Intervention de le médecin chef des services de classe normale Serge Cremades

Réunion du jeudi 28 mai 2020 à 14h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

le médecin chef des services de classe normale Serge Cremades, médecin chef adjoint de l'hôpital d'instruction des armées Bégin :

Si soigner dans le chaos de la guerre est, depuis trois siècles, sa raison d'être, le service de santé des armées s'est historiquement impliqué dans les situations sanitaires exceptionnelles où son expertise est requise.

Les huit hôpitaux des armées sont engagés dans une transformation profonde pour s'adapter à leur double mission prioritaire : assurer le rôle 4 de la chaîne de prise en charge des blessés en opérations extérieures et être immédiatement mobilisables pour la résilience sanitaire des armées afin d'être utiles à la résilience nationale. Cette transformation est conduite selon trois grands principes : la concentration des moyens dans deux ensembles hospitaliers militaires – Bégin et Percy au Nord, Laveran et Sainte-Anne au Sud ; la différenciation, avec, au sein de chaque ensemble, un hôpital disposant de capacités chirurgicales renforcées et l'autre, d'un service des maladies infectieuses, et enfin l'ouverture vers le territoire militaire et au profit du territoire de santé.

La préparation à la gestion de crise est essentielle. Elle permet de déployer immédiatement des plans d'action sanitaire selon une doctrine fixée à l'avance et mise en œuvre par la direction des hôpitaux (DHOP) – dans le contexte de pandémie, sous la conduite de la cellule de crise covid-19.

La direction des hôpitaux a veillé à la continuité de nos missions de projection et de soins aux blessés des théâtres d'opérations. Elle a également assuré la poursuite de la prise en charge des urgences et adapté les capacités d'hospitalisation pour accueillir un nombre important de patients atteints de covid. Elle a enfin déployé des mesures d'hygiène hospitalière pour éviter les transmissions croisées.

Au 24 février, les hôpitaux d'instruction des armées disposaient de 59 lits de réanimation ; en moins de deux semaines, ils ont été portés à 163, et près de 300 lits d'hospitalisation conventionnelle ont été dédiés au covid-19.

Avec ses huit hôpitaux employant 840 médecins, la composante hospitalière militaire représente 0,7 % de l'offre de soins française. L'activité covid-19 des HIA a atteint 1,6 % de l'activité hospitalière covid nationale, et 2,04 % de l'activité de réanimation nationale. La létalité observée des patients en réanimation est identique à celle du secteur hospitalier civil. Tous nos HIA ont admis des patients covid-19. Établissement de santé de référence de niveau 1 pour le risque infectieux émergent, Bégin a confirmé sa position de pointe en infectiologie et a réalisé, à lui seul, 32,2 % de l'activité de réanimation covid des hôpitaux militaires.

Dès la description des premiers cas de pneumonie virale en Chine, en décembre 2019, nos chefs de service de biologie et de maladies infectieuses ont organisé une veille régulière des connaissances et apporté un conseil technique au commandement militaire. La cellule de crise de Bégin s'est réunie quotidiennement, sans interruption depuis le 24 février, en lien avec celles de l'Agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France et de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).

L'hôpital Bégin a accueilli dès le 27 février les premiers patients suspects d'infection en provenance de Creil. Au mois de mars, les admissions se multiplient, rendant nécessaire une augmentation rapide des capacités d'hospitalisation. Le 9 mars, la déprogrammation de toutes les activités non urgentes est décidée. Un circuit est dédié à l'accueil des patients, avec l'installation de trois postes sous tentes dressées devant les urgences pour les patients peu symptomatiques ; une filière spécifique pour les militaires et les très hautes autorités est créée au même endroit. Les avis médicaux sont assurés par les praticiens de toutes les spécialités. Jusqu'à 120 patients par jour sont accueillis ; 754 patients infectés non hospitalisés sont suivis.

Dès le 26 février, une unité d'hospitalisation spécifique de vingt chambres individuelles est activée, qui permet de doubler les capacités du service des maladies infectieuses. Le 15 février, douze lits supplémentaires sont ajoutés, après le regroupement des autres spécialités à un étage distinct. Dix lits d'hospitalisation sont réservés en priorité aux militaires.

Le service de réanimation de douze lits est préparé à l'accueil des patients infectés à la covid-19 dès le début de l'épidémie. En quelques jours, deux autres services sont également équipés pour porter la capacité à trente-huit lits de réanimation, dont cinq réservés en priorité aux militaires.

Ce défi mobilise toutes les énergies : de nombreux infirmiers sont formés aux soins spécifiques requis par ces patients et plus de cent personnels en renfort nous parviennent de la réserve opérationnelle, des écoles de santé militaire de Lyon-Bron, de la médecine des forces, de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. Les matériels récupérés des salles de bloc opératoire ou des salles de réveil équipent les nouveaux lits de réanimation. Les stocks de médicaments et d'équipements de protection individuelle sont particulièrement évalués ; les procédures d'hygiène sont diffusées.

Tout début avril, avec le renforcement de la vague épidémique, les premiers transferts interrégionaux interviennent pour retrouver des capacités de réanimation. Un très lent reflux des nouvelles admissions s'amorce à partir du 16 avril.

En dépit de la très grande activité de l'établissement, sur 1 068 personnels de l'hôpital Bégin, seuls 21 ont été testés positifs par PCR, soit 1,96 %, et 8 ont été absents pour cause de covid-19, soit 0,74 %. Le soutien managérial, social et psychologique, au moyen notamment de techniques de relaxation et de séances d'information, a permis de limiter la description de souffrances au travail.

Le SSA est un système de santé intégré qui dispose de l'ensemble du spectre médical nécessaire pour le soutien sanitaire des armées. La composante hospitalière est indissociable de la médecine des forces, de la chaîne d'approvisionnement, des écoles, de la recherche et d'une capacité d'analyse et d'anticipation en santé publique. Les hôpitaux des armées peuvent être mobilisés avec une agilité et une réactivité exceptionnelles. Bégin et Laveran comptent parmi les premiers établissements disponibles en cas de pandémie. Le maillage territorial des HIA doit assurer une couverture satisfaisante des territoires de défense. Nos deux ensembles hospitaliers forment des groupements d'excellence pour le polytraumatisme, d'une part, et les maladies infectieuses, d'autre part. Ils doivent être consolidés dans ces dimensions.

Une gestion prévisionnelle adaptée des moyens et des compétences, de la recherche et de l'innovation doit permettre d'assurer la résilience sanitaire des forces armées au risque épidémique en opérations extérieures comme sur le territoire national.

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