Intervention de Général Philippe Lavigne

Réunion du mardi 13 octobre 2020 à 17h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Philippe Lavigne, chef d'état-major de l'armée de l'air et de l'espace :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous confirme qu'étant donné l'environnement de cette deuxième vague et les dispositions que nous prenons au sein du ministère des Armées pour minimiser les risques sanitaires, je préférais utiliser les moyens modernes de communication, que nous avons employés tout au long de cette année.

Je vous remercie de m'accueillir, une nouvelle fois, au sein de votre commission, pour dresser avec vous le bilan d'une année 2020 très singulière – vous l'avez dit, Madame la présidente – et pour dessiner les perspectives de remontée en puissance qu'offre le projet de loi de finances (PLF) pour 2021, dans le prolongement de la loi de programmation militaire (LPM).

Tout d'abord, 2020 est l'année de naissance de l'armée de l'air et de l'espace, sur laquelle je reviendrai, bien évidemment. Cette année a aussi été marquée par la pandémie de la Covid-19, qui a transformé nos méthodes de travail et a montré toute la résilience des armées, mobilisées aux côtés du personnel de santé au service de la Nation.

Elle a également été tragiquement endeuillée par la perte du sergent-chef Pierre Pougin, le 28 avril dernier, dans un accident d'hélitreuillage, et de Florian et Noémie, deux jeunes lycéens scolarisés à l'École des pupilles de l'air, le 12 septembre dernier, dans le crash de leur avion DR400.

Les menaces n'ont pas faibli, bien au contraire. Je voudrais tout d'abord vous exposer la vision que j'ai du monde aujourd'hui, décomplexé, imprévisible et fortement évolutif, ainsi que la manière dont l'armée de l'air et de l'espace y répond : au cours de cette année, les aviateurs sont en effet restés très engagés, sur tous les théâtres, extérieurs et national, et dans un spectre encore plus large de missions, du renseignement à la haute intensité en passant par la gestion de crise sanitaire et humanitaire.

Grâce à la LPM, l'armée de l'air et de l'espace s'est vue délivrer des capacités supplémentaires déterminantes pour nos succès en opérations. Cependant, face à la dégradation rapide et durable du contexte géopolitique et à l'émergence de formes de conflictualité inédites, de nouveaux défis se dessinent, et certains perdurent ; je les aborderai dans la dernière partie de mon propos.

Que vois-je dans le monde d'aujourd'hui, avec des yeux d'aviateur ? Je vois tout d'abord un niveau de désinhibition inédit dans l'usage de la force, notamment de la force aérienne et spatiale, qui vise à limiter notre liberté d'action par le recours à des outils de déni d'accès ou des démonstrations de puissance stratégique. En Libye, le déploiement d'avions MiG-29 russes et de systèmes sol-air, rend le théâtre non permissif et entrave toute liberté d'action. Au Levant, face à un regain de tensions, les États-Unis exigent de leurs alliés de ne disposer que d'avions polyvalents pour combattre le terrorisme, tout en garantissant la supériorité aérienne nécessaire à la manœuvre terrestre. La Méditerranée est aujourd'hui le théâtre d'une escalade de tensions. Elle est devenue pour la France une priorité politique, au même titre que le G5 Sahel, en proie à une instabilité accentuée par la situation politique, où l'emploi de l'arme aérienne est encore plus déterminant. Je n'oublie pas la zone indopacifique, qui fait l'objet de rivalités entre grandes puissances. Comme le rappelait le Président de la République, il s'agit d'un axe stratégique pour garantir à la fois nos intérêts économiques et de sécurité. Alors que la France est le seul pays de l'Union européenne géographiquement présent dans la zone, je vous assure que l'attente est forte de la part de nos partenaires, australien, japonais ou indien. Les sujets sécuritaires, humanitaires ou climatiques exigent présence et puissance. L'Airbus A400M est d'ailleurs actuellement déployé en renfort en Polynésie française, bel outil politique de coopération et d'assistance, grâce à ses capacités d'aérotransport et d'évacuation sanitaire.

Dans cette désinhibition, nous assistons aussi – ce point est important – à une démonstration stratégique des grandes puissances : les États-Unis déploient des Bomber Task Force de B-2 et B-52, en Grande-Bretagne ou aux Açores ; des bombardiers russes de type Tu-160 ou Tu-142 s'approchent de l'espace aérien de l'OTAN en mer Baltique et en mer du Nord. Notre espace aérien national est certes moins saturé depuis le début de la crise covid, mais il fait l'objet d'une surveillance accrue : outre ces aéronefs russes, à long rayon d'action, qui approchent nos côtes et sont surveillés, voire interceptés en coopération avec les pays européens, nous intervenons sur des avions de tourisme en infraction ou en détresse ; le drone peut également constituer une menace qu'il faut savoir traiter, comme l'ont démontré les incursions sur des aéroports, au Royaume‑Uni ou à Singapour, ou l'attaque du site pétrolier de Saudi Aramco, le 14 septembre 2019.

La menace dans la troisième dimension est désormais élargie à l'espace. Nous couvrions une bulle de quinze kilomètres d'altitude. Désormais, notre plafond s'élève à 36 000 kilomètres.

Nous assistons à une démocratisation des pays mettant en œuvre des satellites, dont le nombre est passé de 30 à 70 dans le monde en quelques années. Des objets non prédictifs changent d'orbite et se rapprochent. Le commandement de l'espace (CDE) observe depuis quelques mois la manœuvre de deux satellites militaires russes détectés pendant plusieurs semaines à moins de dix mètres l'un de l'autre, et dont l'un aurait libéré un objet propulsé.

Face à ces constats, l'utilisation de la troisième dimension produit des effets à plusieurs niveaux : au niveau politique – opération Hamilton en 2018, envoi de Rafale en Méditerranée en août dernier –, au niveau stratégique – dissuasion nucléaire aéroportée, capacité à projeter de la puissance, capacités spatiales – et au niveau opérationnel, dans tout le spectre des fonctions stratégiques, comme le montre l'exemple du drone Reaper armé dans la bande sahélo-saharienne (BSS).

Le CDE, créé le 3 septembre 2019, est une belle illustration de cette LPM de remontée en puissance, adaptée aux nouveaux enjeux : 3,6 milliards d'euros sont prévus pour l'espace ; s'ajoute un programme à effet majeur (PEM) de 700 millions d'euros sur la maîtrise de l'espace ; de plus, l'année 2021 sera marquée par des avancées capacitaires concrètes : lancement de la construction des infrastructures du CDE à Toulouse, livraison du satellite d'observation CSO-2, d'une constellation de trois satellites d'écoute CERES et d'un satellite de communication Syracuse IV. À l'image de la montée en puissance du CDE, je tiens à saluer la trajectoire de la LPM qui, après dix ans de baisse continue, présente pour la troisième année consécutive une augmentation des crédits, de 1,7 milliard d'euros en 2021, pour un budget de 39,2 milliards d'euros, dont 22 milliards d'euros pour les investissements en équipements et en infrastructures.

La LPM offre également une trajectoire croissante pour les ressources humaines des armées, et des mesures comme le plan Famille et le plan Hébergement, mesures décidées par la ministre des armées, qui participent à la fidélisation de nos aviateurs, moteurs de nos réussites opérationnelles.

Cette LPM consolide les leviers dont dispose l'armée de l'air et de l'espace pour répondre aux objectifs politiques de manière réactive, crédible et réversible, en tout point du globe avec une faible empreinte au sol. Nous détenons ainsi trois capacités clés : premièrement, protéger la France et ses intérêts ; deuxièmement, dissuader et permettre la liberté d'action interarmées ; troisièmement, intervenir vite et loin.

Nous protégeons la France et ses intérêts – comme vous l'avez évoqué, Madame la présidente – grâce à la posture permanente de sûreté aérienne. La police du ciel, tenue par l'armée de l'air et de l'espace, veille, décolle sous très court préavis, intercepte, identifie et agit pour la protection de notre territoire et de nos concitoyens. En 2020, 305 décollages sur alerte de nos chasseurs et hélicoptères Fennec ont déjà été réalisés pour des pertes de contact radio, des confirmations d'identité, des pénétrations de zones interdites et des assistances en vol. Quatre Mirage 2000-5 de la base de Luxeuil ont également assuré la police du ciel pendant quatre mois dans le cadre des mesures de réassurance de l'OTAN dans les pays baltes.

L'armée de l'air participe également aux missions de recherche et sauvetage – 53 vies ont été sauvées en 2019 – grâce à une flotte d'hélicoptère Puma fortement sollicitée et vieillissante. J'en profite pour saluer la commande dans le cadre du plan de soutien aéronautique de huit hélicoptères H225, qui contribueront au renouvellement des Puma, en attendant les douze appareils supplémentaires espérés. Je salue également la modernisation du Rafale F3-R, avec son missile Meteor, garant de notre supériorité aérienne, qui contribue non seulement à la protection des intérêts français, mais aussi aux missions d'intervention, notamment dans le domaine du haut du spectre.

C'est donc désormais jusqu'à une altitude de 36 000 kilomètres que nous est confiée la responsabilité de détecter, identifier et agir. Comme je l'ai évoqué, le CDE monte en puissance pour opérer dans, vers et depuis l'espace. Il contribue d'ores et déjà à l'appui aux opérations – le satellite CSO-2 sera lancé en décembre 2020 –, au soutien aux opérations spatiales – le CDE a participé à la surveillance du lancement, en mai 2020, de la capsule américaine Crew Dragon –, à la surveillance spatiale, notamment grâce aux radars GRAVES et SATAM qui ont, par exemple, permis l'évitement d'une collision entre la sonde Helios 2 et un objet spatial, le 22 septembre dernier. À terme, une défense active de l'espace sera mise en place. Un démonstrateur patrouilleur-guetteur dénommé Yoda est ainsi en cours de développement.

Au-delà des annonces, la stratégie de défense spatiale française, qui est parue avant celle des États-Unis, a apporté rapidement une grande crédibilité à notre pays. Au-delà des annonces, nous agissons et investissons. J'ai évoqué les nombreuses livraisons capacitaires attendues en 2021. Pour les ressources humaines, l'objectif est de 450 à 500 personnels supplémentaires en 2025. L'infrastructure du CDE à Toulouse, modulaire en 2021, sera définitive entre 2023 et 2025, pour accueillir notamment un centre opérationnel dédié. Toulouse accueillera, en mars 2021, le premier exercice spatial militaire européen, AstérX.

Ensuite, l'armée de l'air et de l'espace a la capacité de dissuader et garantit la liberté d'action interarmées. D'abord, elle met en œuvre la composante nucléaire aéroportée, en permanence, depuis 1964. Il y a une semaine, le 6 octobre dernier, nous retirions du service le premier avion C-135, entré en service le 20 janvier 1964 et totalisant plus de 36 000 heures de vol. Il avait servi dès les premières heures de la dissuasion nucléaire française, pendant la guerre du Golfe, et jusqu'à récemment dans l'opération Barkhane.

Comme vous avez pu récemment le constater, Madame la présidente, les forces aériennes stratégiques réalisent tout au long de l'année des manœuvres de montée en puissance et de démonstration de grande envergure de la composante nucléaire aéroportée. L'armée de l'air, plus largement, y entraîne ses moyens aériens, de commandement et de contrôle, de défense sol-air, à des scenarii de très haute intensité, qui paraissent de plus en plus envisageables.

Une page se tourne, l'avenir se construit, aujourd'hui avec la triade modernisée « missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA) – Rafale – avion Multi Role Tanker Transport (MRTT) ». Le troisième MRTT a été livré en juillet 2020 et je salue l'arrivée, fin 2020, des deux premiers A330 que le plan de soutien aéronautique nous octroie. Un troisième A330 sera livré en 2022, puis ils seront convertis en MRTT. Des choix structurants seront également faits à partir de 2021 sur le futur missile ASN4G et le standard F5 du Rafale, qui prédominera.

Ces moyens répondent à une logique d'emploi dual, à l'image du MRTT Phénix, qui projette de la puissance, mais qui sauve aussi des vies, dans sa configuration médicalisée Morphée, et projette des forces, jusqu'à près de 260 passagers. Plus largement, les avions de transport de l'armée de l'air permettent le déploiement de personnels et d'équipements, pour de la gestion de crise, comme lors de l'opération Amitié, qui a mobilisé en août les A400M, C-130J, A310, C-160 et MRTT, mais aussi pour des projections de commandos ou de matériel au cœur d'un dispositif ennemi. Un A400M parti de France a ainsi largué 17 tonnes de fret par air au Mali avant de se poser sur la base aérienne projetée de Niamey.

Les aviateurs peuvent enfin apprécier en permanence et de manière autonome la situation dans la troisième dimension élargie. Au-delà des capacités spatiales que j'ai abordées, nos moyens dans le domaine de l'intelligence, de la surveillance et de la reconnaissance (ISR) ont été significativement améliorés en 2020 un système Reaper Block 5 a déjà été livré à Cognac et le deuxième système Block 5 est attendu en bande sahélo-saharienne ce mois-ci. Cette nouvelle version disposera de moyens de renseignement optiques et électromagnétiques, en plus de sa capacité armée.

Les deux premiers avions légers de surveillance et de reconnaissance patrimoniaux auront été livrés en 2020 et un troisième sera commandé dans le cadre du plan de soutien pour une livraison en 2023, avancée de trois ans. Ces moyens ISR sont particulièrement utilisés aujourd'hui en Afrique et en Méditerranée.

Enfin, pour intervenir vite et loin, le couple MRTT-Rafale est une belle illustration de la capacité d'intervention vite et loin de l'armée de l'air, capable en 2023 de projeter dix MRTT et vingt Rafale en quarante-huit heures à 20 000 kilomètres, de manière autonome et pour conduire dans la durée une campagne aérienne. Plus généralement, l'arme aérienne est particulièrement adaptée aux espaces lacunaires à forte élongation, comme la BSS. En témoigne le recours accru à la capacité combinée ISR-frappe, offerte par le Reaper armé depuis décembre 2019, en complément du Mirage 2000D : à ce stade, en 2020, près de 40 frappes ont été menées par ce drone Reaper.

Au Levant, où le terrorisme se réactive, tandis que l'Iran et la Turquie déploient des drones dans le Nord de l'Irak et que les chasseurs russes patrouillent en Syrie, le Rafale F3-R nouvellement déployé offre de nouvelles fonctionnalités indispensables pour agir dans un environnement complexe et peu permissif. Il a d'ailleurs effectué son premier tir dans l'opération Chammal le 12 septembre dernier, détruisant une cache d'armes et neutralisant plusieurs terroristes.

J'ouvre une courte parenthèse sur la préparation opérationnelle. Dans la troisième dimension, l'entraînement est nécessaire pour préparer les corps et les cerveaux de nos équipages à gérer des situations de combat éminemment complexes, dans un milieu qui n'a rien de naturel pour l'homme, et dans lequel tout va très vite. Des décisions vitales s'y prennent sous fort facteur de charge, à proximité du sol, en patrouille rapprochée et dans des conditions météorologiques parfois hostiles. L'unité de temps décisionnelle là-haut est inférieure à cinq secondes. Tout cela ne s'improvise pas et exige d'entraîner nos hommes et nos machines. La préparation opérationnelle des aviateurs est de ma responsabilité devant le chef d'état-major des armées. Je suis attentif aux moyens qui y sont consacrés : activité, équipement, petits et gros, environnement. En ce sens, la LPM offre une trajectoire favorable ; c'était une nécessité.

Demain, nous nous apprêtons à faire face à des engagements plus durs, avec la résurgence des risques de conflits de haute intensité.

Le premier défi qu'il me semble important d'anticiper, pour conserver notre capacité à protéger la Nation et ses intérêts, est de disposer d'une aviation de combat dimensionnée en quantité et qualité pour pouvoir répondre aux contrats opérationnels. Le point de passage en 2025 à 129 Rafale est pour cela très important, et les équipements qui l'accompagnent – radars, lance-missiles, pods de désignation, armements – sont tout aussi dimensionnants. Dans un environnement complexe doté de moyens de déni d'accès, l'attrition est en effet à reconsidérer, ce qui justifie d'une masse globale suffisante.

Aujourd'hui la masse nécessaire à toute opération d'ampleur est aussi obtenue par le biais d'opérations conjointes, interarmées et interalliées. L'armée de l'air et de l'espace est d'ailleurs au cœur de ces coopérations. La pose de la première pierre, il y a quelques jours, de l'escadron franco-allemand de C-130J à Évreux, par les deux ministres des armées, est un exemple concret de coopération capacitaire et opérationnelle, qui débutera dès l'été 2021, alors que le quatrième et dernier C-130J français a été livré en février dernier.

Le commandement européen du transport aérien (EATC), basé à Eindhoven, constitue un second exemple. Il a fêté ses dix ans d'existence le 24 septembre dernier à l'occasion de la passation de commandement entre la France et l'Allemagne. Ce commandement rassemble plus de 200 avions, de 18 types différents et appartenant à sept nations, qui assurent des missions de transport stratégique et tactique, de ravitaillement en vol et d'évacuation sanitaire. Ce commandement est un succès notable de coopération européenne en matière de défense.

En Afrique, dans la dynamique du sommet de Pau, l'armée de l'air travaille à renforcer le partenariat militaire opérationnel avec les pays du G5 Sahel, sur les volets de la formation, du renseignement et de la coordination des moyens aériens. Je participerai, à ce titre, en novembre à l'inauguration de l'escale aérienne militaire à l'aéroport de Dakar.

Dans le domaine spatial également, la France est engagée depuis 2020 dans la démarche Combined Space Operations, visant l'interopérabilité entre les « Five Eyes », les États‑Unis, le Royaume‑Uni, l'Australie, la Nouvelle‑Zélande et le Canada, ainsi que l'Allemagne, dans le domaine des opérations spatiales.

Demain, cette masse sera décuplée par le combat collaboratif. La connectivité entre les effecteurs de tous les milieux sera nécessaire pour démultiplier les forces et produire un effet de saturation face aux systèmes de déni d'accès avancés. Les travaux en cours sur le système de combat aérien futur s'inscrivent parfaitement dans cette dynamique de combat collaboratif connecté grâce à son architecture de type « système de systèmes ». Il doit permettre à la fois de contrer le nombre et la puissance adverses, tout en défendant ses propres moyens. Il devra également contribuer à la crédibilité de notre composante nucléaire aéroportée. Enfin, il devra évidemment offrir des capacités de décision pour agir plus vite que l'ennemi.

La volonté politique très forte qui soutient ce programme a été, je crois, rappelée par la madame la ministre devant vous, il y a quelques jours. La signature d'un contrat entre les trois nations en 2021 sera primordiale pour respecter l'échéance d'un démonstrateur en 2026. Avec mes homologues allemands et espagnols, nous nous rencontrons régulièrement pour converger vers une architecture répondant aux attentes opérationnelles.

Mon deuxième défi porte sur le rôle confié à l'armée de l'air et de l'espace, dans une démarche interministérielle, en matière de coordination dans la troisième dimension. Ce rôle est légitimé en particulier par son expertise dans le domaine de la lutte anti-drones, exercée lors des différents dispositifs particuliers de sûreté aérienne. Le caractère résolument interministériel de la mission de sûreté aérienne et les délais très courts des processus décisionnels positionnent naturellement le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA) au cœur de cette coordination interministérielle pour la lutte anti-drones. Le retour d'expérience sur la crise covid a d'ailleurs démontré toute la légitimité de ce commandement pour coordonner en situation de crise la manœuvre initiale interzonale des moyens aériens. Pour la lutte anti-drones, nous disposons d'équipements spécifiques de détection et de brouillage, les moyens mobiles de lutte anti-drones (MILAD), acquis et expérimentés en 2019 et encore aujourd'hui ; nous nous employons à compléter cette expertise grâce à un partenariat avec Aéroport de Paris (ADP) et l'Agence de l'innovation de défense (AID), et nous montons en puissance, dans la perspective de la Coupe du monde de rugby en 2023 et surtout des Jeux olympiques de 2024.

Un autre enjeu capacitaire majeur dans la coordination 3D est le système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA), constitué de radars fixes et mobiles, de radios, de centres de contrôle et de conduite des opérations et du système qui les relie. Le programme Air command and control system (ACCS) de l'Otan, confié à Thales Raytheon Systems, est un enjeu majeur pour la coordination des opérations aériennes à l'échelle de l'OTAN. Des progrès notables et de bon augure ont été enregistrés en 2020, à la suite d'un travail en équipe entre les industriels, les armées et la direction générale de l'armement (DGA). Ils permettent d'envisager une mise en service opérationnelle (MSO) avant 2030, si la notification est prononcée en 2021. D'ici là, le système de traitement et de représentation des informations de défense aérienne (STRIDA) devra être prolongé et mis à niveau, afin de poursuivre les missions permanentes de sûreté aérienne et la conduite des opérations depuis le centre de Lyon-Mont Verdun.

Mon dernier défi, qui ne vous surprendra pas, ce sont les aviatrices et les aviateurs. Je ne les oublie surtout pas, ils sont au cœur de mes priorités. La covid a démontré encore une fois leur engagement, leur réactivité et leur efficacité. Je remercie en particulier les mécaniciens qui ont œuvré pendant toute la crise sanitaire pour que les avions volent et que les opérations continuent.

L'année 2020 a été très particulière pour les ressources humaines. La conjoncture, temporaire, a induit un nombre moindre de départs, alors que les recrutements ont été finalement peu impactés par la crise, au bénéfice d'un plan de communication actif et une image dynamisante de l'armée de l'air et de l'espace. Le moral des aviateurs est bon, malgré une fatigue légitime liée à la suractivité. En effet, même si l'ajustement annuel de la programmation militaire (A2PM) a octroyé quelques droits supplémentaires en mécaniciens et opérateurs spatiaux, il manque encore des ressources dans certains domaines – protection des emprises, contrôleurs, informaticiens –, ce qui pèse encore sur les personnels. Je dois aussi maintenir les efforts sur la fidélisation, pour ne pas laisser partir des personnels très qualifiés. C'est tout l'enjeu de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) : mon attention se porte sur la valorisation des compétences spécifiques des aviateurs et sur l'absence répétées de ces compétences.

La modernisation des formations constitue un levier important : modernisation, d'une part, des formations initiales, comme la Smart school, et, d'autre part, des formations professionnelles, comme le recours au simulateur de missions PC-21, à Cognac, formidable vecteur de préparation à l'aviation de combat. Le maintien d'une activité satisfaisante contribue également à la fidélisation, ce qui nous ramène à l'effort réalisé sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels aéronautiques. Je ne développerai pas ce point, faute de temps, mais l'armée de l'air et de l'espace travaille en étroite coopération avec la direction de la maintenant aéronautique (DMAé), la DGA et tous les acteurs du domaine, dont les industriels, pour dynamiser les processus et les effets de la réforme. J'y suis très attaché.

Enfin, l'accent mis par Madame la ministre sur les plans Famille et Hébergement porte ses fruits. Près de 2500 places de crèches supplémentaires ont été attribuées, un dispositif de prestation de soutien en cas d'absence prolongée du domicile a été mis en place, et l'armée de l'air disposera de près de 8 600 lits supplémentaires sur ses emprises entre 2019 et 2025.

En conclusion, l'armée de l'air vient de vivre un moment historique en devenant l'armée de l'air et de l'espace. Forte des capacités que lui offre la LPM, forte de ses aviatrices et aviateurs tournés vers l'avenir et forte de ses succès en opérations, elle s'apprête désormais à relever de nouveaux défis : « voir de plus haut, décider plus vite et être plus fort ».

Vous êtes, Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, toujours les bienvenus sur nos bases aériennes pour le constater. Je crois malheureusement que le calendrier des auditions ne vous permettra pas d'assister à la présentation des capacités de l'armée de l'air et de l'espace, ce jeudi 15 octobre, sur la base aérienne d'Évreux, mais je vous invite d'ores et déjà, au colloque sur la puissance aérienne et la maîtrise de l'espace, le 24 novembre prochain, à l'École militaire, au cours duquel j'exposerai plus en détail ma vision stratégique pour l'armée de l'air et de l'espace.

Avant de répondre à vos questions, je tenais à vous signaler, comme le veut la tradition, qu'un court film vient de vous être adressé, reprenant le tour de piste que je viens de vous dresser. Vous le recevrez très prochainement.

Je vous remercie.

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