Intervention de Clémentine Autain

Réunion du mercredi 27 novembre 2019 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClémentine Autain :

Depuis le début de cette séance, je trouve notre discussion d'une étrange sérénité par rapport aux enjeux géopolitiques actuels et aussi aux discussions qui existent réellement sur l'idée même de quitter l'OTAN pour la France, mais peut-être pour d'autres. Même Emmanuel Macron dans The Economist a prononcé cette phrase : « ce que nous sommes en train d'expérimenter, c'est la mort cérébrale de l'OTAN ». Pour ma part, je ne parlerai pas de mort cérébrale, mais il me semble qu'à l'occasion de ce 70e anniversaire de l'OTAN qui va être fêté au mois de décembre, le moins que l'on puisse dire est que l'OTAN est un cadre obsolète par rapport aux défis contemporains et que la France s'honorerait à quitter ce cadre, parce que l'OTAN a perdu son rôle de défense pour être de plus en plus offensive. Elle est devenue une sorte de machine de guerre et une organisation concurrente à l'Organisation des Nations unies (ONU). La position de notre groupe est connue. Vous savez que nous ne sommes pas d'accord avec la présence dans l'OTAN et avec son cadre. Nous pensons qu'il n'y a pas d'autre solution à l'échelle internationale que de se reposer sur les droits. Or la seule instance qui pour l'instant peut les faire valoir et devrait être renforcée est davantage l'ONU, avec une sortie de l'OTAN nécessaire.

Pour mémoire – puisque je dis que c'est une machine de guerre – en 2018, l'OTAN a conduit une opération en Norvège qui était l'une des plus grosses manœuvres militaires depuis la guerre froide. Nous avons eu l'Afghanistan, le Kosovo. Nous sommes bien devant une OTAN qui a pour activité majeure de faire la guerre.

Par ailleurs, et ce n'est pas anodin dans ces choix, l'OTAN est sous tutelle américaine et met la France sous tutelle américaine. L'objectif pour les Américains, nous le savons, est notamment de nous faire acheter du matériel militaire américain. Je pense en particulier à l'avion F-35. En plus, nous avons des rapports tout à fait déséquilibrés puisque – chacun a en tête l'affaire Snowden – nous voyons bien que le Pentagone est dans une logique d'espionnage parfois massif de l'armée française et en particulier, je pense au cas de notre armée maritime qui a été espionnée dans différents cas.

Enfin, dans l'autre sens, il est vrai que nous ne sommes pas informés de ce que décident de faire les États-Unis. Quelqu'un l'a dit tout à l'heure de façon très feutrée, mais quand Trump décide de retirer ses troupes en Syrie, je vous signale que nous l'apprenons par un tweet ; et il faut voir quel tweet : « J'espère qu'ils se débrouilleront tous. Nous sommes à 11 000 kilomètres », un niveau de provocation rarement égalé. Le président américain devient même une menace pour la paix dans le monde ; il faut en prendre tout à fait conscience.

Non seulement il y a cet allié américain menaçant, mais nous avons un autre allié qui s'appelle la Turquie, qui lui aussi, par rapport à un enjeu planétaire majeur qu'est la lutte contre le djihadisme, ne nous apparaît pas tout à fait comme un allié intéressant. Je le dis de façon mesurée, mais quand la Turquie pourchasse nos alliés kurdes qui ont combattu sur le terrain contre Daech et qu'elle demande à l'OTAN de classer le parti kurde PYD comme un parti terroriste, nous avons un problème. La Turquie le fait avec la bienveillance de Washington, qui s'en accommode parce qu'en contrepartie, Washington demande de surveiller les frontières maritimes de la Russie. On sait bien que la Turquie compte sur les États-Unis pour son armée puisqu'elle commande à 60 % du matériel américain. Nous sommes bien sous tutelle.

Il me semble que la question dont nous devrions débattre dans ce moment et au Parlement, c'est de la pertinence aujourd'hui de rester dans ce cadre de l'OTAN. Nous le disions depuis longtemps que ce n'était pas le bon cadre, mais j'estime que la période toute récente invite cette question comme une urgence si nous voulons retrouver de la souveraineté. Il faut que nous prenions un peu au sérieux cette question et que nous n'en débattions pas de façon feutrée comme si nous étions dans un moment calme, comme si nous en débattions comme il y a dix ans, vingt ans ou au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Les équilibres du monde ne sont pas les mêmes et donc il y a des mesures à prendre pour la France de façon assez urgente, me semble-t-il.

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