Intervention de Michèle Tabarot

Réunion du mardi 19 octobre 2021 à 18h25
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Tabarot, rapporteure pour avis :

J'ai mentionné les points positifs du budget de la défense pour 2022, en soulignant l'augmentation de 1,7 milliard et le respect, même partiel, de la trajectoire fixée par la LPM. Toutefois, il était de mon devoir, en cette dernière année de mandat présidentiel, de donner des perspectives sur ce qui nous attend, notamment l'augmentation annuelle de 3 milliards.

Par ailleurs, le Parlement n'a pas abordé l'actualisation de la LPM dans le cadre de l'examen d'un projet de loi. Nous devons fixer des orientations ensemble, tant en matière d'exportations que de niveau capacitaire des armées, mais le Gouvernement décide seul !

Exporter des matériels est une bonne chose, notamment dans les pays européens. Toutefois, il s'avère que cette avancée est obtenue au détriment de l'armée française, qui recevra plusieurs matériels bien plus tard que prévu. Sur ce sujet hautement stratégique, il faut savoir ce que nous voulons en priorité : équiper notre armée ou exporter notre savoir-faire ? Quel est le bon équilibre ? Certes, des efforts financiers ont été réalisés, mais la future majorité devra en consentir d'autres.

La sincérisation du budget des OPEX n'est pas totale, dans la mesure où 200 millions resteront à payer. Par ailleurs, la LPM prévoyait une solidarité interministérielle en la matière : il n'en est rien.

Le PLF prévoit la création de 376 postes dans le domaine cyber, qui connaît des difficultés de recrutement. Cet effort est indispensable car les conflits de demain exigeront des belligérants qu'ils soient bien équipés en la matière et servis par des personnes de qualité.

Plusieurs orateurs ont évoqué l'amélioration de la situation matérielle de nos armées, notamment la mise à leur disposition de logements et de places en crèche. Plusieurs actions sont menées en ce sens, notamment un partenariat avec le groupe Vinci qui permet d'acheter des logements insalubres en vue de les rénover.

Je rejoins vos inquiétudes sur la possibilité de respecter la trajectoire de 2023 à 2025 et je pense, moi aussi, qu'il faut exprimer les objectifs financiers en valeur et non en pourcentage. Le prochain gouvernement devra faire sérieusement le point sur l'actualisation de la LPM, afin qu'elle soit aussi sincère que possible et tienne compte des analyses, qui sont nombreuses à prévoir des conflits de haute intensité. Nous devons nous demander comment orienter la politique d'exportation et la politique d'équipement de nos armées en fonction de ces prévisions.

Je le répète, le plan de relance ne s'est pas caractérisé par un effort particulier en faveur de la défense : seuls 0,2 % de ses crédits sont destinés à cette mission. Bien qu'il soit orienté vers le social, le numérique et l'écologie, l'armée y avait sa place, notamment pour financer les programmes d'avenir, et pouvait espérer des crédits plus élevés.

Dans le golfe de Guinée, la marine effectue un travail extraordinaire, reconnu par tous les armateurs français et étrangers. C'est une zone stratégique, puisque 80 000 ressortissants français et 400 000 ressortissants européens y résident. Le trafic maritime y est intense. L'opération Corymbe se distingue nettement de l'opération Atalante, qui avait été menée dans le golfe d'Aden en application des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies : la configuration des lieux permettait d'avoir un rail, et l'opération était rendue légitime par le fait que la Somalie était un État totalement défaillant.

Dans le golfe de Guinée, les États souverains limitent quelque peu l'action souhaitée par la France et l'Europe. Au côté de la France, l'Espagne, l'Italie, et, comme cela est annoncé, le Danemark, mènent des opérations coordonnées. L'architecture de Yaoundé, établie en 2013, définit la participation de chaque État, mais les règles ne sont pas totalement appliquées. Sur des points précis, l'Europe peut avoir une action concrète et conditionner son aide à certaines actions dans le golfe de Guinée. La responsabilisation des États côtiers est essentielle. Plusieurs d'entre eux accomplissent un gros effort, et d'autres suivent peu à peu.

La transformation de Barkhane suscite des inquiétudes. Les foyers de terrorisme peuvent en effet se déplacer. On aura besoin, dans les mois à venir, d'un renforcement important des marines européennes dans le golfe de Guinée, voire d'une intervention internationale. Pour l'heure, les Américains et les Chinois y sont peu présents, si ce n'est, s'agissant des Chinois, pour pratiquer une pêche un peu sauvage en haute mer.

Je n'ai pas d'information particulière sur l'importation des armes de petit calibre. Un travail est à mener, sur le plan national, par le Gouvernement. Il devra également être conduit à l'échelle européenne si l'on veut faire émerger l'Europe de la défense.

Ce projet de budget présente des aspects positifs, tandis que d'autres soulèvent des interrogations. Nous sommes frustrés par le fait que le Parlement est un peu absent de la prise de décision, dans des domaines pourtant stratégiques.

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