Je vous remercie pour le soutien de la plupart des groupes politiques à notre nouvelle stratégie commerciale, qui repose sur le concept d'autonomie stratégie ouverte et se concentre sur le renforcement de la durabilité et la réforme de l'OMC.
S'agissant de l'amélioration de l'application des dimensions environnementales inscrites dans les accords commerciaux, nous avons accéléré l'examen du plan d'action en 15 points, et avons ramené son délai d'application à 2021 plutôt que 2023 afin d'être en mesure d'identifier rapidement les meilleures pratiques en vigueur au niveau international et de les mettre en œuvre.
En ce qui concerne les mesures miroirs, il est évident que toutes les importations en Europe doivent respecter les normes et les règlements de l'Union européenne. Les règles internationales doivent permettre de mettre en place pour les échanges un cadre non discriminatoire qui protège les droits de chaque pays, dans le respect des préférences des sociétés. Toutefois, certaines problématiques peuvent nous amener à modifier les règlements relatifs aux importations, en fonction des nécessités de protéger l'environnement ou pour répondre à des préoccupations d'ordre éthique. Pour autant, ces modifications peuvent se faire en dehors des règles de l'OMC, et nous mettons déjà en œuvre de telles mesures. Par exemple, à compter de janvier 2022, nous interdirons l'importation de viandes à partir de pays tiers qui continuent à autoriser les antibiotiques comme promoteurs de croissance.
Plusieurs questions ont été posées sur l'accord avec le Mercosur. Cet accord est important à la fois sur le plan économique et stratégique car il permet de créer un lien avec cette région au PIB de 2 200 milliards d'euros et qui compte 260 millions de consommateurs. Son potentiel n'est pas aujourd'hui exploité, et ce marché est l'un des plus protégés dans le monde. Il est donc essentiel pour nous de disposer d'un accord. L'accord en cours de négociation est l'accord commercial le plus important pour l'Union européenne car il devrait générer 4 milliards d'euros de gains tarifaires par an, soit quatre fois plus que l'accord avec le Japon et huit fois plus que celui avec le Canada. Il s'agit également du premier accord que le Mercosur a négocié avec un partenaire international d'importance, ce qui constitue un avantage pour l'Union européenne par rapport aux États-Unis ou la Chine.
La France serait le deuxième bénéficiaire, après l'Allemagne, de cet accord. Aujourd'hui, en dépit de barrières significatives, 100 000 emplois en France dépendent des exportations vers le Mercosur, qui est le 11e partenaire commercial du pays. Plus de 4 600 entreprises françaises (dont 80 % sont des PME) exportent déjà vers le Mercosur, pour une valeur de 9 millions d'euros en 2018. En outre, 63 indications géographiques françaises seront protégées par l'accord. La France est, en Europe, le premier exportateur de produits laitiers et de préparations alimentaires vers le Mercosur, le deuxième de gluten, et le troisième de vins et de spiritueux. Elle exporte également des biscuits et de nombreux autres produits. L'accord offre donc des opportunités importantes pour le secteur agroalimentaire français, qui seront calibrées par des mesures tarifaires adaptées.
Nous sommes conscients des inquiétudes soulevées vis-à-vis de la durabilité et de la déforestation, et nous les partageons. Nous devrons y répondre. Pour cette raison, nous n'accélérons pas la ratification de l'accord, mais travaillons avec les autorités du Mercosur sur les engagements complémentaires qu'elles pourraient prendre, en particulier sur le respect de l'accord de Paris et la déforestation. La forme juridique précise de ces engagements reste à déterminer, et à ce stade, nous ne disposons pas de calendrier précis, car le travail continue avec les pays du Mercosur.
S'agissant du CETA, nous constatons des résultats positifs concrets. En 2019, le commerce entre le Canada et l'Union européenne a augmenté de 25 %. La balance commerciale de l'UE est positive de 17,6 milliards d'euros. Des tendances similaires sont constatées en ce qui concerne le commerce entre la France et le Canada. Les flux commerciaux ont représenté 6 milliards d'euros en 2019, et la balance commerciale de la France a été positive de 1,1 milliard d'euros. Les importations de produits français au Canada ont augmenté : celles des véhicules et des pièces détachées ont progressé de 200 % et celles des parfums de 60 %. L'accord a également eu des conséquences positives pour le secteur de l'agriculture. La crainte d'importations massives de viande canadienne ne s'est pas concrétisée, alors que les exportations de nourriture française au Canada ont augmenté de 25 %. Le CETA a libéralisé l'accès des produits européens au marché canadien, mais protège 143 indications géographiques européennes, dont 30 indications françaises.
Par ailleurs, l'accord sur les investissements entre l'Union européenne et la Chine vise avant tout à répondre au déséquilibre qui existe aujourd'hui dans les relations commerciales. Les États membres et la Commission européenne appellent à cette réponse depuis longtemps. L'accord reprend des engagements importants pour la Chine en matière d'accès au marché et de respect des règles relatives à la concurrence équitable. En outre, pour la première fois, la Chine a pris des engagements en matière de développement durable dans le cadre d'un accord commercial, à une hauteur similaire aux engagements inscrits dans les accords de libre-échange précédemment conclu par l'Union européenne. Nous devrons nous assurer que ces engagements seront respectés, et nous avons prévu un système de règlement des différends.
Nous préparons également une législation sur le devoir de vigilance, afin de nous assurer que les biens et les services produits qui impliquent des violations majeures de l'environnement ou des droits humains ne sont pas vendus sur le marché européen ou par des entreprises européennes. En ce sens, le système européen de sanction en cas de violation des droits de l'homme est en vigueur depuis septembre 2020. Ainsi, l'accord sur les investissements ne constitue que l'un des éléments d'une « boîte à outils » plus vaste qui nous sera utile dans le cadre de nos relations avec la Chine.
Le calendrier de l'accord a également été évoqué. Au printemps 2019, lors du sommet Chine-Union européenne, les États membres avaient prévu de finaliser l'accord fin 2020. Nous avons respecté cet objectif. Aujourd'hui, l'Union européenne est seule économie d'importance à ne pas disposer d'accord avec la Chine. Les États-Unis ont signé la phase 1 d'un accord, et la Chine a conclu des accords avec le Japon et d'autres pays d'Asie. Nous ne devons pas nous tenir à l'écart de ces négociations, sachant que 30 % de la croissance mondiale des cinq années à venir proviendra de la Chine.
En ce qui concerne le lien entre le commerce et le climat, nous réalisons des efforts importants pour rendre plus écologique notre politique commerciale. Ainsi, la durabilité et l'écologie ont une place prépondérante dans notre nouvelle stratégie commerciale, et sont plus importantes que les questions d'ouverture. Les remarques liminaires de cette politique définissent un certain nombre d'initiatives concrètes. Il sera important de les poursuivre et de rendre nos politiques commerciales plus écologiques.
Par ailleurs, nous étudions les questions de la relocalisation des productions et de nos dépendances stratégiques dans le cadre du réexamen de notre politique industrielle. Nous envisageons de mettre en place de nouveaux outils afin de favoriser les relocalisations et la diversification des chaînes d'approvisionnement.
Il m'a également été demandé si l'Union européenne était trop ouverte. Je pense que non. L'UE est le plus grand commerçant du monde, et son excédent commercial est très important. Si nous nous refermons sur nous-mêmes, notre situation économique ne fera qu'empirer.
Le développement commercial avec nos voisins, et en particulier l'Afrique, constitue une priorité. Nous développerons nos relations avec ces régions, et organiserons des partenariats économiques avec les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Nous pourrions également travailler sur la mise en place d'une zone de libre-échange continental au niveau de l'Afrique.
S'agissant du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, le travail est en cours, et nous présenterons en juin une proposition au Parlement européen sur le sujet.
En ce qui concerne la situation au Sahara occidental, la Cour de justice de l'Union européenne a récemment rendu un certain nombre de décisions, et les accords avec le Maroc ont été revus pour en refléter les conclusions, afin de nous assurer que le Sahara occidental tire réellement profit de ces accords. Nous avons également l'intention de présenter prochainement au Parlement européen une proposition sur le sujet.