En Libye, où les deux camps maintiennent une logique de confrontation militaire, la France n'a cessé de plaider pour une solution politique. La crise du Covid a conduit la communauté internationale à une certaine forme de retrait, au moment où le sommet de Berlin offrait la possibilité d'une reprise des négociations. La démission du représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies a créé un vide. Faute de candidat consensuel, l'application des accords de Berlin a subi un retard.
Dès le 31 mars 2020 et en dépit de la crise, l'Union européenne a lancé l'opération EuNavfor Med Irini qui actait le renforcement du contrôle de l'embargo sur les armes à destination de Libye et visait à prévenir l'ingérence d'acteurs extérieurs, comme la Russie et la Turquie, qui porte préjudice au règlement de la crise. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères et la ministre des Armées sont engagés pour relancer la recherche d'une solution politique en Libye, pays dont la résilience est compromise par le blocage de la production pétrolière.
L'effacement relatif des États-Unis au Levant résulte de leur recentrage face à la Chine. Nous engageons les Américains à préserver le format de la Coalition contre Daech afin d'accompagner l'Irak sur la voie de la stabilisation grâce à un gouvernement offrant un espoir de consolidation. Toutefois, des menaces continuent de peser : présence des milices chiites, attitude américaine incertaine face à l'Iran et risque d'escalade dans le Golfe, où les Européens sont présents au travers de la mission Agenor. La robustesse de la Coalition est menacée mais un dialogue de haut niveau entre les États-Unis et l'Irak est prévu à compter de début juin. Les Américains, qui ont scellé un partenariat avec l'Irak, ne semblent pas prêts à renoncer à leur empreinte dans ce pays. Grâce à un partenariat bilatéral de défense nourri, nous sommes pour notre part résolus à poursuivre nos formations dès que les conditions le permettront. Nous soutenons la mission OTAN en Irak, actuellement en retrait compte-tenu du contexte Covid, même si nous doutons de sa capacité à aller plus loin, les forces de sécurité irakiennes ayant principalement exprimé un besoin de formation au niveau du commandement. Le maintien d'une capacité de contre-terrorisme reste un enjeu majeur, et l'effacement américain un élément d'incertitude. Nous continuons à mobiliser nos partenaires européens sur ce point.
Je souligne aussi notre attention particulière pour la situation économique au Liban.
Dès les premiers jours de la crise, mes contacts avec mes homologues des pays européens partenaires ont été réguliers et nourris. Leur mobilisation a permis des actions de coopération bilatérale et mini-multilatérale efficaces : 183 lits ont été offerts par l'Allemagne, le Luxembourg, la Suisse, l'Autriche pour des patients français. Des visioconférences ont fait converger des appréciations de situation et donné lieu à un recensement des capacités disponibles en cas de deuxième vague, à un partage d'analyses sur les pays les plus vulnérables comme sur les possibilités d'évacuations communes des ressortissants, à un travail approfondi sur les leçons à tirer de la gestion de la crise et à un échange d'informations sur les campagnes de désinformation et de déstabilisation.
Pour la France, attachée à la primauté du droit international et à la liberté de navigation, qui soutient l'autonomie de ses partenaires en Indopacifique et s'emploie à repousser les actions asymétriques, la stratégie du « fait accompli » et de déni d'accès de la Chine est un motif de préoccupation. Nous ne pouvons tolérer des manœuvres d'intimidation et des tentatives de prise de gages. Il ne saurait être question de consentir à une normalisation de la présence chinoise dans des zones contestées. Face à la création de soi-disant districts de Sisha et Nansha dans les îles Paracels et Spratleys, aux démonstrations de puissance dans le détroit de Taïwan et de présence accrue dans les eaux contestées, nous réaffirmons notre liberté de navigation et notre soutien aux formes de sécurité collective dans l'espace indopacifique, par la présence de nos frégates de surveillance, toujours dans le strict respect du droit international et dans un esprit de non‑provocation.
La crise du Covid a souligné l'importance de nos DROM-COM et la nécessité d'y assurer des moyens pour renforcer nos intérêts.
La décision de l'Allemagne d'acquérir un nombre limité d'Eurofighter et de F-18 pour les missions de dissuasion de l'OTAN ne compromet pas le projet conjoint SCAF mais illustre la responsabilité de l'Allemagne dans le partage nucléaire de l'OTAN. C'est un choix logique, dans la mesure où des armes nucléaires américaines seront emportées par ces avions.
Quant à la position du secrétaire général de l'OTAN relative à la Libye, contrairement aux dispositifs de réassurance, non escalatoires, mis en place face à la Russie après l'annexion de la Crimée, les actions entreprises par l'OTAN sur le flanc sud ont été limitées à l'appui au renforcement des capacités de formation, au développement d'une politique de partenariats ou à des opérations maritimes telles que Sea Guardian. L'Union européenne a développé des réponses (opération Irini notamment) et son Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité est très engagé. L'OTAN mène ainsi des actions complémentaires utiles, ne sera vraisemblablement pas en première ligne, vu les actions préoccupantes menées par l'Allié turc.