Nous déclarons, Mme Sabine Thillaye et moi-même, la séance ouverte. M. Dombrovskis, permettez-moi de vous accueillir à cette réunion conjointe à la commission des affaires étrangères, que je préside, et à la commission des affaires européennes, présidée par Mme Sabine Thillaye. Nous serons heureux de vous entendre avec M. Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité, sur la politique commerciale de l'Union européenne (UE), et j'espère que de cette confrontation, comme de deux silex que l'on frotte, jaillira l'étincelle de la vérité.
Nous débattrons de la politique commerciale de l'Union européenne sur la base de la récente communication, portant sur le réexamen de celle-ci, établie par la Commission européenne et rédigée dans le style courant des textes émanant de la Commission européenne, et que je qualifierais d'« aimablement théologique ». Ce document met en exergue quatre nouveaux défis – la Chine, le numérique, l'unilatéralisme et la technologie ; la pandémie pourrait y être ajoutée – qui bouleversent en profondeur les relations commerciales mondiales. Il utilise plusieurs concepts et s'inscrit dans la stratégie « autonome » et « ouverte » de la Commission européenne. Les mots employés sont intéressants : la notion d'« ouverture » est bien connue, car elle constitue une constante de la Commission ; la « stratégie » répond à une demande des citoyens et des gouvernants des pays de l'Union européenne, mais également du Parlement européen ; l' « autonomie » est une revendication apparue avec une force nouvelle dans le cadre de la crise sanitaire.
La Commission européenne propose dans ce document plusieurs objectifs. Elle invite à mettre en place une politique commerciale ouverte, « volontariste » (un terme traduit de l'anglais « assertive » que je considère, en tant que professeur de français, comme une faute, et qui devrait être remplacé par « volontaire ») et durable. Ces trois notions ne sont pas pondérées de manière identique. Nous constatons dans le document 60 allusions au « durable » (ce qui montre une véritable préoccupation sur ce point, que nous partageons), 40 à l'« ouverture » et 10 au « volontarisme stratégique ». Il reste donc un effort à réaliser un effort pour mettre ce dernier au cœur des préoccupations de la Commission européenne.
La Commission européenne définit des objectifs à long terme et des objectifs intermédiaires, que vous pourrez nous présenter. Toutefois, nous sommes préoccupés par un certain nombre d'enjeux concrets, et en premier lieu l'accord avec le Marché commun du Sud (Mercosur), qui, selon le ministre français, ne saurait être ratifié en l'état. La Commission européenne a donné le sentiment qu'un certain nombre de modifications pourraient y être apportées. D'une manière générale, les membres de la commission des affaires étrangères ont émis plusieurs objections aux accords de ce type, et certaines sont liées au contexte géopolitique et environnemental, notamment au Brésil.
En deuxième lieu, des incertitudes demeurent vis-à-vis de l'accord global d'investissements UE-Chine. Nous percevons l'effort réalisé pour réduire l'asymétrie des relations entre la Chine et l'Union européenne, mais restons sceptiques vis-à-vis de la volonté réelle des Chinois, qui donnent aujourd'hui l'impression de fouler au pied un certain nombre de libertés et de droits fondamentaux (au Xinjiang ou à Hong-Kong), de respecter leurs engagements en matière de droit de travailleurs, de travail des enfants, de respect des règles de l'Organisation internationale du travail (OIT), etc.
En outre, les membres de la commission des affaires étrangères ont exprimé des inquiétudes vis-à-vis de la méthode employée. En effet, nous sommes troublés par l'idée qu'un accord ait été proclamé comme conclu en décembre 2020 alors qu'il est toujours annoncé comme en cours de négociation par ailleurs. Cela rappelle les viols dans les romans de Faulkner : nous sommes toujours avant ou après le viol, mais nous ne savons jamais quand celui-ci a eu lieu. Certes, il est question ici d'un accord et non d'un viol, mais la situation reste étrange. Nous ne savons pas aujourd'hui si nous devrons nous prononcer sur le texte réel. La question de la transparence se pose donc.
En troisième et dernier lieu, nous nous interrogeons sur la réforme de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et sur l'incidence de la nouvelle administration américaine sur les relations commerciales entre les États-Unis et l'Europe. Ce dernier point renvoie au caractère inadmissible du caractère extraterritorial du droit américain, qui constitue une préoccupation d'ordre plus structurel. Nous souhaitons savoir si la Commission européenne est décidée à prendre à bras le corps ce problème.