Intervention de Frédéric Petit

Réunion du mercredi 20 octobre 2021 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Petit, rapporteur pour avis (Diplomatie culturelle et d'influence ; Francophonie) :

Je vous présente mon cinquième rapport pour avis à ce sujet. Pour montrer la logique de ces cinq années, je vous renvoie à deux diapositives que je vous avais projetées il y a trois ans. Mon idée, ou mon dada, comme l'a dit le président, est de passer d'une vision de la diplomatie dans laquelle les acteurs sont très regroupés, où certains sont dans la lumière mais de nombreux autres restent dans l'ombre, à une vision dans laquelle l'État est un animateur de réseaux, où l'on s'efforce de mettre en lumière toutes les actions et de les inscrire dans une logique. J'avais mis en évidence les points sur lesquels il convenait de travailler, notamment le réseau éducatif et le réseau de l'AFD.

On a beaucoup progressé, et je tiens à délivrer un satisfecit, comme je l'ai fait dans mon rapport. Je me rappelle notamment les remarques de Bérengère Poletti concernant les divergences, voire les frontières, qui pouvaient exister entre un ambassadeur et un responsable chargé de l'aide publique au développement. Nous constatons tous sur le terrain que ce problème a presque disparu, en tout cas que les choses s'améliorent.

Dans la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, magnifique texte, nous avons introduit un certain nombre d'acteurs, notamment dans le Conseil du développement – souvenez-vous des nombreux amendements portant sur sa composition. Le ministère a compris comme nous que l'influence se partage. D'ailleurs, à l'expression « diplomatie d'influence », je préfère celle de « diplomatie de métiers », étant entendu qu'il s'agit des métiers qui ne sont pas celui de diplomate.

Au niveau de l'État et de l'exécutif, il y a des signes importants d'évolution dans ce sens, qui ne sont pas seulement budgétaires. Je vous renvoie une nouvelle fois au discours prononcé par le Président de la République en 2019 devant la conférence des ambassadeurs, dans lequel il a évoqué le « généraliste » et les « spécialistes », le diplomate de métier étant en quelques sorte un chef d'orchestre en face de virtuoses. Comme nous l'avions relevé avec Jean François Mbaye lorsque nous avons évoqué la diplomatie de la forêt, cela n'aurait aucun sens d'affecter un diplomate de la forêt pour seulement trois ans dans un pays, car il faut avoir du métier, et les arbres mettent du temps à pousser.

Je me félicite des progrès de certains opérateurs. Conformément à nos vœux, l'Institut français a fait sa mue : il y a désormais une direction du réseau à l'Institut français à Paris. Il convient de le saluer. Quant aux alliances françaises, elles ont fait, depuis le début de la crise, un travail extraordinaire pour se restructurer ; il y a désormais des responsables élus pour chaque région du monde.

Dans le cadre de mon travail de rapporteur pour avis, je suis retourné cette année au Liban, où je m'étais rendu en 2017. J'y ai trouvé une diplomatie de métiers très cohérente, avec des agents qui s'appuient sur des réseaux. Le travail en réseau est désormais naturel pour eux.

Le conseiller de coopération et d'action culturelle adjoint a créé un site internet, qui recense sur une carte du Liban tous les réseaux éducatifs francophones : les écoles conventionnées, notamment les nombreux lycées français ; les écoles francophones ayant obtenu le label de certification des enseignants en langue française (CELF) ; les réseaux d'établissements chrétiens. On voit qu'il s'est posé le problème de manière assez intéressante.

L'ambassade et l'Institut français du Proche-Orient (IFPO), l'un de nos plus importants instituts de recherche à l'étranger, soutiennent un architecte libanais qui a fondé une association travaillant sur la reconstruction du quartier du port. Reconstruire ce quartier, ce n'est pas seulement refaire les maisons, c'est aussi préserver le patrimoine et, au-delà, faire en sorte que les habitants y reviennent. D'où l'importance d'une réflexion sociologique ; il ne faut pas faire des opérations immobilières. Voilà ce pour quoi cet architecte se bat, et l'un des directeurs de l'IFPO a pris l'initiative de travailler avec lui, car il a compris que la France se devait d'être présente sur cette question.

L'Institut français du Liban a lancé un programme intitulé Nafas – respiration, en arabe –, qui a permis à une centaine d'artistes libanais d'aller respirer en France. Il s'agit de bourses pour une résidence de trois mois auprès d'artistes français – qu'il a été assez facile de trouver, la solidarité s'est exprimée. Ce programme, qui n'a pas coûté très cher, a été imaginé par le terrain pour le terrain. D'après ce que m'a dit un galeriste libanais qui en a bénéficié, la France n'a jamais rien fait de mieux. Au passage, je vous invite à aller voir l'exposition « Lumières du Liban » à l'Institut du monde arabe.

Comme vous avez pu le lire dans mon rapport, une question importante va se poser à nous, celle de notre présence en Syrie. Elle sera soulevée plus rapidement par la diplomatie d'influence ou de métiers que par la diplomatie officielle. En effet, il y a encore en Syrie des salariés locaux de l'IFPO et un lycée français à Damas, qui a perdu son homologation.

Pour terminer, je reviens sur quelques recommandations que j'ai formulées dans mon rapport.

Nous devons faire un point d'étape sur le fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI). Cet outil transversal, qui manquait au ministère, est plébiscité par les postes. Il convient désormais de le transformer de façon à mieux l'articuler avec les autres projets.

Nous avons besoin d'un outil de coordination pour la diplomatie universitaire et de recherche. Comme je l'ai dit dans l'hémicycle et dans ma contribution écrite à propos du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, il faut casser cette idée selon laquelle on soutient la recherche en France mais on saupoudre les crédits à l'étranger.

Nous devons nous pencher sur le volontariat international. Une centaine de jeunes français sont partis dans ce cadre au Liban pour quelques mois.

J'ajoute à ces recommandations deux propositions concernant le réseau de l'AEFE. Selon moi, l'agence devrait créer en son sein un comité de gestion des établissements en gestion directe (EGD). Ces établissements sont peu nombreux, mais leur mode de fonctionnement gâche un peu le paysage du travail de réseau. Par ailleurs, le directeur de l'AEFE devrait être recruté sur une vision ou un projet de développement à cinq ou dix ans, comme l'ont été d'autres responsables de nos opérateurs, notamment le directeur général d'Expertise France. Le poste ne devrait plus faire partie du mouvement des diplomates. Compte tenu des enjeux au sein du réseau de l'AEFE, il n'est guère possible, en trois ans, de développer une action efficace.

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