La convention constitue une avancée. Elle fait de la France le premier pays non hispanophone ni lusophone avec lequel l'Espagne signe un accord sur la double nationalité ; c'est un symbole fort et positif pour la relation franco-espagnole. Ce sont 150 000 Français qui vivent en Espagne, 190 000 Espagnols en France ; les liens entre nos deux pays sont étroits et anciens.
Permettez-moi toutefois de souligner que la convention est bien loin de résoudre les différents problèmes concrets de voisinage entre la France et l'Espagne. Lors de la signature de la convention, en mars 2021, le président Emmanuel Macron, avait annoncé en présence du chef du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, le lancement d'une stratégie transfrontalière globale, rendue nécessaire par la symbiose des territoires de vie de part et d'autre des Pyrénées.
Les membres de notre commission se sont rendus récemment à Madrid, à la rencontre de leurs homologues espagnols du Congreso de los Diputados. Voici la traduction de ce que disent nos collègues espagnols de plusieurs partis politiques : « Depuis janvier 2021, les autorités françaises ont bloqué à l'aide de blocs de béton divers passages frontaliers entre le territoire de l'État français et l'Espagne. En novembre 2021, le Gouvernement français a annoncé une prolongation de six mois de cette mesure. La fermeture des points de passage frontaliers, autre qu'un rétablissement des contrôles, est une violation du droit de l'Union européenne et cause des dommages aux citoyens. » Et voici en quels termes les députés espagnols ont interpellé leur propre gouvernement : « Pourquoi le Royaume d'Espagne autorise-t-il la République française à violer les droits des citoyens européens et ne l'exhorte-t-il pas à rouvrir les passages frontaliers dès que possible ? Le gouvernement [espagnol] considère-t-il comme la partie française que ces blocs de béton ont le minimum d'impact possible sur les populations et communautés de part et d'autre de la frontière ? »
La convention va dans le bon sens, mais comment ignorer à ce point, monsieur le rapporteur, la gêne quotidienne que créent ces blocs de béton pour des milliers d'Espagnols et de Français ? Comment croire à un futur traité franco-espagnol de coopération bilatérale si la réalité du terrain, celle que vivent les Français et les Espagnols sur place, et non dans des salons confortables à Paris et Madrid, est absente de vos considérations ? Vue de Toulouse, vue d'Occitanie, votre convention, c'est un peu Don Quichotte contre les moulins à vent en matière de rapprochement. Vous évoquez la consécration par cet accord des liens historiques et humains entre les deux pays ; vous osez même, dans votre rapport, un titre sur le rapprochement entre la France et l'Espagne que permettrait le texte. Savez-vous combien de kilomètres supplémentaires de trajet sont imposés chaque jour par ces blocs de béton ? Indépendamment de cette convention intéressante, peut-être devriez-vous venir dans les Pyrénées pour vous faire une idée de ce qui rapprocherait instantanément et véritablement Français et Espagnols ?
Le groupe Libertés et territoires votera la convention. Mais elle laisse dans l'impasse la réalité du quotidien de Français, d'Espagnols et de Franco-Espagnols.