Je voudrais moi aussi féliciter nos deux rapporteurs. Leurs travaux sont autant nécessaires qu'urgents puisque les SALA posent d'immenses questions technologiques, commerciales, juridiques, diplomatiques et bien sûr éthiques. Un exemple illustre bien cette nécessité. Je veux parler du débat manqué il y a une dizaine d'années sur le recours aux drones, qui a finalement privé notre pays d'une orientation claire, causant un retard industriel préjudiciable à nos intérêts et qu'il va falloir rattraper.
Ce débat sur les SALA a donc une véritable utilité. Il est essentiel de bien poser les termes du débat pour ne pas laisser prospérer des thèses inexactes. Je remercie les deux rapporteurs de leur effort sémantique pour bien distinguer l'autonomie de l'automatisation – présente dans nos armées depuis bien longtemps –, d'avoir pris en compte l'existant et d'avoir ouvert leur réflexion à tout type d'acteur, jusqu'aux philosophes.
Les bénéfices opérationnels des SALA sont évidents, notamment pour tenir compte de l'enjeu de la masse. Une régulation internationale est nécessaire mais nous devons nous préparer au pire alors que nous assistons jour après jour au délitement du multilatéralisme.
Je souhaite partager avec vous deux craintes et une proposition. Ma première crainte, c'est que les robots autonomes n'abaissent le seuil de déclenchement des conflits. Aujourd'hui, un État hésite à s'attaquer à un autre État parce qu'il met en jeu des vies humaines, celles de ses soldats. Ne craignez-vous pas un développement des conflits, ceux-ci étant rendus plus acceptables du point de vue des opinions publiques des États qui les mèneront ? Ma deuxième crainte concerne les entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD) qu'on appelait autrefois les sociétés militaires privées. Environ cinquante pour cent du budget de l'armée américaine finance des prestations externalisées. Certaines ESSD maîtrisent des drones armés d'ores et déjà. Ne craignez-vous pas que ces ESSD n'acquièrent une puissance voisine voire supérieure à celle des États ? Enfin, j'en terminerai avec une proposition : l'intelligence artificielle étant par essence une technologie duale, ne faudrait-il pas investir massivement dans la robotique civile pour que notre pays soit capable d'en faire un usage militaire en cas de besoin, et si la réglementation internationale venait à évoluer ?