S'agissant de la contagion à bord du Charles-de-Gaulle, je rappelle que le virus ne cesse pas de nous étonner, et il faut aussi avoir à l'esprit le contexte : le porte-avions est un navire ancien ; il héberge près de 1 800 marins dans des postes d'équipage comptant entre 10 et 40 lits, alors que les chambrées sont de 4 ou 6 personnes dans des bâtiments plus récents. La promiscuité est la règle. On s'agrippe aux rampes dans les échappées, ces escaliers très raides et très étroits entre les ponts ; les coursives ont été dimensionnées pour les besoins fonctionnels, et pas du tout pensées pour permettre la distanciation physique désormais requise. Un bâtiment de guerre n'est pas un paquebot. Malgré cela, les mesures de protection strictes qui ont été prises, notamment un nettoyage extrêmement régulier des équipements, se sont avérées efficaces pour ralentir l'épidémie. Néanmoins, force est de constater qu'il peut y avoir des zones où le nettoyage aurait dû être approfondi et renouvelé encore plus régulièrement.
Ce qui importe aujourd'hui est que l'équipage est sauf, et il faut tirer toutes les leçons des observations qui ont été faites.
Nous allons désormais disposer de tests PCR en nombre. Même s'ils ne sont pas fiables à 100 %, ils vont considérablement nous aider à identifier les personnes susceptibles de porter le virus. Nous aurons à bord des outils permettant de faire les tests selon les règles de l'art – il faut des machines permettant d'absorber les mouvements du navire.
Tout ce que nous avons appris grâce à l'enquête concernant le Charles-de-Gaulle sera utile pour l'ensemble des bâtiments de la marine nationale et des autres pays européens, mais aussi pour l'armée de l'air et l'armée de terre. Les travaux qui ont été conduits permettent d'en savoir plus sur le virus – c'est pourquoi il faut partager avec toute la communauté scientifique les résultats de l'enquête épidémiologique – et ils serviront à prévenir, je l'espère, toute résurgence à bord de nos navires.
L'enquête a montré que le fonctionnement du groupe aéronaval a été trop cloisonné : les informations ne sont remontées que partiellement et n'ont pas toujours emprunté les bons embranchements. Là encore, nous devrons en tirer toutes les leçons. J'ai donc demandé au chef d'état-major des armées de me faire des propositions afin que le ministère fonctionne mieux.
La crise a montré que nos armées sont au service de nos concitoyens. Alors que leurs interventions étaient jusqu'à présent plutôt liées aux catastrophes naturelles, elles ont montré toute leur capacité à répondre à une crise sanitaire : nombreuses évacuations sanitaires par avion, adaptations de nos hélicoptères, divers soutiens logistiques aux EHPAD et pharmacies, entre autres. Je ne doute pas que le lien entre l'armée et la nation en sortira renforcé, ce qui légitime encore plus le service national universel.
Le rétablissement de la confiance est, en effet, essentiel car il y va de la tranquillité d'esprit de nos militaires : la priorité des priorités est bien la préservation de leur santé, de leur famille et de l'ensemble des Français.
L'autonomie stratégique est nécessaire sur le plan européen dans les domaines opérationnel et industriel, à l'heure où certains partenaires ont tendance à se replier sur eux‑mêmes et où certaines puissances multiplient les démonstrations d'influence après avoir multiplié les démonstrations de puissance. La Chine profite ainsi de cette crise sanitaire pour faire prospérer certaines idées que vous me permettrez de ne pas partager.
Nous aurons l'occasion de tester les ambitions des Européens lorsque le cadre financier pluriannuel sera à nouveau discuté et le budget du Fonds européen de la défense arrêté. Selon moi, il est absolument nécessaire de préserver les moyens initialement envisagés, de l'ordre de 13 milliards. Revoir nos ambitions à la baisse serait une faute.
Nous travaillons à l'actualisation de la loi de programmation militaire, qui est en effet prévue en 2021. Nous devons y intégrer les conséquences de cette crise.
L'élément militaire de réanimation de Mulhouse, dont le dernier patient est sorti il y a quelques jours, a rendu de grands services. Son démontage sera achevé d'ici au 21 mai et dix lits de réanimation seront redéployés à l'hôpital de Mayotte d'ici à la fin du mois.
Le risque de perturbation des opérations extérieures en raison d'éventuels ralentissements des livraisons est, pour l'instant, contenu. Nous avons dialogué étroitement avec les industriels de la défense pour éviter ce type de situation et nous avons mis l'accent sur le maintien en condition opérationnelle de nos équipements. Il est toutefois encore un peu tôt pour dresser un état des lieux d'éventuels retards.
À l'inverse, nous veillons également à identifier tout ce qui pourrait contribuer à des anticipations et à des accélérations de manière à ce que les moyens en investissement de la mission « Défense » puissent être mis au service de la remise en route de l'économie française. Ces activités industrielles, très ancrées dans les territoires et dont peu d'emplois sont délocalisés ou délocalisables, constituent un outil particulièrement précieux.
En matière de recrutement, nous avons pris du retard et nous nous employons à mettre les bouchées doubles : les centres d'information et de recrutement des forces armées (CIRFA) ont rouvert aujourd'hui, et vous discuterez prochainement du projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l'épidémie de Covid-19, qui contient des mesures permettant notamment d'allonger la durée de l'engagement de nos personnels au-delà des dates butoir prévues.
La presse doit pouvoir faire son travail dans les meilleures conditions possibles. J'ai donc demandé qu'une rencontre soit organisée entre l'Association des journalistes de défense et l'ensemble des communicants du ministère des armées afin de clarifier la situation et d'améliorer le dialogue et les méthodes.
Nous avons répondu aux questions de Monsieur le député Cornut-Gentille. La seule limite que je vois à la communication de données est que certaines ont un caractère classifié. L'année dernière, je lui avais communiqué les chiffres demandés, et regretté qu'ils ne figurent pas dans son rapport.
Ce n'est pas le rôle des services de renseignement de s'occuper des informations relatives à la santé ; ce sont les pays concernés qui les communiquent à l'Organisation mondiale de la santé, ce qu'a fait la Chine le 31 décembre en l'avertissant de la présence d'une épidémie dont les caractéristiques s'avéraient inconnues.