Intervention de Olivier Maigne

Réunion du mardi 11 février 2020 à 17h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

Olivier Maigne, contrôleur général des armées :

Je vais compléter avec quelques éléments plus terre à terre, en lien avec à la fois le treizième rapport thématique et la Revue annuelle qui l'accompagnait à la fin de l'automne. Sur la question de l'ampleur des départs dans la période probatoire, c'est-à-dire pendant les six premiers mois des jeunes militaires, essentiellement chez les jeunes militaires du rang, le Haut Comité rend compte de l'importance de ces taux qui sont en progression depuis 2015. Ils peuvent atteindre dans certaines forces armées près de 30 %. Je pense que la première explication est qu'entrer dans la vie militaire, c'est un choc ! La vie quotidienne dans une unité opérationnelle des forces armées est un choc par rapport au confort relatif d'un lycéen ou d'un tout jeune étudiant. Il y a une sorte de rugosité à rentrer dans la vie militaire et cela peut, au tout début d'une carrière militaire, conduire à des départs un peu précipités.

Ensuite, si on regarde sur le long terme, on se rend compte que ces départs précoces ont toujours existé. Le Haut Comité s'était beaucoup intéressé à un certain nombre de comptes rendus inquiétant des unités parachutistes des années 70, dans lesquels les chefs de corps se plaignaient du taux extrêmement important de dénonciation de contrat dans les six premiers mois, qui étaient de 33 à 37 %. Il y a donc aussi une continuité.

Le Haut Comité a également observé que, en fonction des pratiques mises en œuvre dans telle ou telle unité, des éléments permettent parfois de contenir ce taux. En adaptant ses pratiques et en créant une phase de découverte de la vie en caserne avant l'incorporation, la brigade des sapeurs-pompiers de Paris a, par exemple, réussi en quelques années à diminuer le taux de rupture dans la période probatoire d'un taux qui était supérieur à 22 % à un taux un petit peu supérieur à 15 %. Tout dépend de la façon dont vit chaque unité, dont chaque militaire intégrant les armées est accompagné. C'est un travail de tous les jours, qui va dépendre beaucoup du positionnement de chacun des militaires impliqués dans le système de formation.

Sur la partie fidélisation que plusieurs d'entre vous ont abordée, le Haut Comité fait depuis plusieurs années le constat que la fidélisation se fragilise lorsque le militaire a entre 30 et 40 ans, lorsqu'il accède à une vie de famille. La plupart du temps, le militaire a vécu des années qui l'ont intéressé en tout début de carrière. Il n'est pas rare de rencontrer des militaires du rang qui, après cinq ans, quittent ravis les forces armées en disant : « Pendant cinq ans, j'ai vu des opérations intérieures, des opérations extérieures. J'ai vécu l'aventure que je souhaitais vivre en rejoignant les forces armées. Je l'ai vécue et maintenant je passe à autre chose, je suis content. » Pourquoi ? Parce que les modalités de vie quotidienne d'un militaire s'accompagnent de beaucoup de sujétions, de beaucoup de contraintes qui pèsent sur le militaire lui-même, mais aussi sur sa famille.

C'est la raison pour laquelle le Haut Comité a toujours beaucoup accompagné cette affirmation d'une politique déterminée en direction des familles pour précisément aider les familles à ne pas subir les contraintes de l'état militaire. Ces contraintes sont réelles sur les conjoints. Aujourd'hui, le taux de conjoints actifs est celui de la société civile, mais le taux de contrat à durée déterminée est supérieur de 8 points à la moyenne nationale dans les tranches d'âge concernées. Le taux de travail à temps partiel est de 9 points supérieur à la moyenne, le chômage est légèrement supérieur alors que le profil socio-économique des conjoints est similaire à celui des personnes de la même tranche d'âge. Tout cela a des répercussions financières : le revenu individuel moyen des conjoints de militaire est inférieur de 30 % à ceux que l'on peut observer parmi les conjoints de fonctionnaires de catégorie A ou B. Ce sont les réalités de l'état militaire. L'ampleur des absences, l'ampleur des mobilités géographiques perturbent les parcours professionnels de ces conjoints. Un jeune couple qui a entre 30 et 40 ans, qui commence à s'installer, qui commence à avoir des enfants, peut vivre difficilement cette situation. Le Haut Comité a toujours insisté sur cette difficulté pour inviter à accompagner ces situations de façon à ne pas fragiliser la fidélisation de cette tranche des 30 - 40 ans qui forment l'ossature du commandement intermédiaire, de l'expertise technique dans un certain nombre d'unités ou de centres d'expertise.

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