Le simple fait que l'Allemagne et la France aient été à l'origine de la première visioconférence des ministres de la défense de l'Union montre que notre rôle est moteur. La première phase visait la convergence des réponses et entendait donner une visibilité à la solidarité des Européens, sachant que l'article 222 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne permettait pas la mise en œuvre rapide d'outils pertinents.
Les mécanismes de gestion de crise et la contribution militaire de l'état-major de l'Union, dont nous avons obtenu la direction, devraient sortir renforcés de l'expérience de la crise Covid. La préparation des présidences successives – allemande, portugaise, slovène puis française –, permettra de peser sur la définition des défis à relever et la montée en puissance des institutions. Il s'agira d'éviter les concurrences et d'améliorer les mécanismes civils de gestion de crise tout comme la capacité à mobiliser les moyens militaires en appui. Plutôt que d'amender le FEDef ou de réformer le SEAE, mieux vaut exploiter l'existant par une volonté politique plus résolue. La première ambition doit être le respect des engagements pris. Nos ambitions pour le fonds européen de défense doivent être préservées. la revue stratégique de la coopération structurée permanente permettra aux quatre pays de la lettre d'intention initiale d'impulser des idées nouvelles. La facilité européenne de paix devra être exploitée afin de compléter la fourniture d'équipements à des pays partenaires. Les missions et opérations de la PSDC doivent également se poursuivre.
La réactivité européenne doit viser le renforcement de la souveraineté des Européens, c'est-à-dire l'autonomie d'appréciation et de décision, la défense des intérêts communs face aux pressions extérieures et la capacité de peser sur le plan stratégique, comme enfin de choisir ses dépendances stratégiques, dans le souci de garantir la protection de notre territoire et des intérêts de nos concitoyens nationaux et européens.
S'agissant de la place de la société civile dans nos démocraties, du rôle des régimes autoritaires et des enjeux de la résilience face aux interférences extérieures au travers du renseignement économique, les situations des différents pays ne sont pas équivalentes. On ne peut comparer la Chine, dotée d'un vaste marché et capable d'organiser sa relance de l'intérieur, avec la Russie, dont l'économie de rente repose sur la production de pétrole et de gaz et la volonté de puissance internationale grâce essentiellement à l'affirmation d'une position militaire. Au-delà des domaines régaliens, la définition des infrastructures critiques doit être large et comprendre aussi pleinement des domaines tels que ceux de la santé, de la production agroalimentaire ou encore de l'énergie. L'attention portée à l'accès aux flux et aux ressources doit être renouvelée.
Pour la réponse à la posture agressive de la Chine, nous avons réaffirmé l'exigence d'un partenariat équilibré fondé sur la réciprocité et insisté sur notre attachement au multilatéralisme comme au respect des droits de l'Homme, tout en prenant en compte le poids économique de la Chine et les liens par ailleurs étroits noués notamment en Indopacifique. Les souverainetés nationale et européenne exigeront de renforcer notre capacité à prévenir d'éventuelles dépendances préjudiciables à nos intérêts, de nous prémunir contre des leviers défavorables et, sur le plan politique, d'être en mesure d'étayer nos principes et de défendre l'économie européenne.
Le Président a qualifié le futur vaccin de « potentiel bien public mondial ». Afin de nous préparer aux crises futures, notamment pour les risques NRBC, nous avons intérêt à fixer nos actions dans des cadres multilatéraux comme l'Union européenne et l'OTAN. Bien que la Chine reste aujourd'hui réservée à s'engager dans des mécanismes de régulation ou de maîtrise des armements de nature à parer à des menaces, nous devons l'amener à assumer davantage les responsabilités qui vont avec la puissance. Pour anticiper les crises et éviter une instrumentalisation par des acteurs malveillants, nous devons valoriser des cadres comme la convention sur l'interdiction des armes biologiques et le partenariat contre l'impunité d'utilisation d'armes chimiques.
En termes de gouvernance, le conseil de sécurité européen est au cœur d'une proposition du Président de la République. Au-delà du contexte du Covid et le Brexit, les 10 ans des accords de Lancaster House représentent des enjeux majeurs dans nos relations avec le Royaume-Uni. Nous devrons mener un dialogue étroit avec l'Allemagne en vue de relancer la cohésion européenne, mais nous aborderons aussi ces défis avec tous nos partenaires européens comme avec nos Alliés.
L'OTAN fait partie intégrante des organisations mobilisées pour répondre à la crise. Une réunion ministérielle s'est tenue. Nous mobilisons les structures pour coordonner les offres et les demandes d'assistance, faciliter la mobilité transfrontalière, mobiliser des mécanismes de transport stratégique et lutter contre la désinformation. La coordination entre l'OTAN et l'Union européenne demeure centrale.
Actée au sommet de Londres, la mise en place d'un groupe de réflexion vise à renforcer la cohésion de l'Alliance, à affermir le lien transatlantique et à éviter un découplage des moyens de sécurité par des initiatives bilatérales entre les États-Unis et certains partenaires européens. Lors de la dernière réunion des ministres, tous les alliés ont réaffirmé la nécessité de maintenir au milieu de la crise une posture de dissuasion et de défense forte.
En raison du faible niveau de classification de notre réunion, je ne puis apporter plus de précisions quant à la situation en Irak et à notre combat contre Daech, qui se réorganise de manière insurrectionnelle. Je confirme que la France est restée engagée au sein de la coalition, par des opérations aériennes qui se poursuivent depuis nos bases au Levant et au Moyen-Orient sans interruption ni perturbation, et par la formation des forces de sécurité irakiennes, que nous sommes prêts à reprendre dès que les conditions le permettront. Plusieurs réunions de la coalition viseront à maintenir une capacité contreterroriste pour autant que soient clarifiées les intentions américaines dans cette région essentielle pour la sécurité européenne.