Intervention de Antoine Bondaz

Réunion du mercredi 11 décembre 2019 à 9h35
Commission de la défense nationale et des forces armées

Antoine Bondaz :

Sur la dimension européenne, le papier de la commission est clair. Il parle de partenaire de coopération, de partenaire de négociation, de compétiteur économique et de rival systémique. Ce n'est donc pas un changement radical de la position européenne, qui considérerait la Chine uniquement comme un rival systémique. La Chine – cela a été mis en avant par le président de la République – est un partenaire indispensable sur la question du réchauffement climatique. Elle est la première émettrice – de loin – de gaz à effet de serre avec plus de 33 % des émissions annuelles. Elle est une partenaire indispensable sur les questions de biodiversité. Cette année, deux conférences importantes auront lieu, une à Marseille et une à Kunming, en Chine.

La loi sur le renseignement, et plus largement la loi sur la cybersécurité de 2017, impose notamment que les données soient hébergées en Chine, par exemple que les clouds soient en Chine physiquement. Se posent donc des questions sur la compromission de certaines applications chinoises. Certains d'entre vous, ou peut-être vos enfants, utilisent TikTok, qui est une application chinoise extrêmement populaire. L'armée américaine, et l'armée australienne auparavant, ont demandé à leurs membres d'arrêter d'utiliser ces applications.

Nous parlions d'exportation du modèle chinois. Il ne s'agit pas de l'exportation d'un modèle chinois qui repose sur un parti communiste de 90 millions de membres et une histoire propre à la Chine, mais plutôt de l'exportation de moyens de contrôle des populations et de moyens de mise en œuvre de systèmes autoritaires. C'est fondamental, que ce soit dans les pays d'Asie centrale, en Afrique ou au Moyen-Orient. Taïwan apparaît aujourd'hui comme la seule société chinoise parfaitement démocratique et comme un îlot de démocratie dans la région. Cette question sera au cœur de l'actualité au mois de janvier avec l'élection présidentielle.

Sur la question des réactions à l'émergence de la Chine dans la région, pouvons-nous parler de course à l'armement ? Je ne pense pas, puisque la part des dépenses militaires des principaux pays de la région en termes de PIB n'a pas évolué ces vingt dernières années. « L'augmentation » de ces dépenses militaires tient avant tout à leur développement économique. C'est ce formidable développement économique de l'Asie qui pousse aujourd'hui ces pays à accroître leurs dépenses militaires, mais qui restent en réalité limitées. Ce n'est pas forcément rassurant, puisque cela indique justement qu'il y a des marges de progression forte, notamment en Chine, pour augmenter les budgets militaires.

Sur la question économique en Europe, les investissements économiques de la Chine en Europe sont en train de s'effondrer. Ils sont passés de 37 milliards en 2016 à 17 milliards en 2018 pour de nombreuses raisons. On met souvent en avant le nouveau mécanisme de « screening », de surveillance des investissements étrangers en Europe. Ce n'est pas la raison principale. Il a été adoptés bien tardivement. Ce sont avant tout de nouvelles régulations en Chine de limitation de fuite des capitaux qui expliquent cette baisse des investissements.

Sur les effectifs à l'horizon 2050, en réalité, l'armée chinoise est bien moins dotée aujourd'hui en termes d'effectifs qu'il y a trente ans. Ce à quoi nous assistons n'est pas un accroissement des effectifs, mais une réduction des effectifs. L'idée est de faire en sorte que l'armée soit non seulement mieux financée, mais que ce financement soit plus efficace, non seulement que les militaires soient mieux formés, mais que les équipements se développent. La part des équipements dans le budget militaire chinois ne cesse d'augmenter.

La zone indo-pacifique est le concept relativement mis en avant, vous l'avez sûrement vu, dans la stratégie de sécurité française en indo-pacifique qui avait été publiée fin mai, avant la visite de la ministre, Mme Florence Parly, à Singapour pour le Shangri-La. Cette question de sécurité maritime est fondamentale. Elle permet à la France de se légitimer. Il y a plus de 1,6 million de Français qui vivent dans des territoires français dans la région et des centaines de milliers de ressortissants à l'étranger. C'est aussi un moteur important de coopération avec l'Inde, l'Australie, le Japon, l'Indonésie ou encore avec Singapour. Il est très important pour la France de continuer ces coopérations pour étudier ce que peut faire la Chine dans la région.

Au sujet de l'intégration civilo-militaire : la France est-elle préparée ? Un des acteurs majeurs en France sera le secrétariat général pour la défense et la sécurité nationale (SGDSN). La question chinoise n'a pas été la priorité de ces dernières années au sein du secrétariat général. La Chine doit devenir la priorité du SGDSN le plus rapidement possible afin de faire face à cette intégration civilo-militaire, non seulement très rapide, mais aussi à celle des capacités chinoises. Plus largement, la question des coopérations techniques, industrielles et scientifiques avec la Chine est de plus en plus importante.

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