Je vais essayer de ramasser mes réponses en trois points.
Le premier point concerne la place de l'homme.
Comme le disent Michel Goya et de nombreux membres de cette commission, la place de l'homme est essentielle. Face à un monde qui est plein d'imprévus, les machines ne peuvent pas être créatives, c'est seulement l'homme qui peut apporter la créativité et la volonté de se battre. Ce sont ces ressources qui vont permettre de dominer l'adversaire puisque la guerre est essentiellement cette dialectique des volontés.
J'apporterai une petite nuance. Il y a des milieux comme le milieu naval ou le milieu aérien, où la supériorité technologique est capitale. Nous parlions du général de Gaulle. Nous venons de célébrer l'appel du 18 juin, et de commémorer le 90e anniversaire de la défaite française en 1940. Les pilotes français qui ont combattu dans le ciel n'ont pas réussi à prendre le dessus sur la Luftwaffe parce que leur matériel était bien inférieur à celui de la Luftwaffe. Pourtant, ils se sont battus courageusement et ont enregistré des taux de perte très importants puisque 40 % des officiers navigants sont morts au combat.
Le réarmement de la France a commencé beaucoup plus tard, en 1938. Il a commencé en 1936 en Grande-Bretagne et il avait commencé en 1933 en Allemagne. L'habileté et l'ardeur au combat des aviateurs français n'ont pas pu renverser ce rapport de forces défavorable.
La place du soldat est essentielle. C'est lui qui va trouver de nouveaux modes d'engagement, innover en imaginant de nouveaux systèmes d'armes pour créer un rapport de force favorable. Michel Goya a bien montré que souvent, l'innovation tactique vient par le bas. Ce n'est pas le chef, dans son poste de commandement, qui trouve la solution. C'est le soldat qui, sur le terrain, s'adapte et réussit à innover pour l'emporter sur l'adversaire. Mais pour dominer l'adversaire, il faut quand même qu'il y ait des systèmes d'armes performants. Il ne faut donc pas négliger le facteur matériel.
Le deuxième point, c'est la question du financement et de l'Europe. Pour financer ces gros programmes d'armement dans le domaine aérien, comme le système de combat aérien du futur (SCAF) par exemple, nous n'avons pas le choix. Ce n'est pas de mon domaine de savoir si une Europe politique va se créer, de savoir s'il y a un peuple européen, mais seuls, nous pourrons moins facilement financer ces programmes d'armement qui ont besoin d'investissements lourds.
Au point de vue européen, il faut faire l'Europe par le bas avec ces grands programmes d'armement dont nous avons besoin si nous voulons encore que les voix de la France et de l'Europe portent dans le monde. C'est indispensable.
Le troisième point est celui de la priorité. Quelle priorité faut-il financer ? Nous pourrions nous demander ce que nous pouvons mutualiser en Europe et ce que nous devons garder en national ? Bien sûr, le nucléaire est le cœur de notre souveraineté militaire mais ensuite, quelles priorités faut-il financer ?
Nous avons vécu les hypothèses du Livre blanc de 2013, lorsqu'on nous disait qu'on n'allait pas pouvoir tout financer et qu'on allait abandonner des capacités structurantes.
Pendant quelques semaines, nous nous sommes dits que nous n'aurions plus de porte-avions, que la France ne pourrait plus manifester sa diplomatie navale avec le porte-avions où que nous allions abandonner des flottes complètes d'avions.
Il faut quand même rendre hommage aux décisions politiques qui ont été prises lors de la précédente législature, c'est-à-dire celles de préserver un modèle cohérent.
Si nous voulons avoir un outil militaire résilient, il faut que ce modèle reste cohérent avec un porte-avions, des avions de combat et des forces terrestres.