Intervention de Général Michel Friedling

Réunion du mercredi 8 juillet 2020 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Michel Friedling, commandant du CDE :

L'hypervélocité ne figure pas directement dans le portefeuille d'activité du commandement de l'espace. Au travers de plusieurs plan d'études amont (PEA), les activités d'études se poursuivent afin de maintenir le savoir-faire des industriels et continuer les réflexions et progrès autour de cette thématique. Par ailleurs, l'alerte spatiale a été proposée par la France et plusieurs autres États Membres comme un pilier du futur projet européen de contribution à la défense anti-missile qui rentre dans le cadre de la coopération structurée permanente (PESCO TWISTER).

Le projet de nano-satellite patrouilleur est porté par l'Agence de l'innovation de défense. Il fait l'objet d'un travail collectif avec le CNES, la DGA et l'AID. Les deux premières personnes qui sont notre harpon du laboratoire d'innovation spatiale des armées seront chargées de promouvoir prochainement auprès de l'AID quatre projets d'investissement et d'innovation à labelliser.

En matière de données, nous nous adossons à des compétences que nous n'avons pas en propre. Nous discutons notamment de la construction et de l'hébergement des centres de données avec les experts de la direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information (DIRISI), de la direction générale du numérique du ministère (DGNUM) et de la DGA. Mais nous échangeons également avec d'autres acteurs. À titre d'exemple, nous avons initié à ce sujet des échanges avec l'institut de recherche technologique (IRT) Saint-Exupéry de Toulouse, dont Mme Fioraso est présidente. L'IRT dispose en effet de compétences pointues en matière de traitement de données et d'intelligence artificielle. Nous ne souhaitons pas nous adosser à une solution industrielle clé en main, mais développer une expertise sur le sujet de la donnée spatiale car il s'agit d'un enjeu d'efficacité opérationnelle et de souveraineté.

La coopération avec les Américains est excellente. Elle a été structurée au sein d'un forum de coopération, le Space Cooperation Forum. Nous nous rencontrons tous les six mois dans un format politico-militaire. Côté américain, un sous-secrétaire à l'espace du Pentagone codirige la partie US avec le commandant du Space Command ; côté français, le pilotage est assuré par la direction générale des relations internationales et de la stratégie et le commandement de l'espace. La DGA et d'autres acteurs du ministère participent à ces échanges en fonction des sujets qui sont extrêmement variés. Ce forum est très utile et très productif. J'ai également des échanges téléphoniques réguliers.

La crise du covid n'affectera pas la montée en puissance du commandement de l'espace. Elle a eu un effet limité sur les activités spatiales conduites par le CDE : nous avons assuré nos missions de surveillance de l'espace, d'alerte aux populations en cas de rentrées à risque, d'analyse de conjonctions d'anticollision en mettant les personnels dans des positions particulières. Il n'aurait cependant pas fallu que la crise dure plus longtemps car nous avions des contraintes fortes sur le personnel dues au régime de continuité d'activité. Ses incidences sur le renouvellement de nos capacités spatiales ont été relativement faibles, malgré la fermeture du centre spatial de Kourou et les décalages des tirs. À l'inverse, un plan de relance pourrait être l'occasion d'accélérer certains projets.

La loi sur les opérations spatiales devra être adaptée. Un groupe de travail a été mis en place, coprésidé par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et le ministère des armées, auquel participent des représentants du ministère des affaires étrangères, du ministère de la transition écologique, du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), du secrétariat général des affaires européennes, du CNES et de l'autorité de sûreté nucléaire. Ce groupe a étudié les axes d'évolution de la loi pour les opérations spatiales et mis en avant plusieurs recommandations, qui s'articulent autour de trois idées-forces : améliorer le suivi par l'État des activités spatiales pour lesquelles la France pourrait être responsable ; clarifier les responsabilités relatives aux activités spatiales conduites par l'État, notamment le ministère des armées qui, jusqu'à présent, n'était pas opérateur spatial, et par les acteurs privés ; accompagner l'innovation relative aux évolutions concernant l'accès à l'espace, les méga-constellations et les services spatiaux.

L'activité de l'entreprise d'Elon Musk introduit une disruption dans l'écosystème spatial industriel national et européen, en menaçant la filière des lanceurs, pose la question de la méga-constellation – 12 000 satellites à terme –, et remet en question le modèle économique. Certes, la crise du covid a accéléré la chute de la société OneWeb, mais je crois qu'il ne s'agit pas là du principal facteur. Si l'on compare à d'autres projets, OneWeb proposait une génération ancienne et une architecture non exempte de défauts. La France a envisagé la reprise de OneWeb, sachant que Airbus et Arianespace sont impliqués dans ce projet de constellation. Mais, d'un point de vue militaire, même si ses constellations d'orbite basse peuvent fournir des services à la défense et aux armées, OneWeb n'était pas la meilleure option.

Je ne peux me prononcer sur le système chinois Beidou. Sa précision est comparable à celle du système GPS américain ; à croire ce qu'il en est dit dans la littérature ouverte, les applications militaires du système Beidou ont une capacité comparable à celle du PRS de Galileo. Comme tous les systèmes de localisation, il est brouillable au sol sur les récepteurs, mais il est difficile de brouiller les satellites émetteurs d'une constellation.

En matière de surveillance de l'espace, l'EUSST est un consortium de nations volontaires de l'Union européenne, qui étudie des architectures et propose des services de surveillance de l'espace à partir des capacités fournies par les nations membres du consortium. La phase 1 se termine en 2021. Comment ce consortium continuera-t-il à travailler ? Il est trop tôt pour le dire. Une répartition des rôles a été opérée entre les nations membres pour offrir des services de SST et nous avons également bénéficié de financements pour la rénovation partielle de nos propres capteurs, dont les données alimentent les services EUSST. À mon sens, EUSST ne progresse pas vite et n'est pas la réponse à un besoin de surveillance globale de l'espace. Derrière EUSST, il y a des enjeux industriels et des Nations qui poussent leurs propres projets capacitaires. Mais il n'y a à ce stade aucune alternative. Il faut donc continuer à progresser. Ce que nous faisons avec le CNES et la DGA dans les différents groupes de travail EU SST.

Je n'ai pas de problème de budget pour les réserves. Toutefois, nous avons une telle demande et de telles ambitions de recrutement que mes adjoints me mettent régulièrement en garde. Je considère que nous avons une très belle offre de services de la part de gens dotés de grandes compétences au-delà du domaine spatial. De jeunes ingénieurs trentenaires d'Airbus veulent faire de la réserve ; des quinquagénaires cadres de haut niveau dans différents domaines veulent également nous aider à conduire notre transformation et réussir notre montée en puissance. Nous accueillons volontiers toutes ces compétences, et nous sommes en train de les recruter.

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