Intervention de Carole Bureau-Bonnard

Réunion du mercredi 7 avril 2021 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCarole Bureau-Bonnard, rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées :

Au regard de la nature essentiellement militaire de l'accord du 23 novembre 2018, c'est fort naturellement que la commission de la défense nationale et des forces armées s'est saisie pour avis du projet de loi autorisant son approbation.

Je mets fin immédiatement au suspense : notre commission a émis un avis favorable à l'adoption de ce texte, et ce à l'unanimité.

Je ne reviendrai pas sur chacune des stipulations de l'accord, dont votre rapporteur a déjà parlé, ni sur l'importance que la population suisse accorde à la fois à sa neutralité perpétuelle, décidée il y a désormais plus de deux siècles, et à ses armées. Je préfère me concentrer sur trois domaines qui ont retenu l'attention de mes collègues de la commission de la défense la semaine dernière, dans le cadre d'échanges riches et fructueux.

Premièrement, la construction de l'Europe de la défense ne se résume pas à l'Union européenne de la défense. La Suisse n'appartient ni à l'Union européenne ni à l'OTAN, mais en raison notamment de sa proximité géographique avec la France, l'Allemagne et l'Italie, elle n'en demeure pas moins un partenaire essentiel, avec lequel nous entretenons une coopération de grande qualité depuis plus de vingt ans.

La Suisse est de plus en plus attentive à la sécurité du continent, en particulier au regard de l'évolution de la menace terroriste. Préoccupée par l'intensification des flux migratoires dans le sud de l'Europe, elle est aussi fortement impliquée dans la stabilisation de la péninsule balkanique, au travers notamment de sa participation à la Force pour le Kosovo (KFOR). Relevons aussi la volonté d'implication nouvelle de la Confédération helvétique dans la résolution des crises que traverse le monde, comme l'illustrent son souhait de briguer un siège au Conseil de sécurité de l'ONU pour le mandat 2022-2024, ou encore sa participation à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Notre coopération est riche, et il n'est d'ailleurs pas anodin que la Suisse ait fait partie des rares pays consultés par le ministère des armées à l'occasion de l'actualisation de la revue stratégique, publiée en début d'année.

Deuxièmement, il convient de mentionner la coopération militaire aérienne, domaine dans lequel la France et la Suisse avancent main dans la main – ou plutôt volent côte à côte.

Les forces aériennes françaises et suisses profitent depuis 2015 d'un accès à une zone aérienne transfrontalière commune, qui leur est très utile dans le cadre d'entraînements au combat aérien. Cette coopération est bénéfique à la France puisqu'elle permet à nos pilotes de s'entraîner en zone montagneuse dans l'espace aérien suisse. En outre, dans le cadre de ses programmes de modernisation de la politique de formation de ses pilotes de chasse, l'armée de l'air et de l'espace s'est portée acquéreuse de 17 Pilatus PC-21, c'est-à-dire d'avions suisses.

Notre coopération est particulièrement aboutie dans le domaine de la défense aérienne, tant au niveau de l'entraînement – nous formons des tireurs d'élite suisses embarqués sur hélicoptère à partir de notre base corse de Solenzara – que dans le cadre d'opérations de police du ciel.

Cette coopération ouvre aussi des perspectives en matière d'armement : la Confédération a récemment lancé un programme de renouvellement de ses avions de chasse, dans lequel s'est engagé le Rafale de Dassault Aviation. Espérons que la décision suisse, qui sera annoncée à l'été prochain, sera bénéfique à notre industrie de défense, durement touchée par la crise économique. Nous sommes également en lice pour le renouvellement du système de défense sol-air.

Troisièmement, l'accord actualise notre coopération pour répondre aux enjeux qui prennent de plus en plus d'importance en ce début de siècle, notamment dans le domaine cyber, où s'ouvrent de nouveaux espaces de conflit, et dans le domaine spatial, à travers la composante spatiale optique (CSO), avec le partage d'images satellites.

Ces dernières années, nos deux pays ont renforcé leurs actions communes en particulier dans le domaine cyber, matière hautement stratégique. Dès 2017, des observateurs suisses ont été accueillis lors de l'exercice interarmées de cyberdéfense DEFNET, et des rencontres ont eu lieu entre responsables de haut niveau, en particulier avec le commandant de la cyberdéfense et le directeur général de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information. Enfin, nous devons organiser un exercice commun, appelé « Locked Shields ». Initialement prévu l'an dernier, il a malheureusement été reporté en raison de la pandémie de covid-19 ; espérons qu'il aura bien lieu en 2021. J'ajoute que, lors du précédent exercice de ce type, c'est la France qui avait gagné.

Notre coopération avec la Confédération suisse est donc d'une grande vitalité et d'un fort dynamisme. Avec votre soutien, monsieur le président, et celui de l'ensemble des membres de votre commission, nous espérons que cet accord permettra d'approfondir la coopération militaire entre nos deux pays, afin d'assurer la sécurité et la défense du continent européen. Il est de notre responsabilité de ratifier cet accord dans les meilleurs délais, plus particulièrement dans la mesure où nos amis du Parlement suisse l'ont déjà fait depuis plusieurs mois.

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