Je ferai part de vos remerciements et de vos félicitations aux armées.
Madame Mirallès, il est encore trop tôt pour évaluer le retard des livraisons d'équipements neufs mais celui-ci est inéluctable. Nous essaierons, autant que possible, de le rattraper tant il nous pénalise.
Nous sommes particulièrement attentifs à ce que la dette organique ne se creuse pas dans les domaines du maintien en condition opérationnelle, des munitions et de l'infrastructure. Si, faute d'une relance rapide de l'activité industrielle, la situation perdure, nous rencontrerons des difficultés d'ici à la rentrée de septembre et nous devrons alors adapter nos postures opérationnelles.
La dette organique est également très sensible en matière de recrutement et de formation de nos effectifs. Nous devons être attentifs à un redémarrage le plus rapide possible, en particulier pour l'armée de Terre. Toutes nos écoles de formations ont été arrêtées au début de la crise ; toutefois, plusieurs formations ont d'ores et déjà repris, en particulier dans les domaines sensibles comme la formation des atomiciens ou celle des plongeurs d'armes, pour lesquelles nous ne pouvons pas nous permettre de retards.
Monsieur de La Verpillière, Monsieur Chassaigne, notre système de santé a été profondément transformé lors de la professionnalisation des armées. Nos moyens ont été considérablement réduits et nous avons tout concentré sur nos capacités d'armées d'emploi et de projection. Le système de santé des armées a lui aussi été profondément modifié depuis la professionnalisation et il lui est aujourd'hui demandé de se montrer très efficace dans la médicalisation de l'avant, au détriment de la capacité de faire face à une crise de grande ampleur. Ainsi le nombre d'hôpitaux d'instruction des armées a été réduit et nous ne pouvons faire ce que nous imaginions être capables de faire lors de la Guerre froide. Aujourd'hui, nous devons réfléchir à la création d'une structure médicale modulable plus importante.
Monsieur de La Verpillière, la résorption de la dette organique devra être pensée avant l'actualisation de la loi de programmation militaire, dès la sortie de crise. Il n'y a aucune raison de réviser à la baisse nos ambitions de consolidation de notre modèle d'armée complet. La crise que nous vivons et la dégradation des relations internationales qui en résultera militent pour le maintien de l'effort que nous avons envisagé. Je compte sur l'ensemble des députés pour faire valoir que nos besoins, en valeur absolue, restent les mêmes.
Monsieur Lainé, je ne suis pas à même de vous dire quelle est la situation sanitaire dans la bande sahélo-saharienne car nos forces sont engagées dans des zones où elles ont peu de contact avec la population des grandes villes. J'ignore également l'impact exact de cette crise sur la population africaine, sinon que celle-ci est extrêmement jeune et que son rapport à la mort est très différent de chez nous. Cette population est exposée par ailleurs à un très grand nombre d'autres pathologies très graves et récurrentes comme le paludisme, qui provoquent sans doute – dans l'indifférence générale – plus de morts que le COVID 19.
En ce qui concerne l'impact sur nos propres forces, moins d'une cinquantaine d'entre eux a été contaminée par le Covid-19 depuis le début de la crise. À ce stade, les conséquences opérationnelles sont donc quasi inexistantes pour l'opération Barkhane. Nous veillons à rester le plus rigoureux possible dans la gestion des différents cas, qu'ils soient possibles ou confirmés.
La question de la quatorzaine se pose pour toutes les missions, à l'aller et au retour. Elle est quasi-systématique avant, à des degrés d'intensité divers selon la sensibilité des missions : quatorzaine simple et quatorzaine avec tests, en amont, voire en amont et en aval. Nous gardons des tests pour les hommes engagés dans les missions les plus sensibles ou celles qui ont lieu loin d'infrastructures sanitaires. Au retour, les quatorzaines sont conformes au mode général de confinement de la population, le cas du Charles de Gaulle étant particulier. Nous verrons comment faire évoluer notre doctrine.
En tout état de cause, nous sommes attentifs aux exigences des pays dans lesquels nous envoyons nos hommes.
La mise en quatorzaine peut provoquer un décalage de la durée des missions, comme ce fut le cas pour la relève du poste de commandement interarmées de théâtre au Tchad.
Avant leur départ, nous avons également placé en quatorzaine les unités envoyées en renfort outre-mer.
Je reste attentif à ce que nous puissions autant que possible effectuer les relèves dans les délais prévus pour ne pas peser sur la capacité opérationnelle des hommes ni sur le moral de leur famille.
Monsieur Pueyo, nous avons pu faire basculer 1 500 hommes de l'opération Sentinelle vers l'opération Résilience en raison de la baisse de l'activité publique en France. Lors du déconfinement progressif, l'opération Résilience se poursuivra sans doute et nous verrons comment faire remonter en puissance Sentinelle.
Nous ferons également un retour d'expérience sur l'organisation actuelle afin de tirer profit de notre répartition territoriale, chaque zone étant capable d'engager des personnels dans un préavis très court au service des autorités civiles locales. Fort des enseignements de Résilience, peut-être pourrons-nous alors diminuer les effectifs permanents de Sentinelle tout en garantissant la même réactivité.
Sur les théâtres d'opérations extérieures, nos ennemis se saisissent déjà de certaines opportunités. Au Levant, nous constatons une remontée en puissance de Daech, avec une relance de leurs activités dans la moyenne vallée de l'Euphrate et dans la région de la Badiya, en Syrie, et dans la région de Kirkouk en Irak. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas baissé la garde. Dans la zone sahélienne, comme nous y concentrons nos efforts, l'État islamique au grand Sahara (EIGS) n'a pas relevé la tête. Cette organisation pratique toujours une stratégie d'évitement face aux nombreux coups que nous lui portons et à la remontée en puissance des forces partenaires maliennes ou nigériennes.
Nous sommes également attentifs à la situation dans le nord du Burkina Faso et aux saisies d'opportunités que pourraient entraîner les tensions qui se développent entre les mouvements RVIM et EIGS.
Monsieur Becht, je suis très touché par vos propos, que je transmettrai à l'ensemble de mes troupes. Malgré la désorganisation progressive des armées en raison de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) et d'une trop grande civilianisation, nous avons su préserver la culture de la planification et de la gestion du risque – qui serait utile à d'autres administrations de l'État – mais aussi grâce à une organisation à la fois très centralisée et déconcentrée.
Monsieur Favennec Becot, le stock de masques des armées, que nous continuerons à entretenir, permet de faire face à plus d'une dizaine de semaines d'activité. Nous devrons être attentifs à établir la doctrine d'emploi des masques « grand public » et à constituer des stocks, mais je n'ai pas d'inquiétude particulière.
Aucune consommation ou réquisition des stocks par les administrations civiles n'a eu lieu.