Nous avons acquis la conviction que la gestion de la crise de la Covid-19 a, dans une certaine mesure, pu pâtir d'un manque de culture commune entre les différents services de l'État et, plus particulièrement, d'une méconnaissance du fonctionnement militaire.
Avant la crise de la Covid-19, les agences régionales de santé avaient l'habitude de gérer les crises seules et de s'organiser avec leurs propres moyens pour remplir leurs missions. Les forces armées étaient perçues comme un monde à part et le seul point de rencontre entre le monde de la sécurité civile et celui des forces armées était l'opération Sentinelle.
Cette méconnaissance des forces armées et de leur mode de fonctionnement – les fameuses réquisitions – a porté atteinte à la réactivité des administrations civiles, trop peu habituées à travailler avec des militaires.
Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, au plus fort de la crise, l'état-major de zone de défense a indiqué à la préfecture du Rhône que des renforts militaires pouvaient être mobilisés rapidement en cas de besoin du fait de la disponibilité des militaires engagés dans l'opération Sentinelle. Cette initiative spontanée des forces armées, inédite dans le cadre d'une crise à dimension civile et antérieure au lancement de l'opération Résilience, a suscité des réticences de la part des services de la préfecture, à tel point qu'un délai de 48 heures s'est écoulé entre le moment où l'état-major de zone de défense a fait cette proposition et celui où lesdits services de la préfecture ont accepté cette aide, le temps de solliciter le secrétariat général pour l'administration du ministère de l'Intérieur et d'identifier des missions pouvant être aisément déléguées aux forces armées.
Dans les « déserts militaires », c'est-à-dire dans les départements sans base aérienne, navale et sans régiments, les délégués militaires départementaux semblent avoir été impliqués plus tardivement dans les réunions organisées par les autorités préfectorales. Tant sur la forme que sur le fond, les demandes formulées par les autorités civiles aux militaires étaient généralement moins recevables dans ces départements.
Élu dans l'Orne et membre de la commission de la Défense nationale et des forces armées, je dois dire que c'est un sujet qui me tient particulièrement à cœur.
Dans un contexte où une part croissante des décideurs civils n'aura pas fait de service militaire, il me semble qu'encourager une meilleure connaissance des forces armées, a fortiori dans ces départements, est une nécessité.
Les armées peuvent rayonner de nombreuses manières dans ces départements. Le Pôle de rayonnement de l'armée de Terre organise régulièrement des journées de réflexion avec des fonctionnaires civils. Des auditeurs civils sont intégrés dans les cursus militaires supérieurs comme l'École de guerre ou l'Institut des hautes études de défense nationale.
Nous pensons qu'il faut davantage formaliser cette politique de rayonnement et l'adosser à une liste de publics prioritaires, parmi lesquels les élus et les préfets des « déserts militaires ».
J'ajoute une proposition qui me tient très à cœur : celle de favoriser le jumelage de villes de « déserts militaires » avec des régiments ou des compagnies de réserve de régiments présents dans des départements voisins. Par exemple, Alençon, ma ville, pourrait parrainer un régiment de la légion étrangère. Des unités militaires – de réserve ou d'active – pourraient s'entraîner dans l'Orne. Cela contribuerait à une meilleure connaissance des forces armées dans ces territoires. C'est un exemple, bien sûr !