Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. Son objectif est d'éviter que les efforts de décarbonation demandés à celles de nos entreprises qui relèvent de secteurs très émetteurs de gaz à effet de serre les désavantagent face à l'arrivée sur le marché européen de produits fabriqués dans des pays qui n'ont pas le même niveau d'exigence. Cela conduirait en effet à des fuites de carbone : soit à une augmentation du volume des produits issus de pays qui n'ont pas les mêmes exigences que nous, soit à la délocalisation de nos entreprises dans des pays où les exigences sont moins fortes. Ce serait perdant-perdant : perdant pour l'économie et l'emploi et perdant pour le climat. C'est pourquoi il a été décidé d'introduire un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, que la France soutient totalement. Il consiste, en fait, en un dispositif miroir de notre mécanisme de quotas d'émissions européen. Dans un premier temps, il concernera cinq secteurs : les ciments, le fer et l'acier, l'aluminium, l'électricité et les fertilisants. L'idée est d'avoir une période à blanc, de 2023 à 2025, puis une application de cette tarification à partir de 2026.
La proposition de la Commission européenne nous convient et nous devons travailler, au cours de la présidence française, à trouver un consensus entre les différents États membres, au niveau du Conseil. Le calendrier est assez serré : des groupes de travail se réuniront toutes les deux semaines jusqu'à la mi-mars, après quoi le projet passera devant le Conseil Écofin. L'objectif est d'aboutir à une proposition du Conseil au mois de mars, puis de lancer des trilogues. Certains sujets particulièrement sensibles restent en discussion : comment faire en sorte que ce mécanisme ne pénalise pas nos exportateurs ? Comment l'élargir à d'autres secteurs ? Si ce mécanisme augmente le coût d'approvisionnement de certaines filières en aval, quelles seront les conséquences pour elles ? Ces discussions sont en cours. Nous espérons trouver un accord le plus vite possible, en tout cas au cours de l'année 2022.
J'en viens à l'Union pour la Méditerranée et au partenariat euro-méditerranéen. EuroMed ne prévoit pas d'accords de libre-échange, mais des accords d'association avec les pays membres. Je pense notamment aux accords bilatéraux avec l'Algérie, le Maroc, la Tunisie. Nous discutons beaucoup avec ces voisins et partenaires. J'ai déjà évoqué le travail que nous menons en faveur de la colocalisation d'une partie de nos chaînes de valeur. Nous devons renforcer nos échanges et nos partenariats sectoriels et travailler à un renforcement de la coopération sur les normes et les règles dans le cadre de la convention paneuro-méditerranéenne sur les règles d'origine. Il s'agit d'adopter une approche pragmatique pour faire avancer nos partenariats avec les pays de la zone Euromed.
En ce qui concerne nos relations avec la Chine, la ratification de l'accord global sur les investissements entre l'Union européenne et la Chine (CAI) est suspendue depuis que celle-ci a pris des sanctions contre des parlementaires européens. Nous maintenons cependant nos exigences vis-à-vis de ce pays, tant en matière de respect des droits humains qu'en matière de commerce. Nous avons, avec la Chine, divers sujets de discussion – je pense à l'application de l'IPI, l'instrument de réciprocité dans l'accès aux marchés publics, et à la lutte contre les pratiques distorsives et coercitives –, sujets qui pourront être abordés lors du sommet de mars prochain. Le commissaire chargé du commerce, Vasilis Dombrovskis, doit notamment avoir, à cette occasion, un dialogue de haut niveau avec son homologue chinois.
Parmi les nombreux enjeux de nos relations avec l'Afrique, deux dominent : le changement climatique et l'avenir du continent. Les défis migratoires, sécuritaires, environnementaux, économiques et commerciaux sont immenses. C'est la raison pour laquelle le Président de la République a fait des relations entre l'Union européenne et l'Afrique l'une des priorités de la présidence française.
Sur le plan commercial, outre le soutien que nous apportons à l'instauration de la zone de libre-échange continentale, nous souhaitons moderniser les accords régionaux bilatéraux – des discussions sont en cours avec le Kenya afin qu'il prenne des engagements en matière de développement durable – ainsi que le système des préférences généralisées. C'est en accompagnant les pays qui en bénéficient dans la réalisation d'objectifs plus ambitieux en matière de développement durable que nous aurons avec eux des échanges plus résilients et plus responsables.
Nous souhaitons par ailleurs renforcer les partenariats gagnant-gagnant. Dans les domaines agricole et agroalimentaire, il faut favoriser la création de valeur en Afrique. Il serait préférable, par exemple, que les noix de cajou qui y sont cultivées y soient également transformées au lieu d'être envoyées pour cela en Asie. L'entreprise Cémoi, implantée en Côte d'Ivoire, mise ainsi sur la localisation de chaînes de valeur en Afrique. Non seulement ses investissements sont profitables car la filiale est dynamique, mais le cacao est produit et transformé en Afrique plutôt qu'en Chine et le travail des paysans est valorisé et mieux rémunéré.
Ce type de partenariats doit être renforcé et des moyens supplémentaires doivent être consacrés au financement de l'entrepreneuriat africain, notamment celui des femmes et des jeunes, ainsi que pour améliorer la formation. La jeunesse est l'une des grandes richesses de l'Afrique, il faut lui donner les moyens de se former. Tous ces sujets seront à l'ordre du jour du sommet entre l'Union européenne et l'Union africaine.
Quant au déficit de notre balance commerciale des biens, il tient en partie au fait que les entreprises françaises ont historiquement créé davantage de filiales à l'étranger que leurs homologues italiennes ou allemandes, et ce pour deux raisons. La première est une mauvaise raison, mais on peut la comprendre : notre pays n'étant pas compétitif, la délocalisation de leur outil de production était pour ces entreprises le seul moyen de survivre face à la concurrence mondiale. La seconde est une bonne raison : elles ont noué des partenariats avec des entreprises locales, soit pour s'assurer l'accès aux marchés, soit pour créer de la valeur localement, en particulier dans les pays en développement. C'est ce type de partenariats que nous cherchons à encourager.
Le déficit du commerce extérieur des biens est en partie compensé par le commerce des services et par les revenus des investissements, qui sont plus élevés en France que dans d'autres pays européens grâce aux implantations à l'étranger, en particulier des groupes du CAC40.
Le plan France 2030 prévoit des dispositifs destinés à soutenir particulièrement les investissements dans les PME et ETI, qui doivent capter une part plus importante que par le passé des financements dédiés à l'innovation. Étant implantées en France, elles exporteront sans doute davantage de produits innovants que les grands groupes. Le fort soutien qu'apporte France 2030 au tissu des PME, des ETI et des entreprises à croissance rapide témoigne de la prise de conscience par le Président de la République et le Gouvernement de la réalité qui a été très bien décrite tout à l'heure.