Intervention de Christophe Di Pompeo

Réunion du mercredi 20 octobre 2021 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Di Pompeo, rapporteur pour avis :

Au cours des nombreuses auditions que j'ai menées pour élaborer mon rapport pour avis, j'ai senti que les agents du ministère voulaient garder leur spécificité et tenaient à l'existence d'un corps de diplomates. On n'est pas diplomate comme on est agent d'un autre ministère. Être diplomate, c'est d'abord un choix de vie. Lorsqu'ils partent à l'étranger, les agents entraînent avec eux leur famille et s'exposent parfois à des situations difficiles, voire dangereuses. C'est davantage un sacerdoce qu'une mission de service public normale.

Le corps des diplomates n'est pas le seul à présenter une spécificité ; je fais souvent le parallèle, à tort ou à raison, avec le corps préfectoral. En tout cas, les agents du ministère veulent rester diplomates ; ils ne veulent pas être assimilés dans une grande fonction publique, qui gommerait dans une certaine mesure leur spécificité.

Il y a effectivement un problème de mobilité, monsieur le président : les diplomates quittent très peu le ministère des affaires étrangères car ils ont beaucoup de mal à y revenir une fois qu'ils l'ont quitté. Il conviendrait de travailler sur les passerelles entre les différents ministères, afin que les diplomates puissent travailler dans d'autres ministères, ce qui enrichirait leurs carrières.

Plusieurs d'entre vous ont évoqué la question des agents de droit local (ADL). Il est exact qu'au cours des dernières années, un nombre croissant d'ADL ont été affectés sur divers postes dans les ambassades et les consulats. Cela pose des problèmes de sécurité, sachant qu'un ADL ne peut pas avoir accès à toutes les informations traitées dans une ambassade ou un consulat. L'année dernière, pendant la crise sanitaire, les ADL n'ont pas pu être mobilisés, tout simplement parce qu'ils n'avaient pas accès à certains outils informatiques. Selon moi, on est allé au bout de ce qu'on appelle l'ADLisation. Il faut de nouveau privilégier l'affectation de fonctionnaires ou d'agents de droit français dans les ambassades et les consulats.

Clémentine Autain, Nicolas Dupont-Aignan et, dans une moindre mesure, Jacques Maire ont contesté l'expression « budget de renaissance » employée par Anne Genetet. J'en conviens, c'est plutôt un budget de rebond qu'un budget de renaissance.

Vous l'avez dit, monsieur le président, le ministère a été pendant des années rongé jusqu'à l'os. Le programme Action publique 2022 a eu des effets terribles. Malheureusement, le ministère a été un bon élève : 80 % des réductions d'effectif ont eu lieu au cours des dernières années. C'est pour cette raison que je propose, en plus des 30 millions d'euros supplémentaires consacrés aux ressources humaines à l'initiative du ministre, de pérenniser les 90 ETP prévus pour la présidence française de l'Union européenne.

Ce budget amorce le rebond, ce qui est bien préférable à une application du programme Action publique 2022 jusqu'à son terme. Si on l'avait fait, on aurait atteint la moelle, car il n'y a plus rien sur l'os. L'exercice est allé trop loin, le constat est partagé.

Anne Genetet et Alain David ont évoqué l'action sociale exceptionnelle. Le budget dédié est important, puisqu'il atteint 50 millions d'euros, et je propose le report de 10 millions d'euros. Alain David a mentionné des difficultés pour obtenir les aides. Je me suis rendu plusieurs fois sur le terrain et je ne pense pas qu'il y ait de difficultés techniques : tous les dossiers déposés sont instruits correctement par les postes. Les agents établissent un rapport humain ; ils s'intéressent à nos ressortissants et s'attachent à ce qu'ils vivent mieux.

Anne Genetet s'est étonnée que les agents se taisent ou refusent de répondre à un questionnaire, alors qu'ils se plaignent souvent de ce qu'ils ont ou de ce qu'ils font lorsqu'on les auditionne ou qu'on les voit en tête à tête. À cela je répondrais que c'est un corps, avec ses règles. Même s'ils se plaignent, les agents sont conscients de leur mission et ont le sens du sacrifice.

Par ailleurs, de nombreux agents sont en souffrance lorsqu'ils sont en poste à Paris, les salaires versés par le ministère n'étant pas à la hauteur requise pour une vie parisienne. C'est un vrai problème, d'où les 30 millions d'euros annoncés par le ministre pour remettre à niveau le salaire de certaines catégories.

J'ai aussi rencontré des agents en poste à l'étranger qui avaient des difficultés financières. Certes, ils touchent alors une indemnité, mais celle-ci ne compense pas toujours la baisse de revenus consécutive à la perte d'emploi du conjoint. Surtout, il y a le problème des frais de scolarité. Nous devrions nous interroger sur la prise en charge des frais de scolarité pour les agents en poste à l'étranger, car c'est un facteur de paupérisation et un frein supplémentaire.

Monsieur Herbillon, l'opération d'évacuation d'Afghanistan a effectivement coûté 26 millions. La somme a été payée par le ministère des armées, qui en réclame le remboursement au ministère de l'Europe et des affaires étrangères. On attend l'arbitrage du Premier ministre.

En matière d'immobilier, le ministère dispose désormais d'un service structuré, dont la directrice a l'expérience de la gestion du patrimoine du ministère des armées. Le travail de recensement et de programmation des besoins est en cours. L'investissement nécessaire pour remettre le parc immobilier à niveau est estimé à 400 millions d'euros, ce qui n'est pas rien.

Pendant des années, on a vendu les bijoux de famille, comme l'a dit l'un d'entre vous, sans que le ministère récupère le produit des ventes. Pour l'entretien lourd des bâtiments, un effort a été fait : les crédits dédiés s'élèvent désormais à 77 millions d'euros.

Le ministère doit tenir compte de contraintes spécifiques, notamment de sécurité. Dans certains pays, ne l'oublions pas, les conditions de vie et de travail sont difficiles. L'ambassade est alors au cœur de la vie des agents et des ressortissants français. Les ambassades doivent alors être non seulement de beaux outils de travail, mais aussi de beaux lieux de vie.

Le besoin de sécurité est constant, les postes étant exposés à divers risques : risque terroriste, risques d'espionnage, risque qu'une manifestation dégénère, ce qui s'est produit à certains endroits. Les postes font appel à des sociétés de gardiennage privées pour épauler les policiers et les gendarmes. Cela a un mérite : on peut ainsi adapter le niveau de sécurité au risque, par nature évolutif, qui est réévalué chaque année pour tous les postes par le Quai d'Orsay. Autrement dit, les sociétés privées sont des variables d'ajustement.

Au fil des ans, l'AEFE a constitué une soulte de 70 millions d'euros. Le ministère demande que cette somme soit remise dans le circuit pour être distribué sous forme de bourses.

S'agissant des contributions aux organisations internationales, évoquées par Michel Fanget et Jean-François Mbaye, il y a une volonté de remettre les choses à plat et de mettre fin au saupoudrage. La baisse des contributions obligatoires – leur montant ne dépend pas de nous, puisqu'il résulte de l'application de barèmes – a été compensée par une augmentation des contributions volontaires.

Monsieur Quentin, on ignore ce qu'il adviendra du corps des diplomates ; rien n'est arrêté à ce stade. On sent qu'il y a une volonté de réforme, mais aussi une volonté de garder la spécificité du corps des diplomates. Tant que rien n'est arrêté, les choses peuvent demeurer en l'état.

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