Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du mercredi 27 novembre 2019 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges :

Évidemment, je m'associe à ce qui a été dit par nos collègues sur la disparition de nos treize soldats. J'ai moi-même perdu un neveu dans cette affaire.

Nous pouvons analyser les problèmes actuels à la lumière de deux séries d'évènements très différents. D'abord, un évènement ancien, sur lequel je crois que nous devons jeter un coup de projecteur, qui est la démarche que nous avons faite en 2009 en regagnant l'OTAN. Nous devons nous interroger sur la façon dont nous avons géré cette affaire. Le président Sarkozy estimait qu'on pouvait voir l'OTAN de deux façons : comme l'organisation par laquelle les Américains exercent non seulement une protection, mais une tutelle sur les Européens – c'est un peu le réflexe spontané que nous avons en France – ou comme l'organisation dans laquelle les Américains sont confrontés à des gens qui ne sont pas des Américains, c'est-à-dire des Européens. Pour les Américains, l'OTAN est d'abord une affaire d'Européens. Le calcul qui était celui du président Sarkozy à l'époque, était de dire que nous devions jouer cette carte et développer l'européanisation de l'OTAN.

J'ai l'impression – ma question s'adresse sur ce point notamment au général Bentégeat, qui a suivi cela de très près, mais aussi à vous trois – que nous n'avons pas vraiment joué pleinement ce jeu, que nous avons toujours été hésitants entre ces deux approches, qu'au bout du compte, nous avons été moins impliqués dans l'OTAN plutôt après qu'avant, que nous avons répugné à jouer cette carte, comme avec le poste de commandant suprême allié Transformation (SACT) pour lequel nous avons eu du mal à trouver des candidats. J'ai l'impression que nous avons un peu boudé les instances dans lesquelles les Européens essayaient d'affirmer quelque chose d'un peu autonome – je ne dis pas du tout divergent par rapport aux États-Unis – ce qui se comprend. N'avons-nous pas été prisonniers d'une attitude « entre deux chaises », si je puis dire, où nous n'avons joué ni la carte hors OTAN, la vieille carte gaulliste, ni la carte de l'exploitation des possibilités européennes dans l'OTAN ?

La seconde approche est celle que nous avons abordée depuis le début, c'est-à-dire à la lumière de ce qui s'est passé et notamment de ce qui se passe aux États-Unis. M. Grand a dit – c'est très intéressant – qu'on ne pouvait plus parler aujourd'hui de désengagement. Il reste que le dispositif OTAN, par rapport à ce qu'il était il y a quelques années, est redimensionné à la baisse. Sommes-nous à la hauteur des menaces auxquelles nous sommes potentiellement confrontés, en Europe, en particulier, tant sur le plan quantitatif, sur le plan des troupes, des hommes, des unités, et surtout au niveau stratégique, notamment à la lumière de ce qui a été évoqué, les cybermenaces, etc. ?

La deuxième question a été posée par M. Maulny. Nous sommes en désaccord important avec les États-Unis sur trois enjeux : Israël, l'Iran, le climat. L'OTAN, vous avez raison de le rappeler, est une organisation technique, assez largement, une organisation de sécurité. Ce n'est pas une organisation – et les Français ne l'ont jamais voulue ainsi – de pilotage politique de l'Occident. Peut-être le général de Gaulle avait-il envisagé le directoire à trois en 1958, mais ce n'est pas cela. Pouvons-nous aujourd'hui penser la responsabilité sécuritaire de l'OTAN indépendamment de ces conflits, de ces contradictions politiques qui nous opposent aux États-Unis ? L'autre variante de la question – cela me rend un peu pessimiste – est que nous voulons absolument une organisation européenne, autonome, voire indépendante de l'OTAN. Or – je pose la question notamment à M. Grand – y a-t-il des gens en Europe qui partagent ce projet ? J'ai l'impression que nous sommes un peu une vox clamantis in deserto sur ce point et que nous ne rencontrons pas, parmi nos partenaires, des gens qui disent « vous avez raison, on peut se passer des Américains, on peut faire les choses autrement ».

Nous pourrions être à peu près cohérents dans notre recherche de protection vis-à-vis de la Russie mais nous sommes bien en peine de dégager une attitude commune sur le front sud vis-à-vis de l'islam, vis-à-vis de la Turquie ; nous sommes là dans un embarras complet. Comment, à la lumière de cela, pensez-vous aujourd'hui la fameuse distinction historique entre le en-zone et le hors-zone ? Où l'OTAN reste-t-elle fondamentalement compétente et irremplaçable, et où est-elle en réalité un peu disqualifiée par nos contradictions ?

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