La crise sanitaire a conduit 118 millions de personnes supplémentaires à souffrir de la faim entre 2019 et 2020. Le contexte particulier que nous connaissons nécessite un effort de solidarité décuplé. C'est pourquoi nous saluons la hausse des crédits de près de 1 milliard d'euros pour la mission Aide publique au développement, qui s'élève à plus de 4,9 milliards d'euros au total. Nous saluons en particulier la hausse de l'aide humanitaire, dont le montant passera à 500 millions d'euros, ce qui représente 170 millions de plus qu'en 2021.
Le nouveau programme 370, Restitution des « biens mal acquis », permettra d'appliquer une disposition particulièrement bienvenue de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, du 4 août 2021. Il s'agit de restituer aux populations une partie des biens qui ont été spoliés par leurs dirigeants.
Il faut aussi rappeler que les crédits de cette mission ne représentent qu'un tiers du total de ce qui est comptabilisé comme aide publique au développement. Le calcul intègre, en effet, des dépenses diverses en fonction de critères établis par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il existe une certaine dispersion comptable qui rend ardus le pilotage, le suivi et l'évaluation de l'aide publique au développement, tant par la société civile que par les parlementaires, comme le souligne notamment Coordination Sud, organisation regroupant les ONG françaises de solidarité internationale. Parfois, les montants globaux de l'aide publique au développement peuvent ainsi être considérés comme du trompe-l'œil. Par exemple, la très forte hausse de l'année 2021 est notamment due à la comptabilisation de l'effacement de la dette du Soudan, pour près de 5 milliards.
S'agissant de 2022, l'ensemble de ce qui est comptabilisé comme aide publique au développement représente 14,6 milliards d'euros, et la trajectoire prévue par la loi de programmation du 4 août dernier est ainsi respectée. Le total de l'aide publique au développement devrait représenter 0,56 % du revenu national brut l'année prochaine, ce qui permettra d'atteindre et même de dépasser un peu l'objectif fixé en la matière.
Nous nous satisfaisons de cet effort, mais nous rappelons que nous avons été nombreux à regretter lors de l'examen du projet de loi de programmation que la programmation prévue n'aille que jusqu'en 2022. La loi prévoit que la France « s'efforcera d'atteindre 0,7 % du revenu national brut en 2025 » : nous regrettons que cette formulation n'ait pas de valeur contraignante. Nous aurions préféré que la France « consacre » 0,7 % de son revenu national brut à l'aide publique au développement en 2025, conformément à l'engagement de campagne d'Emmanuel Macron. Nous espérons que l'effort se poursuivra afin d'atteindre l'objectif de 0,7 % en 2025, comme l'ensemble des pays riches se sont engagés à le faire dans une résolution adoptée en 1970 par l'Assemblée générale des Nations unies.
La loi de programmation a néanmoins gravé dans le marbre de nombreuses orientations positives que nous demandions. Ce texte a notamment prévu un meilleur contrôle parlementaire sur l'affectation et l'utilisation de l'aide. Il a également établi des priorités thématiques, au premier rang desquelles l'éradication de la pauvreté, ainsi que des priorités géographiques, dont une cible d'au moins 25 % de l'aide consacrés à 19 pays prioritaires parmi les moins avancés – des pays d'Afrique subsaharienne et Haïti. Toutefois, le montant affecté à cette cible aurait pu être plus important : l'argent de l'aide au développement doit aller en priorité aux populations qui en ont le plus besoin. Nos amendements visant à renforcer l'accessibilité des produits de santé issus de la recherche publique ou à imposer une obligation de vigilance aux acteurs du développement ont également contribué à améliorer la loi.
Notre groupe a demandé à de nombreuses reprises que l'aide au développement française donne davantage la priorité aux dons par rapport aux prêts, à l'instar de ce que font la plupart des pays. La loi de programmation a consacré cette priorité en prévoyant que les dons devront représenter 70 % du montant total de l'APD, hors allégements de dette et prêts aux institutions financières. Cela fera évoluer d'une manière positive le modèle français d'aide au développement, qui tend encore trop à concevoir l'aide comme un investissement alors qu'elle devrait en premier lieu avoir vocation à aider les populations. La part qui est prévue reste toutefois inférieure à notre demande et à la moyenne des pays donateurs de l'OCDE, qui se situe autour de 85 %.
Une des recommandations que notre groupe relaie avec insistance consiste à accroître le fléchage de la taxe sur les transactions financières vers l'aide publique au développement. Cette taxe représentera 1,3 milliard d'euros de recettes en 2022, dont moins de la moitié sera affectée à l'APD. Il est nécessaire de faire de ce moyen de financement innovant un véritable outil de justice fiscale alors que la spéculation financière ne cesse de s'accroître.
Je ne renchérirai pas sur la question de l'égalité femmes-hommes évoquée par la rapporteure pour avis, mais ce point nous paraît également important.
Malgré les quelques réserves dont j'ai fait part, le groupe Libertés et Territoires est favorable à la hausse significative des crédits de cette mission budgétaire, qui permettra de donner une traduction à plusieurs objectifs fixés par la loi de programmation du 4 août dernier, que nous avions contribué à renforcer.