Une directive sanitaire pour les opérations a été élaborée spécifiquement afin de prendre en compte, dans le contexte COVID, les soldats, aviateurs et marins, depuis leur départ en opérations, jusqu'à leur retour en métropole. De nombreux aviateurs s'apprêtent à rejoindre les différents théâtres d'opérations extérieures. Avant leur départ, le service de santé des armées évalue leur état de santé. Ils sont placés en quatorzaine avant projection. De plus, les dispositions sont prises à bord des avions de l'armée de l'air afin de limiter au maximum les risques de contamination, en route ou au retour des théâtres d'opérations. De retour en France, des tests médicaux sont réalisés. Toute personne testée positive est placée en quatorzaine sur une base aérienne ou bien à son domicile, si les conditions sont remplies pour ne pas mettre en danger son environnement familial.
La dette organique, inévitablement causée par la crise sanitaire, touche tous les domaines : chasse, transport, hélicoptères, drones et structures de commandement et contrôle. L'effort consenti pour garantir les missions permanentes (police du ciel, dissuasion), ainsi que l'activité en opérations extérieures, a globalement permis de maintenir le niveau médian des équipages, mais a creusé un déficit dans des domaines pointus d'expertise ou dans la formation des plus jeunes. Les exercices interalliés de haut niveau ont ainsi été annulés pour une bonne partie de l'année 2020.
S'agissant du maintien en condition opérationnel des aéronefs, la dette « technique » de niveau industriel (approvisionnements logistiques, chantiers de maintenance) aura des conséquences sur la disponibilité des flottes. Pour autant, le niveau de soutien opérationnel (NSO) a permis d'« encaisser le choc » des premiers temps de confinement, grâce à la capacité d'adaptation du personnel des bases aériennes impliqué et aux stocks existants. Une fois le temps d'observation passé, l'activité de l'aviation de chasse est remontée à plus de 70 %, celle de l'aviation de transport et hélicoptères à près de 50 %. J'évalue la dette organique accumulée à environ une semaine de retard par mois de confinement. Elle a été relativement maîtrisée par un fonctionnement adapté, par bordées, sur des plages horaires élargies et en l'absence de nombreuses contingences (stages de perfectionnement, parrainages des nouveaux, …).
À partir du 11 mai, le plan de reprise prévoit une remontée progressive de l'activité. La dette organique sera résorbée au fil du temps. À l'été, le niveau de préparation opérationnelle et d'activité visé est de 80 % par rapport à une activité normale.
L'enseignement à distance, fortement employé pendant la période de confinement, se poursuivra pour certaines activités de formation. L'école des sous-officiers de Rochefort ne pourront par exemple accueillir que 30 % à 40 % de ses élèves compte tenu des contraintes de distanciation.
La crise COVID aura des conséquences sur l'industrie française et européenne. Parmi les secteurs les plus touchés, l'aéronautique, moteur essentiel de notre économie, sera particulièrement impactée et à travers elle, des emplois, des compétences et parfois notre souveraineté. Le lien est très fort voire dual entre l'aéronautique civile et l'aéronautique militaire. La conservation de la capacité de notre BITD à concevoir, à développer et à produire est essentielle pour le présent comme pour l'avenir, pour nos armées. Des propositions ont été faites pour répondre aux besoins opérationnels prioritaires de l'armée de l'air en ce qui me concerne.
Avant la crise, le remplacement de nos hélicoptères Puma, âgés de plus de quarante ans, était identifié comme un besoin urgent, auquel une solution de location-vente pouvait répondre. Il s'agissait de disposer plus rapidement d'appareils modernes afin de cesser de recourir aux Puma dont le MCO devient très coûteux. La modernisation de notre composante hélicoptères pourrait ainsi faire partie du plan de relance.
Accélérer l'achat des trois derniers Airbus A330 MRTT pourrait également s'inscrire dans le cadre d'un possible plan de relance, permettant de rationaliser et de moderniser la flotte d'avions de transport stratégiques, et de réduire la charge du MCO.
Par ailleurs, la modernisation de notre aviation de combat est primordiale dans un environnement où les menaces et les défenses sont de plus en plus complexes. Je pense en particulier au Rafale en remplacement accéléré de nos flottes anciennes dont certaines sont déjà à bout de souffle. Je pense également à la défense au sol-air et au Crotale de nouvelle génération.
S'agissant des ressources humaines, le besoin validé par la LPM d'une augmentation du volume d'aviateurs de près de 1300 postes reste d'actualité pour répondre à la déflation des précédentes LPM et à l'apparition de nouveaux domaines. L'espace, la maintenance aéronautique, la protection de nos bases aériennes et du territoire national, requièrent ces effectifs supplémentaires et encore davantage. J'ai des besoins en pilotes, contrôleurs, et dans certaines spécialités convoitées par le secteur civil, comme les informaticiens.
Vous mentionniez une possible réduction d'activité dans le secteur aéronautique civil. Il n'est pour autant pas possible pour le moment d'en dégager une tendance. Il reste donc impératif de développer des leviers de fidélisation : formation modernisée et rémunération plus attractive.
Concernant l'opération Chammal, nos quatre Rafale restent très employés depuis la base H-5 en Jordanie, aussi bien dans des missions de reconnaissance que d'appui aérien. Un regain de l'activité de Daech est d'ailleurs observé depuis plusieurs semaines, qui exige une présence aérienne militaire soutenue.
Le COVID n'a pas d'impact sur la commande des quarante hélicoptères HIL160 qui reste prévue. L'armée de l'air sera livrée à partir de 2030. Des premiers signes de fatigue invitent à une vigilance accrue sur le respect du calendrier de livraison des H160. En attendant, le traitement des obsolescences du Fennec, de sa caméra thermique et des liaisons de données, reste indispensable pour pérenniser la capacité à assurer la « police du ciel ». Les HIL permettront, outre les missions de protection du territoire (police du ciel, recherche et sauvetage), de réaliser du renseignement et de l'appui en opération. Destiné à intervenir en profondeur, en accompagnement du Caracal, il devrait être doté de capacités de protection, d'armement et de ravitaillement en vol. En attendant, les Fennec resteront en service.
Nos hélicoptères Puma, bien qu'ayant une moyenne d'âge de 42 ans, ont été avantageusement employés pour transporter des patients COVID, aux côtés nos Caracal, et des hélicoptères de la marine et de l'armée de terre. Pour autant la disponibilité et le coût à l'heure de vol des Puma militent pour un remplacement accéléré de la flotte. Plusieurs propositions ont été faites pour les remplacer par des H225 et assurer ainsi une uniformité de la flotte, ce qui faciliterait le MCO.
L'hélicoptère de transport lourd, toujours à l'étude, n'est pas prévu dans la loi de programmation militaire. Nous explorons les possibilités de coopération avec nos partenaires allemands et britanniques qui en sont dotés.
S'agissant de l'OTAN, la France doit effectivement assurer en 2022 le commandement de la Force de réaction (NRF), l'armée de l'air devra pour sa part planifier et conduire les opérations aériennes de l'alliance depuis notre poste de commandement de Lyon-Mont Verdun. Ceci nécessite de disposer d'infrastructures adaptées, et de ressources humaines formées pour armer ce centre. Nos partenaires de l'OTAN viendront d'ailleurs y travailler en nombre. Comme le chef d'état-major des armées, je reste vigilant à l'état des travaux d'infrastructure, dont le retard lié au COVID peut être significatif.
Le sujet du MCO, je vous l'ai dit, est au cœur de mes priorités. La disponibilité des flottes s'est maintenue à un niveau d'avant-crise, grâce à des mécaniciens réactifs et performants. Les stocks logistiques ont été exploités. Nos industriels se sont également immédiatement engagés pour soutenir en priorité les flottes engagées en opération. L'activité de l'armée de l'air a ainsi été maintenue entre 50 à 70 % de son niveau habituel.