contrôle budgétaire. L'enquête sera prolongée au second semestre par un examen de la présence française dans les institutions internationales en charge de la santé. Je serai heureux de venir devant vous rendre compte des travaux menés afin de nourrir vos propres réflexions.