Je reviendrai aux déclarations sur la guerre du Péloponnèse. Je crois que nous assistons au retour de la Russie. Il me semble que l'espionnage est le cadre normal d'une puissance actuelle. La France a très certainement intérêt aussi à aller voir ce qu'il se passe chez un certain nombre de voisins et le fait très bien. La Russie manifestement aussi. Nous oublions de dire qu'il n'y a pas si longtemps, les États-Unis ont espionné trois présidents de la République française : Chirac, Sarkozy et Hollande. Nous voyons bien qu'il s'agit d'un réflexe de puissance, qu'il faut y prêter une attention particulière et qu'il faut surveiller cela de près, mais ce n'est pas plus extraordinaire que la National Security Agency (NSA) ou que ce que l'on peut voir d'un certain nombre d'autres moyens.
Ma deuxième remarque portera sur notre manière de réagir aux comportements agressifs de la Russie. Je suis toujours stupéfait de voir que l'attitude de la France est systématiquement de parler avec des termes très durs, notamment des États-Unis d'Amérique lorsque c'est Trump, mais pas lorsque c'est Obama, ou de la Russie avec Poutine. Je ne suis pas persuadé que nous ayons comme alliés économiques, des puissances qui ne sont pas dans la même situation que la Russie en matière d'atteinte aux droits de l'Homme. La Chine n'est-elle pas plus répréhensible en matière de droits de l'Homme que ne l'est la Russie ? Il n'y a qu'à voir ce qu'il se passe à Hong-Kong aujourd'hui. Pourtant, personne ne dit rien, parce que la vérité est économique et nous nous taisons devant la politique et les intérêts qui devraient être ceux de la France.
Nous nous taisons sur la Chine, comme sur l'Afrique. Pourquoi la Russie avance-t-elle en Afrique ? Parce que la France recule en Afrique. La Russie est en train de s'installer dans un pays comme la Centrafrique par l'intermédiaire de sociétés privées ou de son armée, parce que la France n'a plus les moyens, n'a pas la volonté de s'y réinstaller durablement ou d'éviter un certain nombre de débordements sur ce continent africain.
Même remarque sur les dictateurs que nous soutenons. Il y a quinze jours, nous avons signé un traité d'amitié ou de soutien franco-congolais, après le déplacement de 15 000 personnes dans le Pool, des atteintes aux droits de l'homme, etc. Nous voyons bien que la France lorsqu'elle le veut, elle le fait.
Nous voyons bien qu'avec la Russie, il y a un problème diplomatique mondial. Elle le fait au détriment de la France. Lorsque nos agriculteurs perdent un milliard d'euros de « négoce » avec la Russie, c'est bien parce que nous décrétons qu'il existe un blocus économique avec la Russie. Cependant, cela n'empêche rien. En effet, les gens qui ne font pas de négoces en direct passent par d'autres pays, comme le Brésil, le Maroc, l'Égypte. Nous contournons des barrières que nous nous sommes imposées, alors que nous pourrions être critiques sur la politique russe, même dénoncer un certain nombre de faits, mais avoir une « realpolitik » et continuer à entretenir des relations au moins économiques avec la Russie. Cela nous permettrait de défendre notre industrie, notre agriculture et notre économie.
Enfin, la Russie petit à petit a profité. Vous avez parlé de la Syrie, mais aujourd'hui, tout le monde s'accorde à dire qu'heureusement que la Russie est intervenue en Syrie pour mettre fin à Daech. Nous pouvons aussi parler des relations avec l'Iran. Alors que l'Iran est l'ennemie mortelle d'Israël, cela n'empêche pas la Russie d'avoir des relations privilégiées avec l'Iran. Cela n'empêche pas non plus Benyamin Netanyahou d'aller à la fête de la Libération, le 9 mai, à Moscou pour discuter avec Vladimir Poutine. Nous devions regarder cela avec froideur. Dans sa politique, la Russie a très certainement des arrière-pensées, mais j'aimerais que la politique de la France défende d'abord les intérêts de la France, ceux de l'Europe et qu'ensuite elle regarde ce qui se passe, sinon la France et son économie en seront pénalisées.