Notre politique en Méditerranée repose sur les principes de préservation de la libre circulation dans les espaces maritimes, de règlement pacifique et négocié des conflits et de solidarité avec nos partenaires au sein de l'Union européenne. Nous appelons tous les pays à respecter le droit international, en particulier le droit international de la mer, lequel a été transgressé de multiples façons. La France n'a pas une position singulière. Elle s'inscrit dans une démarche encourageant toutes les parties prenantes à régler leurs différends par le dialogue et la négociation.
Conformément au principe de solidarité, Chypre et la Grèce bénéficient du plein soutien de la France afin d'assurer le respect de leur souveraineté. Ce soutien se manifeste non seulement par des prises de parole mais aussi par des actions concrètes, qui ne doivent pas être comprises comme participant d'une quelconque escalade ou militarisation : j'insiste sur le fait que c'est la Turquie qui est responsable de la montée des tensions et de l'escalade militaire. Nous ne sommes absolument pas fermés au dialogue avec la Turquie ; nous considérons qu'il faut chercher des solutions aussi bien de façon bilatérale qu'avec nos principaux partenaires afin de contribuer à réduire les tensions et le niveau d'escalade. C'est pourquoi nous saluons les efforts de médiation entrepris par l'Allemagne et par Josep Borrell, notre haut représentant au sein de l'Union européenne, pour faciliter la reprise du dialogue entre la Grèce et la Turquie, en particulier sur la question cruciale de la délimitation des zones maritimes.
Il va de soi que si la Turquie devait persister dans son attitude escalatoire, il faudrait s'attendre à ce que l'Union européenne adopte une liste de sanctions : c'est ce qui a été discuté entre les ministres des affaires étrangères de l'Union européenne, il y a quelques jours. Les Européens sont déterminés à mettre en œuvre ces sanctions si la Turquie persiste dans ses agissements.
Il ne faut pas caricaturer la position de la France. Cette position est claire : elle consiste à dialoguer autant qu'il est possible, mais dialoguer ne signifie pas donner le sentiment que nous sommes faibles et que nous acceptons les entorses, voire les encoches faites nettement aux principes fondamentaux du droit international, qu'il s'agisse de la liberté de navigation ou de la reconnaissance de la souveraineté de quelques États membres, mise en cause par les forages, les reconnaissances ou les travaux d'exploration entrepris par la Turquie sur le plateau chypriote.
Au Mali, l'instabilité créée par le coup d'État à la mi-août pose question à tous les membres de la coalition internationale pour le Sahel qui se constitue, car c'est un facteur d'instabilité supplémentaire dans une région qui en connaissait déjà beaucoup. C'est pourquoi il paraît indispensable à la France et à la communauté internationale que la junte assure rapidement la transition politique et transmette les pouvoirs à des autorités civiles. Cela est en cours de discussion avec la CEDAO qui insiste, à juste titre, sur la nécessaire rapidité de cette transition. Ces dernières heures, il semble qu'un accord ait été conclu pour ramener à une période de dix-huit mois une transition envisagée par la junte à horizon de trois ans, ce qui était hors de propos, mais des personnalités du monde civil doivent être rapidement identifiées et nommées afin de permettre au Mali d'organiser dans ces dix-huit mois des élections pour revenir dans le cadre institutionnel normal et légal.
Nos opérations militaires n'ont été ni remises en cause, ni freinées, ni désorganisées par le coup d'État. Cela ne veut pas dire que nous ne le considérions pas comme un fait politique majeur devant trouver une issue rapide dans une transition en faveur du pouvoir civil ; mais, sur le plan opérationnel, les forces armées maliennes sont au rendez-vous, les opérations planifiées depuis plusieurs mois ont bien lieu. La coalition internationale qui s'est progressivement constituée depuis le sommet de Pau continue de se mettre en place. L'opérationnalisation de la task-force Takuba est en cours autour du premier plot constitué d'unités françaises et estoniennes.
En outre, au début du mois de septembre, je me suis assurée auprès de nos principaux partenaires engagés à nos côtés au Sahel de la poursuite de leur soutien. J'en ai obtenu la confirmation auprès d'un certain nombre d'entre eux, notamment les Britanniques, les Danois, les Espagnols et les Estoniens. J'ajoute que les Américains continuent de nous apporter leur soutien sur le terrain, même si le principe du maintien de ce soutien au Sahel fait encore débat aux États-Unis. Je ne préjuge pas d'une décision à venir mais, à ce stade, les moyens américains engagés depuis de nombreux mois sont maintenus.
Au cours des échanges avec mes homologues européens, nous avons insisté sur le fait que les missions de formation assurées par EUTM, d'abord suspendues à cause de la crise sanitaire, puis à cause du coup d'État, devaient impérativement reprendre le plus tôt possible. Le haut représentant a également appelé à ce qu'il en soit ainsi. Il a été souhaité que, fortes de l'extension du mandat de la mission EUTM au Niger et au Burkina Faso, pendant la période où elles ne reprennent pas au Mali, ces missions y soient développées.
Le sentiment anti-français s'était puissamment exprimé à la fin de 2019. La manière dont les choses ont été reprises à partir du sommet de Pau a conduit à en atténuer significativement l'expression ; il a pu, de manière sporadique, se ré-exprimer depuis le coup d'État, mais nous n'en avons pas de témoignages caractérisés. Il importe de poursuivre dans la ligne fixée par le Président de la République, à Pau, avec ses homologues sahéliens, c'est-à-dire de reprendre le plus tôt possible non seulement les opérations militaires, puisqu'elles ont continué, mais les autres piliers de la coalition visant au retour des institutions publiques sur la totalité du territoire malien, la montée en puissance des projets de développement portés par différents opérateurs et la poursuite de la formation des forces de sécurité intérieure, auxquelles différentes missions de l'Union européenne ou d'autres contribuent. La transition politique doit avoir lieu le plus rapidement possible, car cela permettra la reprise d'une dynamique dans les différents chantiers identifiés lors du sommet de Pau.
La protection de nos forces au Mali n'a pas baissé. Elle continue d'être ferme. Depuis les mois de janvier et février, nous avons revu à la hausse le format de Barkhane. Il n'a pas été diminué depuis, mais nous n'avons pas l'intention de relever encore cet effectif. La stratégie que nous avons déroulée depuis le mois de janvier vise à faire venir de plus en plus à nos côtés des partenaires internationaux et européens. C'est bien le cas avec la montée en puissance de Takuba, en temps et en heure conformément au calendrier imaginé.
Le dispositif Sentinelle, rénové il y a deux ans, permet de concentrer les efforts dans le temps et dans l'espace là où l'action des forces de sécurité intérieure est prioritaire. Autrement dit, Sentinelle est là pour décharger la police et la gendarmerie de leurs missions de lutte contre le terrorisme, et exclusivement de celle-là, lorsque policiers et gendarmes sont accaparés par d'autres missions. Plusieurs échelons ont été définis. L'engagement peut aller jusqu'à dix mille personnes, en fonction des besoins ; le dispositif continue à se déployer en s'ajustant en permanence aux besoins exprimés par les préfets. Pendant la période du confinement, l'action de Sentinelle a été moins intense. Ce dispositif modulable ne crée pas d'effet d'éviction au regard d'autres missions de nos forces armées. Nous devons maintenir cette philosophie. L'expérience des deux années écoulées prouve que la qualité du dialogue qui s'est noué entre les préfets et les responsables zonaux de l'armée de terre a permis un déploiement ciblé, bien dosé et pertinent de la force Sentinelle.
La loi de programmation militaire prévoit elle-même une clause de revoyure avant la fin de l'année 2021. Nous travaillons à sa préparation et nous ferons des propositions dans les prochaines semaines pour en déterminer la méthode et le calendrier. Je serai certainement amenée à vous en reparler prochainement. Cette revoyure est utile pour resituer le contexte dans lequel interviennent nos forces armées. Avant d'entamer les travaux de la LPM, nous avions engagé une revue stratégique afin d'identifier les menaces permanentes et les menaces apparues au cours des dernières années. Sans nous lancer dans une nouvelle revue stratégique, il convient de réévaluer les différentes menaces pour nous assurer que la LPM reste parfaitement adaptée. Il ne s'agit pas de la remettre sur le métier mais de s'assurer de la pertinence des réponses que nous avons choisi d'apporter aux différentes menaces.
Dans le contexte de forte tension en Méditerranée orientale, le Premier ministre grec a décidé de passer une commande de dix-huit avions Rafale. C'est une excellente nouvelle – je le dis, parce qu'il est curieux de constater dans notre pays que lorsqu'un projet historique se concrétise, ce sont les esprits chagrins que l'on entend d'abord… C'est une excellente nouvelle pour l'Europe. J'espère que cela contribuera à affermir encore la stratégie que je vous ai présentée au mois de juillet concernant la politique d'exportation d'armement, dont je souhaite le développement en faveur de nos partenaires européens. Nous nous sommes suffisamment désolés de voir l'armée de l'air belge privilégier le F-35 pour nous féliciter du choix du Rafale par le gouvernement grec. Nous ne pouvons pas à la fois promouvoir une politique de préférence européenne, à laquelle je crois profondément, et nous désoler du choix de la Grèce.
C'est aussi une très bonne nouvelle pour notre industrie : la politique de préférence européenne a aussi des implications industrielles. Au-delà des grands groupes, la chaîne des sous-traitants, dont plusieurs centaines sont concernés, bénéficiera de cette commande. Globalement, 7 000 emplois ou personnes sont impliqués dans la chaîne de production des Rafale. Dans le contexte économique actuel, cette annonce doit être considérée comme un très grand succès et une excellente nouvelle.
Je ne balaie pas d'un revers de la main la question des prélèvements qui pourraient être opérés sur nos flottes, sachant qu'une partie de cette commande pourrait se traduire sous forme d'avions d'occasion prélevés sur l'armée de l'air. Vous imaginez bien que ma priorité est de m'assurer que de tels prélèvements n'auront pas d'effets opérationnels sur nos forces : c'est ma responsabilité première. Imaginer que je puisse envisager de tels prélèvements sur l'armée de l'air sans en évaluer les effets potentiels sur les opérations, c'est considérer que j'exerce ma responsabilité avec beaucoup de légèreté ! Je le dis avec solennité. J'aimerais qu'il soit bien compris par les représentants de la nation que nous examinons ces possibilités avec infiniment de sérieux et que nous ne laisserions pas opérer des prélèvements qui pourraient avoir une incidence opérationnelle. Est-ce à dire qu'il n'y a pas de marge de manœuvre ? Est-ce à dire que des solutions intelligentes ne pourraient être mises en œuvre ? La réponse est évidemment non.
Vous avez indiqué des questions sur la manière dont les arbitrages du plan de relance avaient été rendus. C'est vous, Mesdames et Messieurs, les députés, qui avez permis le vote d'une loi de programmation militaire constituant le socle de la relance. Concernant les chiffres inscrits en dur, les annuités 2019 à 2023 conduisent à prévoir le montant considérable de 110 milliards d'euros, afin de réaliser des investissements pour les équipements, les infrastructures et le maintien en condition opérationnelle. En cinq ans, c'est l'équivalent du plan de relance que vous avez choisi de mobiliser en faveur de nos armées. Certes, vous l'avez décidé en 2018, le temps passe et on oublie, mais il faut rappeler les faits. À l'échéance 2025, ce sont 180 milliards d'euros que vous avez prévu d'affecter à nos équipements et à notre maintien en condition opérationnelle (MCO), donc à notre base industrielle et technologique de défense. On ne peut donc parler d'un désintérêt de l'État à l'égard des sujets de défense, bien au contraire.
Vous avez fait bien mieux, dès l'automne 2017, en choisissant de relever l'effort en faveur de nos armées, puisque le budget pour 2018, que vous avez voté avant même l'adoption de la loi de programmation militaire, était en forte progression, de 1,8 milliard d'euros par rapport à celui pour 2017. C'est une stratégie très cohérente que, tous ensemble, nous poursuivons depuis 2017.
De plus, au mois de juin de cette année, les premières décisions qui ont été prises, avant même l'élaboration et l'annonce du plan de relance, consistaient en un plan de soutien à la filière aéronautique tant mise à mal par la crise économique. Au ministère des armées, nous avons décidé de revoir notre programmation à l'intérieur de l'enveloppe autorisée par la LPM et d'anticiper des commandes à destination de nos industriels. Ainsi, 600 millions d'euros de commande ont été anticipés, se traduisant par trois commandes d'A330 MRTT, qui auraient dû être passées en toute fin de loi de programmation militaire mais qui ont été notifiées à Airbus dès le mois d'août. Par conséquent, aucun retard n'a été pris par rapport aux annonces du mois de juin. J'ajoute que la commande de huit hélicoptères destinés à l'armée de l'air va rapidement se traduire en activité non seulement pour Airbus Helicopters, pour le site de Marignane, mais aussi pour le site de Safran, dans les Pyrénées atlantiques. Tout cela a des effets immédiats en termes de soutien à nos industries aéronautiques et à notre base industrielle et technologique de défense.
Enfin, nous n'avons pas attendu le plan de relance pour nous intéresser non seulement à la situation des grands groupes de l'industrie de défense, mais aussi à celle de tous les sous-traitants de petites ou moyennes entreprises (PME), qui constituent la chaîne de souveraineté à laquelle nous accordons une très grande attention. Nous avons mis en place une petite équipe auprès des équipes de Bercy pour les identifier toutes, soit plus de mille entreprises ayant vocation à être visitées par des équipes de la délégation générale de l'armement (DGA) ou de la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRRECTE), afin de faire le point sur leur trésorerie, leurs carnets de commandes, leur relation avec les banquiers. Pour un tiers des entreprises visitées, nous avons déjà activé des mesures de remédiation, autrement dit de soutien. Je ne rappellerai pas toutes les mesures que nous avons activées depuis 2018 en soutien de notre chaîne de souveraineté, tels que le plan action PME et les fonds mis en place ou sur le point de l'être à destination des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI).
Je ne peux pas laisser dire que le ministère des armées a été oublié par le plan de relance : en fait, il a été le premier servi au travers de la loi de programmation militaire que vous avez discutée. Je vous remercie encore de votre appui pour la défense, aussi bien dans les votes que vous exprimez que dans votre travail sur le terrain, dans vos circonscriptions.