Intervention de Benjamin Griveaux

Réunion du mardi 21 juillet 2020 à 17h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBenjamin Griveaux, rapporteur :

La question-clef du financement de l'industrie mériterait presque une mission spécifique. Ce n'est pas en une réponse de quelques minutes qu'on pourra dessiner les contours d'un futur fonds stratégique, à la fois quant aux critères de choix d'actifs retenus et quant aux montants investis. Une chose est sûre : il faut des capitaux et le dernier fonds créé, appelé Aerofund IV et cofinancé par les secteurs public et privé, n'est pas encore au bon niveau de financement. S'agissant de Definvest et de Definnov, il est évident leur voilure financière ne correspond pas aux enjeux évoqués, qui se chiffrent en milliards d'euros. Il faut aussi être créatif et réactif : ce fonds souverain ne doit pas être une simple extension des fonds qu'on a pu imaginer jusqu'à présent. La crise doit être l'occasion pour nous de réinventer ce que pourra être demain un fonds souverain pour les actifs stratégiques. Certaines activités stratégiques relèvent du domaine militaire, d'autres pas stricto sensu. Ainsi, l'intelligence artificielle, évoquée tout à l'heure par Sabine Thillaye, peut tout à fait relever des activités stratégiques. Bruno Le Maire, lorsque j'étais son colocataire à Bercy, a institué un fonds pour l'innovation de rupture, alimenté par les cessions des participations de l'État dans quelques grandes entreprises publiques. L'innovation de rupture est aussi une question de cyclicité. Ce fonds stratégique doit répondre non seulement à des besoins de capitaux d'un certain volume, à certains critères de criticité des activités à soutenir, mais aussi à la question temporelle, c'est-à-dire adapter sa stratégie d'investissement aux cycles longs qui président aux activités industrielles de défense. Ce sont ces pistes qu'il faudrait approfondir.

Madame Pouzyreff, la question de l'espace est évoquée plus longuement dans le rapport écrit. Quant à iXblue, c'est effectivement une très belle entreprise de votre circonscription. Pour soutenir de telles sociétés, tous les leviers administratifs sont bons à prendre. S'il y a eu cohésion entre les grands donneurs d'ordres, la DGA, nos PME et les TPE, c'est qu'on a su, confronté à l'urgence de la crise, lever des obstacles administratifs qui paraissaient insurmontables. Ce qui a relevé d'un droit exorbitant doit peut-être devenir le droit commun pour que nous gagnions en agilité et en réactivité. Il s'agit de permettre l'utilisation optimale et la mise à exécution réelle de ce que nous, parlementaires, votons et que nous avons parfois du mal à voir se concrétiser sur le terrain.

Monsieur Le Gac, la question de savoir quelle est la bonne méthode pour hiérarchiser les projets mériterait presqu'une mission à part entière. Avant tout, c'est sans doute aux groupements professionnels de nous dire quels projets ils ont dans les cartons. On doit commencer par exécuter les projets qu'on a décidé de lancer. Nous avons vraiment un problème d'exécution ; s'agissant de sujets industriels d'aussi long terme, ayant un impact sur les carnets de commande pour les cinq à quinze prochaines années, une décision qui était bonne à prendre il y a dix-huit mois reste bonne aujourd'hui. Ou alors, il nous faut sérieusement revoir nos processus et nos critères de décision ! Cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas faire preuve d'un peu d'opportunisme, comme vous l'évoquiez, mais il faut aussi pouvoir déstocker les projets existants un peu plus rapidement, grâce à un co-pilotage de la DGA et des groupements professionnels.

Enfin, Thibault Bazin a évoqué le capital – financier et humain – et les territoires accompagnants. Beaucoup de nos territoires ont été façonnés par nos industries de défense et par la présence de casernes et de nos bases militaires ; nombre d'entre nous en ont des exemples dans leurs circonscriptions. La réindustrialisation se fait sur du temps long et ne constitue donc pas une réponse immédiate à la crise, dans le cadre de la stratégie de rebond des douze à dix-huit prochains mois. En revanche, une fois qu'on a sécurisé des capitaux – y compris des capitaux humains, grâce à la formation professionnelle qui incombe aux collectivités territoriales –, on peut s'interroger sur la localisation, dans les cinq à dix ans, de nos industries de souveraineté permettant d'assurer des reconversions dans des bassins industriels frappés par la crise. La dimension territoriale de nos industries de défense et de nos industries technologiques est une question-clef.

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