Intervention de Joël Barre

Réunion du mercredi 29 avril 2020 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Joël Barre, délégué général pour l'armement :

Je vous remercie de m'avoir invité à faire un point de situation de l'activité armement dans cette crise inédite que notre pays rencontre depuis déjà plusieurs semaines. Notre pays, pas uniquement, car c'est le monde entier qui y fait face. Je vous propose de faire une petite introduction sur comment nous avons assuré du mieux possible la continuité de nos opérations d'armement, comment nous voyons la situation et l'impact de cette crise sur la base industrielle et technologique de Défense, quelles sont les mesures que nous avons prises pour tenter d'y remédier et quelle est la contribution que nous avons apportée pour contribuer à la lutte directe contre la pandémie à travers nos activités, en particulier dans notre centre de Vert‑le‑Petit.

Concernant l'impact de cette crise sur les opérations d'armement, nous avons dès le début de la crise, à la mi-mars, décidé de mettre en place un plan de continuité d'activité. Ce plan a été défini conjointement avec l'État-major des armées. Nous avons essayé de déterminer quelles étaient les activités d'armement essentielles à poursuivre malgré la crise. Nous avons donné la priorité aux activités relatives à la dissuasion, aux opérations extérieures et intérieures, aux opérations relatives à la posture permanente de sûreté (aéronautique ou maritime) et aux actions en soutien du maintien en condition opérationnelle afin que nos armées puissent poursuivre l'ensemble de leurs activités. En parallèle, l'ensemble des opérations d'armement a fait l'objet d'un suivi régulier, mis à jour en temps réel et partagé avec l'État-major des armées et les États-majors d'armée.

À la date d'aujourd'hui, le premier bilan des opérations d'armement est le suivant : à fin avril, 80 % des jalons présentent un décalage calendaire de l'ordre de 1 à 2 mois selon les opérations et je vous dirai plus loin comment nous essaierons de rattraper cette situation. Ce décalage est dû au fait que notre industrie travaille dans une situation dégradée. L'industrie est à un niveau d'activité que j'évaluerais de l'ordre de 75 %, tout comme nous d'ailleurs à la DGA. Ce niveau est réparti à 30 % de présence de personnels sur les sites, moyenne à peu près homogène et 45 % de télétravail, possible pour les bureaux d'études, à condition que les données échangées ne soient pas protégées. C'est la situation actuelle. Les industriels progressent significativement même si la montée en puissance est progressive, et nous parlerons tout à l'heure du plan de remontée de cette activité à partir du 11 mai. Aujourd'hui, l'industrie annonce un retour d'activité de l'ordre de 100 % entre mai et fin juillet, selon les industriels et les domaines concernés.

Pour les soutenir, la DGA a pris un certain nombre de mesures de natures diverses : la première concerne la sauvegarde de la trésorerie de nos industriels : nous avons pris des mesures d'accélération de paiement de factures et de simplification de la liquidation. Auparavant, nous payions à l'échéance contractuelle maximale de 30 jours, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Nous avons également mis en place une démarche de sursis de livraison – prolongation de délais – pour tenir compte de la situation dégradée. Tout ceci de manière parfaitement formalisée avec les industriels.

Nous avons également mis en place un service de soutien à l'ensemble de nos PME‑ETI, qui sont très importantes dans le domaine de l'armement, qu'elles soient sous‑traitantes de nos maîtres d'œuvre ou parmi nos fournisseurs directs. Pour cela, nous avons d'abord ouvert un site d'appui aux PME de la DGA, site sur lequel les entreprises peuvent déposer des demandes liées à leur situation. Nous avons déjà eu plusieurs dizaines de demandes sur ce site et chaque fois, nous essayons d'apporter la réponse la plus complète et la plus rapide possible. La DGA met également en place un dispositif de suivi rapproché des PME-ETI sur l'ensemble du territoire national, en faisant appel aux ressources de la DGA qui sont déjà présents dans nos différentes régions. Ce dispositif s'articule autour de visites d'entreprises sur le terrain, du moins pour les plus critiques d'entre elles, afin d'identifier les problèmes auxquels elles se heurtent. De ce constat, il sera possible d'identifier des solutions supplémentaires pour les aider à franchir cette étape difficile. Ce dispositif de suivi rapproché des petites et moyennes entreprises et des ETI en région sera opérationnel dès la semaine prochaine.

En ce qui concerne les exportations, Madame la présidente, vous l'avez rappelé tout à l'heure, nous avons apporté notre soutien à l'ensemble de nos industriels qui ont invoqué la clause de force majeure, qui est prévue dans les contrats vis-à-vis de leurs clients. La DGA a envoyé 120 courriers pour soutenir cette démarche vers l'ensemble des pays clients de ces fournitures industrielles et avec qui nous avons des relations directes. Nous sommes en contact avec ces pays et à ce jour, nous n'avons pas identifié de réaction négative. Ils sont également touchés et comprennent parfaitement la difficulté de la situation.

En ce qui concerne la DGA, Madame la présidente, que vous avez évoquée dans votre propos introductif, la situation sanitaire est relativement bonne comparativement à d'autres. Nous avons aujourd'hui de l'ordre d'une quarantaine de cas probables ou confirmés, sur les 10 000 personnes de notre maison. Nous avons 1 cas hospitalisé sérieux dont le pronostic vital n'est plus engagé et à peu près 150 guérisons. La DGA veille à ce que l'ensemble des salariés (10 % sur site, 65 % en télétravail et donc le reste 25 % en autorisation d'absence ou en absence « normale » - congés, maladie ou autre) ne soient pas coupés de leur hiérarchie. Nous avons doté l'ensemble de nos télétravailleurs des outils nécessaires pour la poursuite de leur activité, dans un mode non protégé ce qui est certes un handicap mais permet de maintenir le contact avec eux de manière aussi rapprochée que possible. Et puis, il leur est possible de revenir sur site pour prendre connaissance des informations classifiées.

Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, voilà l'état de la situation actuelle. Désormais, nous travaillons au plan de remontée progressive de notre activité, c'est‑à-dire la déclinaison de la stratégie de déconfinement que le Premier ministre a explicitée hier devant l'Assemblée nationale. Cette stratégie sera déclinée en plan de remontée de l'activité du ministère des Armées et en plan de remontée de l'activité de notre maison DGA. Ceci doit être fait d'ici la fin de la semaine pour que nous puissions engager les concertations internes et les démarches nécessaires en étroite relation avec les organisations syndicales, dans le cadre du dialogue social. Dispositif de dialogue social qui est resté actif pendant la période de crise, j'ai moi-même fait 3 réunions successives avec l'ensemble de nos organisations syndicales au niveau de la DGA.

Dans ce plan de remontée progressive d'activité, seront prévues des dispositions de rattrapage des retards que j'ai évoqués précédemment. Il s'agit de rattraper la « dette » qui s'est accumulée ; j'évoquais tout à l'heure 1 à 2 mois suivant les opérations. Ce plan de rattrapage doit être défini avec précision et conjointement avec les industriels. Nous avons pour objectif d'y aboutir dans les 15 jours qui viennent, avec l'objectif de rattraper d'ici fin 2021 les retards pris en 2020 sur les livraisons prévues par la Loi de Programmation Militaire du fait de la crise.

La crise ne nous a cependant pas interdit de franchir certains jalons depuis mars : nous avons livré à la marine nationale un 3ème ATL2 rénové, à l'armée de l'air le 17ème A400M, le 3ème MRTT, et pour l'armée de terre, des véhicules de l'avant blindé avec protection contre IED qui étaient urgemment attendus, la protection contre les engins explosifs improvisés étant vitale pour nos troupes en particulier en BSS. Vous savez également que le Suffren est désormais en train de préparer ses essais à la mer. La DGA a donc mené à bien la préparation de ces essais et, pas plus tard qu'hier, démarré les essais en vol sur notre site de Bourges, des expérimentations du drone SMDR, le Système de Mini-Drones de Renseignement prévu pour équiper l'armée de terre. Voilà quelques exemples qui montrent que, malgré la crise, nous avons réussi à maintenir certaines activités.

Je terminerai ce propos introductif en vous parlant de notre contribution à la lutte contre la pandémie.

Tout d'abord sur les masques, grâce à l'action de notre centre d'expertise et d'essais de Vert-le-Petit, spécialisé dans la lutte contre les menaces NRBC, Nucléaires Radiologiques Biologiques et Chimiques. La DGA a mis ses moyens à disposition des pouvoirs publics pour développer et expérimenter ce qui s'appelle désormais les « masques grand public », que nous appelons les masques à usage non sanitaire. Nous avons procédé à un grand nombre de tests d'échantillons envoyés par les entreprises, afin de les trier en fonction de leurs performances de filtration et de respirabilité. Nous avons d'ores et déjà fourni plus de 1 000 rapports aux industriels qui ont sollicité note expertise.

En parallèle, l'agence de l'innovation de défense de la DGA a publié un appel à projets de solutions innovantes permettant de faire face à cette crise du coronavirus. L'appel à projets a été lancé fin mars et clos le 12 avril. Plus de 2 500 projets ont été soumis. Nous avons déjà sélectionné une vingtaine de projets. Je pense que nous irons jusqu'à une trentaine, quarantaine de projets, auxquels nous consacrons une enveloppe de 10 millions d'euros. 15 projets sont déjà en cours, qui portent aussi bien sur les tests de dépistage, que sur des projets de respirateur à bas coût ou encore des dispositifs de protection des personnels soignants. C'est une opération qui s'avère particulièrement utile pour faire face à la crise

Enfin troisième volet que je voulais évoquer sur les activités DGA face à la pandémie, ce sont tous les actes techniques qu'il a fallu faire pour médicaliser en urgence les moyens aériens de nos armées, qu'il s'agisse d'avions ou d'hélicoptères, lesquels ont été utilisés pour transporter les malades des zones saturées vers les zones disposant de ressources hospitalières disponibles.

Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, voilà ce que je voulais dire dans le propos introductif et, après vous avoir affirmé que la DGA reste pleinement mobilisée pour faire face à cette crise et à la remontée progressive d‘activité, je vous propose d'essayer de répondre à vos questions.

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