Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je suis heureuse de me présenter de nouveau devant vous, deux ans après ma première venue, immédiatement après la création de la DMAé.
Je suis accompagnée de M. l'ingénieur en chef de l'armement, André Sallat, chef des responsables de projet au sein de la DMAé.
Comme vous l'avez rappelé, face aux trop faibles taux de disponibilité de nos aéronefs militaires, alors que l'engagement sur le terrain et les besoins sont toujours aussi importants, la ministre a décidé, fin 2017, la mise en œuvre d'un plan ambitieux de transformation du MCO aéronautique. Cette réforme visait à améliorer l'efficacité de notre soutien en supprimant les interfaces inutiles, en inscrivant les travaux dans une logique de performance de bout en bout et en accordant à notre industrie des responsabilités plus importantes en contrepartie d'engagements.
Pour cela, nous avons créé, il y a deux ans, la direction de la maintenance aéronautique dont je vais vous présenter les premiers résultats, car c'est un travail de longue haleine.
Le premier axe du plan de transformation est la simplification de la gouvernance du MCO aéronautique.
Chaque année, un contrat d'objectif et de performance signé par le major général des armées et par moi-même définit les objectifs annuels de la direction en contrepartie des ressources financières allouées. Un comité directeur du MCO aéronautique, présidé par le chef d'état-major des armées, se réunit une fois par an pour faire le bilan de l'activité de l'année précédente et orienter les travaux de l'année à venir. En outre, au niveau de la ministre, de nombreux comités stratégiques font des points d'avancées de la réforme.
Le deuxième axe est la refonte des stratégies de soutien des flottes d'aéronefs, conformément aux orientations fixées par la ministre des armées.
Le foisonnement des marchés de MCO, passés de manière transverse par tranches annuelles, sans engagement de longue durée, présentait un risque fort de coupure d'exécution contractuelle et de dilution des responsabilités. Pas moins de vingt-deux contrats assuraient le soutien de la flotte Rafale ! La stratégie de verticalisation et de globalisation confie à un maître d'œuvre unique un périmètre d'action couvrant la quasi-intégralité de l'aéronef et inclut la gestion logistique des stocks grâce à des contrats de longue durée. Désormais, nous pouvons fixer des objectifs de haut niveau précis de disponibilité de flotte ou de pièces au guichet et des engagements forts de la part des industriels, lesquels seront rémunérés en fonction de l'atteinte de ces objectifs.
Afin de tirer tous les bénéfices de ces contrats, en particulier leur verticalisation, nous renforçons la coordination entre acteurs étatiques et acteurs industriels pour accélérer et fluidifier les échanges d'informations, dans une relation de confiance gagnant-gagnant. Cette dynamique a été initiée par la création de plusieurs plateaux permanents État-industrie. Par exemple, pour l'A400M, un plateau co-localisant les équipes au plus près des aéronefs a été mis en place à Orléans depuis avril 2020. Réunissant des responsables de la DMAé, du soutien de l'armée de l'air, de l'industriel Airbus et du service industriel de l'aéronautique (SIAé), il permet, par échange quotidien entre les partenaires, d'optimiser l'emploi des ressources étatiques et industrielles, d'améliorer la disponibilité au quotidien et de mieux répondre aux besoins des forces.
Pour les industriels retenus, la stratégie que nous avons portée donne de la visibilité et limite les risques. Elle leur permet de mieux organiser leurs prestations, la chaîne d'approvisionnement et de sous-traitance et de planifier les investissements sur le long terme. La visibilité et les moyens que nous leur apportons nous permettent de réaliser du soutien à coûts maîtrisés dans la durée.
La démarche est pragmatique. Chaque flotte est organisée au cas par cas par le responsable des projets afin d'adapter les solutions aux contraintes des forces, mettre en place le schéma contractuel le plus performant, tout en garantissant à nos forces le niveau d'autonomie nécessaire à la conduite de leurs engagements en OPEX.
Nous avons déjà mis en place le soutien verticalisé de quatre flottes. Comme vous l'avez dit, Madame la présidente, le marché du maintien en condition opérationnelle de la flotte des dix-huit Fennec de l'armée de terre, notifié en janvier 2019, offre à l'ALAT la capacité de conduire son action de formation et d'entraînement sur hélicoptère pour dix ans. De juin à décembre 2019, 3 650 heures de vol ont été réalisées, contre un peu moins de 2 500 pour l'année 2018. Nous avons pu réaliser mille heures de vol supplémentaires, alors que le contrat n'était en vigueur que depuis six mois.
Ce marché permet, à volume financier comparable, une activité aérienne conforme aux besoins de l'armée de terre, de réaliser en continu la formation de ses équipages et de mettre fin aux difficultés d'enchaînement des stages de formation par manque de disponibilité des aéronefs. En 2020, cette flotte de Fennec de l'ALAT réalise environ 125 heures de vol par semaine, ce qui devrait permettre un doublement de l'activité par rapport à 2018, malgré la baisse d'activité des mois de mars et avril, liée à la crise de la covid-19.
Concernant la flotte Rafale, le contrat RAVEL qui verticalise pour une dizaine d'années le soutien des cellules et des équipements, hors moteurs, vise à augmenter, d'ici à 2023, la disponibilité d'une dizaine d'appareils air et marine pour atteindre les objectifs de la LPM. S'y ajoutent des gains qualitatifs pour nos forces, par la réduction des prélèvements sur avion, la diminution des tâches sans plus-value opérationnelle, l'anticipation des traitements d'obsolescence.
Les premiers résultats sont encourageants. Ce marché a déjà permis de réduire le nombre d'appareils en attente de décision, souvent depuis plusieurs mois. Dix Rafale de l'armée de l'air étaient en attente de décision en avril 2019, contre seulement deux en décembre dernier. De même, alors que six Rafale de la marine étaient en attente en avril 2019, deux seulement l'étaient en juin 2020. La mise en place d'un plateau entre l'industriel Dassault et le personnel de la DMAé à Bordeaux permet des gains de temps en fluidifiant les échanges. Il n'a fallu qu'un très court délai pour valider l'impression 3D d'une pièce de dépannage d'un Rafale embarqué sur le porte-avions, victime d'une avarie sur un levier de commande de vidange carburant.
Le contrat CHELEM de plus de onze ans, relatif aux flottes de Cougar, Caracal et EC225, notifié en décembre dernier vise à la fois à améliorer la disponibilité de pièces au guichet, la réponse aux questions techniques et à externaliser le soutien complet d'une partie de la flotte Cougar, soit jusqu'à cinq appareils à la fin de l'année. Comme le contrat RAVEL, il s'appuie sur la mise en place de guichets sur les sites des armées en métropole, permettant aux mécaniciens de conduire leurs travaux sans attente de pièces et sur un plateau permanent à Bordeaux.
Bien que la notification soit récente, nous commençons à en voir les premiers résultats. Après cinq mois d'activité et le transfert à l'industriel du soutien de deux Cougar, plus de 220 heures de vol de mission d'entraînement et de préparation opérationnelle au profit de l'ALAT ont déjà été effectuées, c'est-à-dire 25 % de l'ensemble de leur activité aérienne sur la même période. Le rythme d'activité des Cougar a doublé par rapport à la situation antérieure : 300 heures de vol par an pour les aéronefs dont la maintenance a été confiée à l'industriel, contre 150 heures, les années précédentes.
Par ailleurs, le délai moyen de réponse aux questions techniques urgentes est désormais inférieur à quatre jours, contre plus de sept jours auparavant. Pour les questions techniques dites de routine, ce délai est passé de deux mois jusqu'à moins de dix jours.
La dernière verticalisation concerne la flotte de Dauphin et de Panther de la marine nationale. Nous avons passé très récemment avec le SIAé un marché de soutien complet jusqu'à fin 2029, qui augmentera la disponibilité de plus de 20 %. Les verticalisations du soutien se poursuivront, en 2020 pour l'ATL2 et le Mirage 2000, et dans les années qui suivent.
Troisième axe du plan de transformation est la restructuration de la DMAé, validée par la ministre. Son objectif est de renforcer les compétences en augmentant la proportion de personnels de niveau 1 et en améliorant la stabilité des équipes grâce à l'augmentation du nombre de personnels civils au sein de la direction, afin d'obtenir 50 % de personnels civils et 43 % de personnels de niveau 1 en 2025. En 2019, nous avons été amenés à recruter 79 agents fonctionnaires et contractuels dans les domaines des achats, des finances, des contrats et des spécifications techniques. Nous avons 26 % de personnel civil et 32 % de niveau 1. La mise en œuvre de l'ensemble de ce processus est prévue tout au long de la LPM.
Un autre chantier ouvert par la DMAé est l'amélioration de la navigabilité étatique. Indispensable pour la sécurité des vols, elle peut être perçue comme un frein à la performance, en raison notamment d'une organisation complexe et de multiples acteurs et processus. Au premier semestre 2020, nous avons lancé une étude en commençant par un état des lieux qui a montré que le besoin de traçabilité était consommateur de temps administratif pour nos mécaniciens, en raison de l'absence de système d'information unifié. Le futur système d'information logistique unique et spécifique du MCO aéronautique Brasidas, destiné à remplacer un ensemble hétéroclite de quelque 70 systèmes d'information qui ne couvrent pas l'intégralité des besoins, devrait soulager nos mécaniciens. Le dialogue compétitif est en cours et la notification est prévue d'ici la fin de l'année. Nous attendons des propositions d'amélioration de la navigabilité de nature à améliorer d'importants points de disponibilité.
Enfin, nous continuons à pousser et mettre en œuvre l'innovation, levier important de gain de disponibilité pour les années à venir. Le déploiement du projet OptaForce, outil collaboratif visant à optimiser la planification des visites d'aéronefs, est prévu au deuxième semestre 2020. Le projet de petit drone Donecle, outil d'inspection visuelle automatisée des aéronefs, fera gagner du temps aux mécaniciens en leur évitant de poser des échelles pour faire eux-mêmes l'inspection visuelle, et permettra d'enregistrer les données, dans un souci de traçabilité. Dans le domaine de la fabrication additive, nous avons mis à disposition des forces et du SIAé quatre imprimantes 3D, afin d'expérimenter la réalisation d'outillage et de prototypes au plus près des utilisateurs.
Le travail ne s'est pas arrêté pendant la crise sanitaire. Parce que les forces poursuivaient leurs opérations et continuaient à voler, il était indispensable que la DMAé reste présente et active. Conformément aux consignes du ministère, un plan de continuité de l'activité de la DMAé a immédiatement été mis en œuvre. Nous nous sommes réorganisés en quelques jours avec des personnels en télétravail et d'autres dont la présence était indispensable sur site, tout en respectant les règles de distanciation sociale.
Nous avons mis en place une cellule de crise. Je me suis entretenue par visioconférence avec les représentants des principales organisations syndicales afin de leur présenter la mise en œuvre du plan de continuité et d'échanger sur l'organisation de crise au sein de la DMAé. Les instances représentatives des personnels militaires ont également été convoquées. Les mesures présentées aux représentants militaires et aux représentants civils ont été accueillies favorablement.
Le lien avec les industriels est resté étroit, au moyen de réunions hebdomadaires par téléconférences avec les principaux industriels et d'échanges quotidiens au sein des flottes pour anticiper les difficultés et mettre en place des actions correctives. La première action a consisté, en lien avec les armées, à prioriser les actions de nos industriels. L'accent a été mis sur les visites presque terminées, afin que les aéronefs sortent et soient disponibles dans les forces. Nous avons également demandé à l'industriel de décaler, lorsque c'était possible, les visites périodiques de maintenance.
Un exemple concret de réactivité et de bonne coordination des équipes de la DMAé avec les industriels pendant la crise sanitaire est celui des aménagements à apporter aux hélicoptères. Sur toutes les familles d'hélicoptères, des références de produits désinfectants et des procédures de désinfection ont rapidement été proposées tant pour les utilisateurs que pour les aéronefs dédiés au combat. Ces procédures ont été mises à jour à mesure que le retour d'expérience des missions le requérait. De plus, les équipes techniques DMAé et les armées, supportées par l'industriel, ont configuré les hélicoptères pour transporter des patients sous assistance médicale complète. Les convertisseurs électriques destinés à alimenter le matériel médical dans la cabine ont été installés en un temps record sur des Caïman et des Caracal.
En outre, attentive aux difficultés des PME, la DMAé a mis en œuvre la décision de la ministre d'accélérer les paiements. En moins de trois semaines, malgré la crise sanitaire, le stock de factures impayées a été divisé par deux.
La structure globale du MCO aéronautique a ainsi maintenu un niveau de production suffisant pour soutenir l'activité opérationnelle des armées. Les acteurs concernés ont pu se réorganiser rapidement en s'appuyant sur un nombre suffisant de personnels motivés et résilients, tant civils que militaires. La majorité des industriels privés a fait preuve d'une remarquable réactivité pour mettre en œuvre les plans de continuité et trouver les solutions pragmatiques pour pérenniser le MCO de nos appareils. Le niveau de nos stocks de pièces de rechange et les capacités de production industrielles ont été suffisants pour soutenir l'activité, en baisse pendant les mois de mars et avril. Les défauts d'approvisionnement sont restés limités. Les réseaux de transport nationaux et intra-européens ont globalement bien fonctionné.
En conclusion, deux ans après la création de la DMAé, les résultats sont encourageants. Les premiers contrats verticalisés démontrent des gains de performance à coûts maîtrisés. Les recrutements confirment l'attractivité des métiers du soutien. Les actions engagées sur des sujets aussi divers que la simplification de la navigabilité ou la prise en compte de l'innovation progressent et vont donner des résultats. Le plan de transformation n'est pas terminé, mais il est en bonne voie. Nous devons confirmer ces résultats et garantir la disponibilité des aéronefs dont nos forces ont besoin pour réaliser leurs missions.