Il y a 70 ans, l'OTAN était créée. Aujourd'hui, face à une modification brutale du contexte sécuritaire international ainsi qu'à des tensions internes qui génèrent des inquiétudes sur sa capacité à continuer à remplir sa mission stratégique, il est légitime de s'interroger. L'OTAN est traversée par une crise interne majeure, frappée par la perte d'une vision stratégique commune. Chacun se souvient des dissensions qui avaient émaillé le sommet de Bruxelles de 2018 lorsque le président américain avait vilipendé ses alliés jugés incapables de fournir des efforts estimés nécessaires pour assurer leur propre sécurité, ce qui, soit dit en passant, n'est pas tout à fait faux. Le positionnement individuel, voire individualiste, de certains pays prennent également le pas sur l'intérêt commun ; certains pays allant même jusqu'à mener des actions aux conséquences potentielles pour toute l'Alliance, sans information ni coordination préalable, chacun regardant avec inquiétude les actions, notamment de la turbulente Turquie, comme l'a présenté tout à l'heure le général Bentégeat.
Deuxièmement, cette crise stratégique s'inscrit au sein même de l'OTAN alors que cette dernière est précisément le résultat de l'intégration aux côtés des premiers pays membres de ceux de l'ancien pacte de Varsovie. Souvenez-vous de cette phrase, que nous utilisons beaucoup à l'occasion des mariages, de Saint-Exupéry : « l'important n'est pas de se regarder l'un l'autre, mais de regarder ensemble dans la même direction ». On ne peut que constater qu'aujourd'hui, la direction diffère. En 2019, l'Alliance reste régie par le concept stratégique de 2010 qui était caractérisé par un « engagement actif, défense moderne » et qui fonde la posture fondamentale de l'OTAN c'est-à-dire une posture à 360 degrés. Certes l'Alliance a su évoluer au cours de la dernière décennie, mais ces ajustements n'emportent pas le même effet structurel que l'adoption d'un nouveau concept stratégique dans un environnement en permanente mutation.
S'il importe de réécrire un concept stratégique commun, ce concept ne pourrait-il pas se développer de la manière suivante : pour ce qu'il est convenu d'appeler les concepts à basse intensité, je reprendrai le concept que nous avons connu en Yougoslavie, où nous avons été obligés de demander à l'OTAN d'intervenir, notamment avec son aviation. Ce type de concept pourrait être réglé par une armée européenne, en tout cas, une défense commune européenne plutôt ; je ne crois pas à une armée européenne. D'autre part, les conflits de haute intensité pourraient être pris en compte par l'OTAN. En quelque sorte, il y aurait un partage de la tâche ou du fardeau, suivant que l'on veuille prendre une expression ou une autre. J'attends vos éclaircissements là-dessus.