Madame la présidente, Mesdames et Messieurs mes chers collègues, à mon tour de vous remercier de nous avoir confié cette mission, que je crois au cœur du vrai, grand et bel enjeu de notre époque : défendre notre souveraineté. Car c'est bien cela dont il s'agit : la capacité de produire et d'entretenir l'équipement de nos forces, qui constitue une condition de notre autonomie stratégique, reconnue par les Livres blancs successifs et par la Revue stratégique de 2017.
Les conclusions que nous vous présentons s'ordonnent en deux temps. En premier lieu : le « pourquoi » : pourquoi un effort de relance dans l'industrie de défense est-il nécessaire pour l'industrie, bon pour les Armées et même judicieux pour l'économie française ? En second lieu, le « comment » : comment l'effort de relance que nous appelons de nos vœux peut être le plus efficace possible non seulement pour l'industrie, mais avant tout pour nos armées. LA question est bien de savoir comment sortir de cette crise avec un outil de défense plus fort, plus moderne, adossé à une industrie plus robuste ; en un mot : comment en sortir plus souverain.
Nos réflexions se fondent sur un état des lieux de notre industrie de défense, c'est-à-dire de l'impact de la crise sur ces entreprises. Nous avons en quelque sorte procédé en cela à un exercice de mise à jour de ce que vous avez fait, Madame la présidente, au pic de la crise sanitaire, et dont rend compte son rapport précité. Nous irons donc assez vite là-dessus. En quelques mots : pour l'industrie de défense aussi, c'est la crise. Et même une double crise ; si vous me passez cette image à une époque où nombre de nos concitoyens sillonnent le pays en train : une crise peut en cacher une autre.
La crise est avant tout une crise de l'offre : à défaut d'avoir été considérée comme « essentielle » pendant le confinement, ce que nous regrettons et qui méritera réflexion, l'industrie de défense a vu sa production brutalement freiner. Or, sans production, pas de livraison ; sans livraisons, pas de revenus et, sans revenus, la trésorerie fond vite.
C'est d'autant plus vrai que, pour toutes les entreprises qui ont une activité duale dans l'aéronautique ou qui dépendent beaucoup de l'exportation, cette crise est aussi une violente crise de la demande. L'arrêt du trafic aérien a de gravissimes conséquences en chaîne dans toute l'industrie aéronautique : l'activité s'est purement et simplement effondrée. Quant aux marchés à l'export, ils s'adressent certes à des clients souverains, qui ne feront donc pas faillite, mais l'arrêt des transports complique beaucoup les démarchages et, surtout, nombre d'États mettent aujourd'hui leurs programmes d'acquisition en mode « pause », en attendant de savoir quelles marges de manœuvre budgétaire leur laissera la crise économique.
Pour l'heure, les aides publiques permettent de retarder la fatale échéance. Mais elles ne peuvent être que temporaires ; viendra un moment où le chômage partiel ne sera plus une option, et où il faudra bien commencer à rembourser les prêts. Tout indique que c'est l'automne 2020 qui sonnera l'heure de vérité. Sans d'énergiques mesures de relance, l'effet de falaise sera sévère ‒ très sévère, même.
Ajoutons que l'une des spécificités de l'industrie de défense, c'est la longueur de ses cycles. Une commande à l'export que l'on ne prend pas en 2020, c'est un « trou d'air » en 2022, 2023, ou 2024.
En tout état de cause, cette situation de crise justifierait donc à elle seule une part du plan de relance : des emplois sont en jeu et, après tout, notre industrie de défense n'a pas une envergure très différente de notre industrie automobile, qui a droit à son plan de relance sectoriel. Mais, au-delà, il y a deux raisons majeures de soutenir massivement notre industrie de défense dans la crise qu'elle traverse.